Parlement
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Sa dissolution sur ordre de la justice, deux jours
avant le second tour de la présidentielle, laisse le pouvoir
législatif entre les mains des militaires.
Les militaires s’emparent du pouvoir
législatif
Le
Parlement a été officiellement dissous le 16 juin par le
Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) au pouvoir, suite
au verdict de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC)
invalidant la loi électorale.
Le 14 juin, deux jours avant le second tour du scrutin
présidentiel, la HCC a jugé inconstitutionnelle la loi
électorale ayant régi les élections législatives qui avaient
eu lieu début 2012. Une décision qui invalide la composition
du Parlement dominé à hauteur de 70 % par les islamistes. Le
fait que des représentants des partis politiques se sont
présentés dans les circonscriptions individuelles réservées
aux indépendants constitue une atteinte à l’égalité des
chances. Bien que ce vice de la loi électorale signalé par
la Cour ne concerne qu’une partie des sièges attribués par
scrutin uninominal, le verdict de la HCC a entraîné la
dissolution de tout le Parlement.
Le maréchal Hussein Tantawi,
chef du CSFA, a notifié officiellement au secrétariat
général de l’Assemblée du peuple la décision de dissolution.
« La dissolution de l’Assemblée du peuple est effective
dès ce vendredi. Les anciens députés ne peuvent désormais
accéder au siège du Parlement que sur notification et
autorisation préalables », a indiqué la missive envoyée
au secrétariat général de l’Assemblée. Le Conseil militaire
a également déclaré qu’il récupérait le pouvoir législatif
jusqu’à la tenue de nouvelles élections législatives. Quant
au Conseil consultatif, la Chambre haute du Parlement, le
président de la HCC, Farouq
Sultan, a déclaré qu’il aurait le même sort que l’Assemblée
du peuple puisqu’il a été élu en fonction de la même loi
déclarée invalide.
Les islamistes exigent un référendum
La dissolution du Parlement a eu l’effet d’un coup de foudre
sur les islamistes, notamment les Frères musulmans qui y
étaient majoritaires. Dénonçant « un coup d’Etat »,
ces derniers réclament que la décision de la HCC soit
soumise à un référendum.
Mohamad Al-Beltagui, député et
cadre supérieur des Frères, accuse les militaires d’avoir
orchestré ce scénario pour préparer le terrain à un retour
de l’ancien régime. « Oui, il s’agit d’un coup d’Etat
militaire, on ne peut pas le voir autrement. C’est le
Conseil militaire qui a élaboré la loi électorale avec
l’aide des magistrats de la HCC qui viennent maintenant
l’invalider. Ne savait-il pas déjà qu’elle était
inconstitutionnelle ? C’est un acte intentionné pour que les
militaires tiennent en main les règles du jeu », accuse
Al-Beltagui.
« Le verdict de la HCC concerne la constitutionnalité de
la loi électorale, mais il revient à la Cour administrative
de préciser ses implications et les procédures de sa mise en
vigueur », s’insurge de son côté
Sobhi Saleh, un autre cadre des Frères musulmans.
Sur le terrain, les forces de sécurité ont encerclé le siège
du Parlement pour en empêcher l’accès aux députés.
De leur côté, les islamistes contestent — eux aussi sur des
bases juridiques — la dissolution du Parlement. A l’issue de
sa réunion dimanche avec le numéro deux du Conseil
militaire, le général Sami Anan,
le président du Parlement, Saad Al-Katatni,
a déclaré son rejet de la décision de dissoudre le
Parlement. Ahmad Abou-Baraka, conseiller juridique du Parti
Liberté et justice, bras politique de la confrérie,
a, lui, déclaré que les députés
allaient tenir « coûte que coûte » leurs prochaines
séances dans l’hémicycle. Il a ajouté sur un ton défiant que
« toutes les options sont ouvertes » dans le cas où
on leur interdirait l’accès au Parlement. « Le Conseil
militaire veut défier la volonté de 30 millions d’électeurs,
qui ont voté aux élections législatives »,
s’insurge-t-il.
Essam
Sultan, député du parti islamiste modéré Al-Wassat,
trouve, quant à lui, que la HCC a « dépassé de loin ses
prérogatives qui se limitent à juger la constitutionnalité
d’une loi laissant au président de la République
l’application de sa décision. Conformément à la Constitution
de 1971, celle-ci doit appeler à un référendum sur la
dissolution du Parlement », dit Sultan.
Des arguments qui ne tiennent pas debout pour Gaber
Nassar, professeur de droit
constitutionnel. Nassar explique
que les verdicts de la HCC sont définitifs et ils entrent en
vigueur dès leur publication au journal officiel. « C’est
inadmissible de soumettre une décision de la justice à un
référendum. Ceci est contraire au principe de la
souveraineté de la loi », affirme-t-il.
En dehors des débats juridiques, l’opposant Mohamad
ElBaradei, père spirituel des
révolutionnaires, trouve que « même s’il s’agit d’un coup
d’Etat militaire comme disent les Frères musulmans, ceux-ci
endossent la responsabilité de cette impasse dans laquelle
on se trouve ». Dans une interview accordée au journal
britannique The Guardian,
ElBaradai estime qu’après le renversement de
Moubarak, les islamistes ont voulu « s’emparer de tout le
gâteau du pouvoir », et que leur alliance (éphémère)
avec les militaires directement a servi la
contre-révolution. « Leur véritable problème c’est de
toujours placer leurs propres intérêts et ceux de la
confrérie au-dessus de ceux du pays », regrette
ElBaradei.
Si ce verdict a fait l’objet d’interprétations juridiques
parfois contradictoires, son impact sur la transition
politique est évident. Le député indépendant Moustapha Al-Naggar
déplore un retour à la case départ après une longue et
difficile phase de transition. « Tous les pouvoirs
maintenant sont entre les mains du Conseil militaire. On se
retrouve dans la même situation qu’en février 2011. La seule
différence c’est que ni le peuple ni les forces politiques
n'ont le courage de tout recommencer »,
déplore-t-il. Al-Naggar parle de
réunions actuellement en cours entre des représentants de
plusieurs partis politiques pour trouver une formule
permettant de sortir de cette impasse. Selon lui, les
discussions tournent autour d’une idée déjà proposée par
ElBaradei et qui consiste à
réduire à un an le mandat du nouveau président, le temps de
rédiger la nouvelle Constitution et d’élire un nouveau
Parlement. Des propositions qui semblent venir trop en
retard puisque la feuille de route appartient une fois de
plus au Conseil militaire qui règne en maître, en vertu
d’une Déclaration constitutionnelle bis
.
May Al-Maghrabi