Al-Ahram Hebdo, Egypte | Gains relatifs pour la confrérie

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 Semaine du 19 au 25 octobre 2011, numéro 893

 

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Egypte

Ordre des médecins . Les Frères musulmans n’ont pas réussi à s’imposer avec force comme ce fut le cas pendant les 20 dernières années. Le résultat constitue un indice pour les prochaines législatives.

Gains relatifs pour la confrérie

Pour beaucoup d’observateurs, les élections de l’ordre des Médecins sont un premier fruit de la révolution. Elles servent d’indicateur aux élections législatives prévues le mois prochain. Premier constat : les résultats réalisés par les islamistes se sont avérés bien en deçà de nombreuses prévisions. Pour la première fois depuis 2 décennies, les islamistes partagent le syndicat avec un courant libéral émergent, dit « courant d’indépendance », qui ne prétend pas représenter une tendance politique particulière.

Ces élections se sont tenues vendredi dernier au siège du « syndicat général » situé à Qasr Al-Aïni, au centre de la capitale, ainsi que dans 26 syndicats « locaux » représentant les différents gouvernorats du pays.

Le courant d’indépendance a réussi à s’approprier une majorité de sièges dans les conseils de 14 de ces syndicats locaux. Ils sont aussi majoritaires au Caire où ils ont remporté 14 sièges sur 16, à Alexandrie (10 sur 12), ainsi que dans la plupart des gouvernorats de la Haute-Egypte, notamment Minya, Béni-Souef, Assiout, Sohag, Qéna, Louqsor et Assouan. Les indépendants se sont aussi imposés à Marsa Matrouh (à l’ouest) comme à Suez, Ismaïliya et dans le Nord-Sinaï. Ces résultats sont d’autant plus inattendus que les Frères musulmans bénéficient — du moins théoriquement — d’une grande popularité à Alexandrie, à Ismaïliya et dans le sud du pays. Pour le poste de président des syndicats locaux, le courant indépendant a remporté 12 sièges sur 27. Pour le conseil général du syndicat, les candidats issus de la confrérie des Frères musulmans ont remporté 75 % des sièges. Le poste de président national du syndicat est revenu à Mohamad Khaïri Abdel-Dayem, un candidat qui se dit indépendant, mais qui est soutenu par la confrérie.

Khaled Samir, professeur à la faculté de médecine de l’Université de Aïn-Chams, explique que les résultats sont un succès pour le courant indépendant, dont il est lui-même un des principaux promoteurs. Commentant les résultats aux couleurs islamistes du conseil général, Samir attribue le succès des Frères à leur capacité d’organisation. A la différence des syndicats locaux qui impliquent une campagne plus restreinte au seul niveau du gouvernorat, le conseil général demande une mobilisation à l’échelle nationale. « Les candidats affiliés aux Frères musulmans n’ont pas pu dominer tous les syndicats régionaux, mais ils ont pu mobiliser les électeurs pour mettre la main sur le conseil général, utilisant leur expérience et exploitant le manque d’expérience de leurs concurrents », analyse Samir.

Bien que membre de la confrérie, Gamal Hechmat, médecin, reconnaît que les résultats des élections de l’ordre reflètent la réalité de l’Egypte après la révolution. « Il y a désormais un espoir pour tout le monde. Même ceux qui ne croient à aucune idéologie politique ont participé aux élections. Il existe un espace de liberté plus ouvert qu’auparavant », admet-il.

« Les coptes, par exemple, ont joué un rôle important dans ces élections. Ils n’avaient pas de vrai rôle syndical durant les 20 dernières années. Mais après la révolution, ils ont décidé de participer pleinement à la vie politique », estime Hechmat. Les coptes, qui représentent 10 % de la population, constituent de 15 à 30 % des médecins, selon la région. Ils sont par exemple fortement présents en Haute-Egypte. Les résultats des élections de vendredi ont reflété l’importance de leur poids numérique.

L’activité syndicale des Frères musulmans correspond à leur politique de « propagation de bas en haut », notamment après leur interdiction officielle sous Gamal Abdel-Nasser. Ainsi ils ont focalisé leurs activités sur les élections des unions estudiantines, des clubs des professeurs universitaires et des syndicats durant les années 1970-1980. Leur succès s’explique partiellement par le déclin, à la même période, du courant nassérien et de la gauche.

Le courant islamiste a disputé les élections de l’ordre des Médecins pour la première fois en 1984, avant d’investir les syndicats des Ingénieurs et des Pharmaciens.

« Ils ont cru devoir leur succès au soutien des citoyens, mais ce n’était pas la vérité », estime Abdel-Réhim Ali, spécialiste des mouvements islamistes. « La participation aux élections syndicales durant les 20 dernières années était très faible. L’ancien régime avait réussi à convaincre tout le monde de la futilité de leur participation », ajoute le chercheur.

En effet, lors des élections de l’ordre des Avocats en 1992, le taux de participation n’a pas dépassé les 10 %. « Il en a été de même lors des élections de l’ordre des Médecins en 1984, en 1986, et finalement en 1992, lorsque les islamistes ont réussi à s’accaparer du syndicat en encourageant les jeunes diplômés islamistes à participer aux élections, profitant de la passivité de la majorité », ajoute-t-il. Les résultats des élections de l’ordre des Médecins ont donné un avant-goût des élections législatives, rassurant ceux qui craignent une vague islamiste de grande ampleur.

May Atta

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Les moins chanceux

Contrairement aux médecins qui ont réussi à organiser à temps les élections de leur syndicat, les journalistes et les avocats doivent lutter contre la justice pour élire — dans l’esprit de la révolution — leurs nouveaux représentants syndicaux.

La crise qui touche les journalistes a pris fin. La Haute Cour administrative a décidé lundi d’accepter le recours contre la suspension des élections de leur syndicat. En vertu du verdict de lundi, les journalistes peuvent organiser leurs élections dès vendredi 21 octobre.

Jeudi, le Tribunal administratif du Conseil d’Etat avait dans un premier temps décidé la suspension des élections du président et du conseil du syndicat des Journalistes suite à un procès intenté par le journaliste Khaled Al-Atfi. Celui-ci, qui est par ailleurs accusé de sympathiser avec des membres de l’ancien régime, se basait sur un vice procédural. « C’est le secrétaire général du syndicat, Salah Abdel-Maqsoud, qui a appelé aux élections, usurpant ainsi les prérogatives du président, Makram Mohamad Ahmad, qui a disparu de la circulation après la révolution », soutenait-il.

De vendredi, jour où les élections étaient initialement programmées, jusqu’au lundi, jour où la Haute Cour administrative a donné raison à la majorité des journalistes, ces derniers ont multiplié les manifestations réclamant l’inauguration d’une « nouvelle ère avec de nouveaux visages ».

« Dans les coulisses, l’on estime que les Frères musulmans sont ceux qui mettent les bâtons dans les roues, parce qu’ils sentent que leur candidat Mamdouh Al-Wali a de faibles chances de l’emporter », confie un journaliste sous couvert d’anonymat. Cela dit, durant sa campagne, Al-Wali a tenu à prendre ses distances avec les Frères, niant toute affiliation à la confrérie.

« Les sympathisants avec les figures de l’ancien régime auraient joué le même jeu que les islamistes. Les autorités craignent de leur côté un candidat fort échappant à leur tutelle, surtout quand l’on sait que le syndicat a toujours été — dans la pratique — sous la houlette du gouvernement », renchérit Alaa Al-Attar, candidat aux élections du conseil syndical.

Les autorités sont également accusés de contrecarrer les élections de l’ordre des Avocats. Celles-ci ont été repoussées sine die sur décision du comité juridique intérimaire qui contrôle le syndicat.

Le comité affirme avoir besoin de temps pour mettre à jour les listes des membres du syndicat. Mais pour Gamal Tagueddine, avocat, les autorités utilisent ce comité pour contrôler le syndicat par procuration. « Comme pour les journalistes, ils craignent la naissance d’un syndicat véritablement indépendant. Ces deux syndicats ont joué un rôle-clé dans la vague de protestations qui a marqué les dernières années de Moubarak », ajoute l’avocat.

En établissant un lien avec l’élaboration d’une nouvelle loi de l’autorité judiciaire, l’avocat Montasser Al-Zayyat donne une interprétation différente des faits. « Les avocats ont monté une fronde contre l’adoption de ce nouveau projet de loi qui leur ôte l’immunité dont ils bénéficient à l’intérieur des tribunaux en donnant au juge, par exemple, le droit d’incarcérer un avocat pour des comportements ou propos jugés inacceptables ou déplacés. Or, cette loi ne pourra être acceptée sans l’aval du syndicat. Tant qu’il n’y a pas de conseil élu, le comité juridique peut la faire passer sans problème », analyse Al-Zayyat.

Les avocats ont organisé une série de grèves dans plusieurs gouvernorats, dont Charqiya, Assouan et Sohag. Ils sont allés jusqu’à boucler les tribunaux et y interdire l’accès aux juges. Ils menacent, au cas où le comité juridique n’appellerait pas à des élections avant le 15 novembre, de réunir une assemblée générale urgente pour élire, parmi les « vieux du métier », ceux qui remplaceront le comité dans la gestion des affaires du syndicat.

May Atta

 

 




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