Ordre des médecins .
Les Frères musulmans n’ont pas réussi à s’imposer avec force
comme ce fut le cas pendant les 20 dernières années. Le
résultat constitue un indice pour les prochaines
législatives.
Gains relatifs pour la confrérie
Pour beaucoup d’observateurs, les élections de l’ordre des
Médecins sont un premier fruit de la révolution. Elles
servent d’indicateur aux élections législatives prévues le
mois prochain. Premier constat : les résultats réalisés par
les islamistes se sont avérés bien en deçà de nombreuses
prévisions. Pour la première fois depuis 2 décennies, les
islamistes partagent le syndicat avec un courant libéral
émergent, dit « courant d’indépendance », qui ne prétend pas
représenter une tendance politique particulière.
Ces élections se sont tenues vendredi dernier au siège du «
syndicat général » situé à Qasr Al-Aïni,
au centre de la capitale, ainsi que dans 26 syndicats «
locaux » représentant les différents gouvernorats du pays.
Le courant d’indépendance a réussi à s’approprier une
majorité de sièges dans les conseils de 14 de ces syndicats
locaux. Ils sont aussi majoritaires au Caire où ils ont
remporté 14 sièges sur 16, à Alexandrie (10 sur 12), ainsi
que dans la plupart des gouvernorats de la Haute-Egypte,
notamment Minya, Béni-Souef,
Assiout, Sohag, Qéna, Louqsor et
Assouan. Les indépendants se sont aussi imposés à
Marsa Matrouh (à l’ouest) comme
à Suez, Ismaïliya et dans le
Nord-Sinaï. Ces résultats sont d’autant plus inattendus que
les Frères musulmans bénéficient — du moins théoriquement —
d’une grande popularité à Alexandrie, à
Ismaïliya et dans le sud du pays. Pour le poste de
président des syndicats locaux, le courant indépendant a
remporté 12 sièges sur 27. Pour le conseil général du
syndicat, les candidats issus de la confrérie des Frères
musulmans ont remporté 75 % des sièges. Le poste de
président national du syndicat est revenu à Mohamad
Khaïri Abdel-Dayem,
un candidat qui se dit indépendant, mais qui est soutenu par
la confrérie.
Khaled Samir, professeur à la faculté de médecine de
l’Université de Aïn-Chams,
explique que les résultats sont un succès pour le courant
indépendant, dont il est lui-même un des principaux
promoteurs. Commentant les résultats aux couleurs islamistes
du conseil général, Samir attribue le succès des Frères à
leur capacité d’organisation. A la différence des syndicats
locaux qui impliquent une campagne plus restreinte au seul
niveau du gouvernorat, le conseil général demande une
mobilisation à l’échelle nationale. « Les candidats affiliés
aux Frères musulmans n’ont pas pu dominer tous les syndicats
régionaux, mais ils ont pu mobiliser les électeurs pour
mettre la main sur le conseil général, utilisant leur
expérience et exploitant le manque d’expérience de leurs
concurrents », analyse Samir.
Bien que membre de la confrérie, Gamal
Hechmat, médecin, reconnaît que les résultats des
élections de l’ordre reflètent la réalité de l’Egypte après
la révolution. « Il y a désormais un espoir pour tout le
monde. Même ceux qui ne croient à aucune idéologie politique
ont participé aux élections. Il existe un espace de liberté
plus ouvert qu’auparavant », admet-il.
« Les coptes, par exemple, ont joué un rôle important dans
ces élections. Ils n’avaient pas de vrai rôle syndical
durant les 20 dernières années. Mais après la révolution,
ils ont décidé de participer pleinement à la vie politique
», estime Hechmat. Les coptes,
qui représentent 10 % de la population, constituent de 15 à
30 % des médecins, selon la région. Ils sont par exemple
fortement présents en Haute-Egypte. Les résultats des
élections de vendredi ont reflété l’importance de leur poids
numérique.
L’activité syndicale des Frères musulmans correspond à leur
politique de « propagation de bas en haut », notamment après
leur interdiction officielle sous Gamal Abdel-Nasser. Ainsi
ils ont focalisé leurs activités sur les élections des
unions estudiantines, des clubs des professeurs
universitaires et des syndicats durant les années 1970-1980.
Leur succès s’explique partiellement par le déclin, à la
même période, du courant nassérien et de la gauche.
Le courant islamiste a disputé les élections de l’ordre des
Médecins pour la première fois en 1984, avant d’investir les
syndicats des Ingénieurs et des Pharmaciens.
« Ils ont cru devoir leur succès au soutien des citoyens,
mais ce n’était pas la vérité », estime Abdel-Réhim
Ali, spécialiste des mouvements islamistes. « La
participation aux élections syndicales durant les 20
dernières années était très faible. L’ancien régime avait
réussi à convaincre tout le monde de la futilité de leur
participation », ajoute le chercheur.
En effet, lors des élections de l’ordre des Avocats en 1992,
le taux de participation n’a pas dépassé les 10 %. « Il en a
été de même lors des élections de l’ordre des Médecins en
1984, en 1986, et finalement en 1992, lorsque les islamistes
ont réussi à s’accaparer du syndicat en encourageant les
jeunes diplômés islamistes à participer aux élections,
profitant de la passivité de la majorité », ajoute-t-il. Les
résultats des élections de l’ordre des Médecins ont donné un
avant-goût des élections législatives, rassurant ceux qui
craignent une vague islamiste de grande ampleur.
May
Atta