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Abdel-Fattah El Gibali
 
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 Semaine du 20 au 26 juin 2012, numéro 927

 

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Egypte

Parlement . Sa dissolution sur ordre de la justice, deux jours avant le second tour de la présidentielle, laisse le pouvoir législatif entre les mains des militaires.

 

Les militaires s’emparent du pouvoir législatif

 

 

Le Parlement a été officiellement dissous le 16 juin par le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) au pouvoir, suite au verdict de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) invalidant la loi électorale.

 

Le 14 juin, deux jours avant le second tour du scrutin présidentiel, la HCC a jugé inconstitutionnelle la loi électorale ayant régi les élections législatives qui avaient eu lieu début 2012. Une décision qui invalide la composition du Parlement dominé à hauteur de 70 % par les islamistes. Le fait que des représentants des partis politiques se sont présentés dans les circonscriptions individuelles réservées aux indépendants constitue une atteinte à l’égalité des chances. Bien que ce vice de la loi électorale signalé par la Cour ne concerne qu’une partie des sièges attribués par scrutin uninominal, le verdict de la HCC a entraîné la dissolution de tout le Parlement.

 

Le maréchal Hussein Tantawi, chef du CSFA, a notifié officiellement au secrétariat général de l’Assemblée du peuple la décision de dissolution. « La dissolution de l’Assemblée du peuple est effective dès ce vendredi. Les anciens députés ne peuvent désormais accéder au siège du Parlement que sur notification et autorisation préalables », a indiqué la missive envoyée au secrétariat général de l’Assemblée. Le Conseil militaire a également déclaré qu’il récupérait le pouvoir législatif jusqu’à la tenue de nouvelles élections législatives. Quant au Conseil consultatif, la Chambre haute du Parlement, le président de la HCC, Farouq Sultan, a déclaré qu’il aurait le même sort que l’Assemblée du peuple puisqu’il a été élu en fonction de la même loi déclarée invalide.

 

Les islamistes exigent un référendum

 

La dissolution du Parlement a eu l’effet d’un coup de foudre sur les islamistes, notamment les Frères musulmans qui y étaient majoritaires. Dénonçant « un coup d’Etat », ces derniers réclament que la décision de la HCC soit soumise à un référendum.

 

Mohamad Al-Beltagui, député et cadre supérieur des Frères, accuse les militaires d’avoir orchestré ce scénario pour préparer le terrain à un retour de l’ancien régime. « Oui, il s’agit d’un coup d’Etat militaire, on ne peut pas le voir autrement. C’est le Conseil militaire qui a élaboré la loi électorale avec l’aide des magistrats de la HCC qui viennent maintenant l’invalider. Ne savait-il pas déjà qu’elle était inconstitutionnelle ? C’est un acte intentionné pour que les militaires tiennent en main les règles du jeu », accuse Al-Beltagui.

 

« Le verdict de la HCC concerne la constitutionnalité de la loi électorale, mais il revient à la Cour administrative de préciser ses implications et les procédures de sa mise en vigueur », s’insurge de son côté Sobhi Saleh, un autre cadre des Frères musulmans.

 

Sur le terrain, les forces de sécurité ont encerclé le siège du Parlement pour en empêcher l’accès aux députés.

 

De leur côté, les islamistes contestent — eux aussi sur des bases juridiques — la dissolution du Parlement. A l’issue de sa réunion dimanche avec le numéro deux du Conseil militaire, le général Sami Anan, le président du Parlement, Saad Al-Katatni, a déclaré son rejet de la décision de dissoudre le Parlement. Ahmad Abou-Baraka, conseiller juridique du Parti Liberté et justice, bras politique de la confrérie, a, lui, déclaré que les députés allaient tenir « coûte que coûte » leurs prochaines séances dans l’hémicycle. Il a ajouté sur un ton défiant que « toutes les options sont ouvertes » dans le cas où on leur interdirait l’accès au Parlement. « Le Conseil militaire veut défier la volonté de 30 millions d’électeurs, qui ont voté aux élections législatives », s’insurge-t-il.

 

Essam Sultan, député du parti islamiste modéré Al-Wassat, trouve, quant à lui, que la HCC a « dépassé de loin ses prérogatives qui se limitent à juger la constitutionnalité d’une loi laissant au président de la République l’application de sa décision. Conformément à la Constitution de 1971, celle-ci doit appeler à un référendum sur la dissolution du Parlement », dit Sultan.

 

Des arguments qui ne tiennent pas debout pour Gaber Nassar, professeur de droit constitutionnel. Nassar explique que les verdicts de la HCC sont définitifs et ils entrent en vigueur dès leur publication au journal officiel. « C’est inadmissible de soumettre une décision de la justice à un référendum. Ceci est contraire au principe de la souveraineté de la loi », affirme-t-il.

 

En dehors des débats juridiques, l’opposant Mohamad ElBaradei, père spirituel des révolutionnaires, trouve que « même s’il s’agit d’un coup d’Etat militaire comme disent les Frères musulmans, ceux-ci endossent la responsabilité de cette impasse dans laquelle on se trouve ». Dans une interview accordée au journal britannique The Guardian, ElBaradai estime qu’après le renversement de Moubarak, les islamistes ont voulu « s’emparer de tout le gâteau du pouvoir », et que leur alliance (éphémère) avec les militaires directement a servi la contre-révolution. « Leur véritable problème c’est de toujours placer leurs propres intérêts et ceux de la confrérie au-dessus de ceux du pays », regrette ElBaradei.

 

Si ce verdict a fait l’objet d’interprétations juridiques parfois contradictoires, son impact sur la transition politique est évident. Le député indépendant Moustapha Al-Naggar déplore un retour à la case départ après une longue et difficile phase de transition. « Tous les pouvoirs maintenant sont entre les mains du Conseil militaire. On se retrouve dans la même situation qu’en février 2011. La seule différence c’est que ni le peuple ni les forces politiques n'ont le courage de tout recommencer », déplore-t-il. Al-Naggar parle de réunions actuellement en cours entre des représentants de plusieurs partis politiques pour trouver une formule permettant de sortir de cette impasse. Selon lui, les discussions tournent autour d’une idée déjà proposée par ElBaradei et qui consiste à réduire à un an le mandat du nouveau président, le temps de rédiger la nouvelle Constitution et d’élire un nouveau Parlement. Des propositions qui semblent venir trop en retard puisque la feuille de route appartient une fois de plus au Conseil militaire qui règne en maître, en vertu d’une Déclaration constitutionnelle bis .

 

May Al-Maghrabi

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