Grèves .
La ville industrielle d’Al-Sadate est en ébullition. Les
ouvriers de plusieurs sociétés protestent contre leurs
conditions de travail et réclament des augmentations de
salaires.
Rien ne va plus à la cité d’Al-Sadate
A première vue, tout semble calme dans la ville d’Al-Sadate
sur la route Le Caire-Alexandrie. Mais en réalité, la ville
est en ébullition. Trois sociétés de cette ville
industrielle ont connu de vastes mouvements de protestation
pendant la semaine. D’autres ont aussi connu des mouvements
de moindre ampleur. L’Hebdo a pu entrer dans deux usines de
textile où les mouvements de protestation ont pris de
l’ampleur.
A la société turque Mega Textile, 800 jeunes sont en grève
depuis le 9 mai. Ils réclament une hausse des salaires de
base : de 150 à 200 L.E. pour les anciens travailleurs et de
70 à 100 L.E. pour les nouveaux. Cette augmentation
s’ajouterait à la prime de 15 % décidée par le gouvernement.
Les ouvriers souhaitent par ailleurs un juste calcul des
heures supplémentaires.
L’administration a augmenté le salaire de base mais en
échange, elle a réduit les bonus. Résultat : les ouvriers
n’ont rien gagné. La plupart d’entre eux ont poursuivi la
grève malgré quelque 80 ouvriers et superviseurs qui s’y
opposaient. « L’administration paye certains travailleurs
pour que ceux-ci s’opposent à la grève », assurent certains
ouvriers. « On m’a offert une hausse de salaire à condition
que je dise à mes collègues de reprendre le travail mais
j’ai refusé. Nos demandes sont légitimes », assure Iman, une
des ouvrières en grève.
Le gouverneur de Ménoufiya est intervenu, affirmant que
l’administration de l’usine devait répondre aux demandes des
ouvriers avant trois jours. « L’administration a préparé une
liste de 50 noms, affirmant qu’elle répondra à nos demandes
si les noms cités sur la liste quittent l’usine
définitivement », indique Mahmoud Abdel-Nasser, président du
naissant syndicat de l’usine dont le nom figure sur la
liste. Malgré ces menaces, il reste déterminé à voir ses
revendications et celles de ses collègues satisfaites. « On
veut un accord officiel qui inclut des pénalisations en cas
de non-respect des termes de l’accord. Le gouverneur peut
s’en aller demain, mais le contrat restera », espère
Mahmoud, qui a mené avec ses collègues 6 grèves au cours des
4 dernières années.
Chez le groupe Al-Robaeya, formé de 4 sociétés, 3 000
ouvriers sont en sit-in depuis le 10 mai. Le travail avait
repris après un accord répondant aux demandes non
financières des ouvriers mais les ouvriers ont repris leur
sit-in lorsqu’ils se sont aperçu que les promesses n’avaient
pas été respectées. Les ouvriers de l’usine se plaignent des
conditions de travail trop strictes. Il leur est, par
exemple, interdit d’amener leur portable ou leur nourriture
au sein de la société. « Un collègue n’a pas assisté à
l’enterrement de son fils, car il n’a pas été informé à
temps », assurent des ouvriers. « Un chien n’accepterait pas
de manger le morceau de fromage et les deux petites galettes
de pain qu’on nous donne pour nourriture », dit un autre.
De simples demandes parmi d’autres que l’administration
avait promis de réaliser. Les ouvriers avaient alors repris
leur travail le 12 mai, attendant l’arrivée du propriétaire
syrien pour négocier les demandes de hausse de salaires.
Mais le non-respect des précédentes demandes les a poussés à
interrompre le travail de nouveau. Dimanche 15 mai, trois
directeurs de l’usine que les ouvriers souhaitaient voir
écartés y sont arrivés entourés d’ouvriers qui les
protégeaient — certains étaient armés, selon les ouvriers —
et ont insulté ces derniers. Les ouvriers ont immédiatement
entamé un sit-in et l’administration a ordonné l’arrêt du
travail. La situation est loin de s’améliorer et la
direction, loin de négocier d’égal à égal avec les ouvriers,
semble partie pour un bras de fer qui ne fera qu’empirer les
choses.
Marwa
Hussein