A 38 ans, le jeune comédien
Moustapha Chaabane
possède déjà une filmographie bien garnie, de nombreux
succès auprès du public et le respect des critiques. Présent
ce Ramadan à travers le feuilleton Al-Aar (l’infamie), il a
réussi à montrer d’autres facettes de son talent d’acteur.
Le chasseur de ses rêves
Voici un acteur étrange, partie intégrante du groupe des
stars égyptiennes, et pourtant en dehors. Ses déclarations
anti-star system, sa carrière en dents de scie, son mode de
vie nomade et son physique spécial mènent parfois à le
ranger aux côtés des contestataires. Un jour sur les sommets
du box-office, le lendemain dans ses vallées profondes, il
souffle le chaud et le froid, et n’est finalement jamais là
où on l’attend.
Dans la peau de Mokhtar, ce
jeune homme corrompu et coureur de jupon du feuilleton
ramadanesque Al-Aar (l’infamie)
a engagé un débat vif autour de l’incarnation d’un
personnage culte du cinéma égyptien contemporain.
« J’ai l’honneur de jouer un personnage déjà campé par un
grand comédien comme Nour
Al-Chérif », affirme Moustapha Chaabane,
sur un ton plein de fierté et de joie, expliquant que «
Mokhtar, dans Al-Aar, représente
un grand défi : essayer d’interpréter différemment un
personnage déjà connu du public, tout en respectant les
traits dramatiques gravés par le scénariste et l’ancien
succès du comédien Nour
Al-Chérif ».
Certains critiques ont trouvé dans sa performance « une
exagération et des solutions gestuelles assez artificielles
». Cependant, Moustapha Chaabane
reste acclamé par ses fans et par le comédien
Nour Al-Chérif lui-même.
Si beaucoup de jeunes rêvent de devenir comédiens et stars,
Chaabane, qui s’est fait
aujourd’hui une place dans l’univers du cinéma, ne doit pas
son succès à ses ambitions d’adolescent. Effectivement,
devenir acteur n’a jamais été une vocation pour lui, mais le
destin a voulu que ses années d’études à la faculté de
communication lui ouvrent les portes vers la réussite et la
révélation de ses talents cachés d’acteur.
Né au Caire dans une famille de la classe moyenne, Moustapha
Ahmad Chaabane grandit dans une
atmosphère relativement intellectuelle. Sa mère, mélomane,
essayait à tout prix de le transformer en musicien, ou au
moins en véritable connaisseur. Toutefois, ses efforts
déployés pendant 10 ans environ n’étaient pas suffisants.
« J’aime la musique depuis ma plus tendre enfance, mais je
n’ai pas senti qu’elle peut devenir mon outil
d’expression. J’ai passé une
grande partie de mon enfance à la recherche de cette façon
adéquate qui n’est que l’interprétation », dit-il.
Une fois le bac en main, il devait faire face aux désirs et
aspirations de sa famille. « Mon père m’a surpris et a
présenté ma candidature pour être admis à la faculté de
médecine », se souvient-il.
Deux jours suffisaient pour que le jeune prenne sa décision
de changer complètement de direction. Attiré depuis
l’enfance par le champ des médias, Moustapha
Chaabane décide alors, en
cachette, de quitter la médecine pour étudier les relations
publiques à la faculté de communication. « La somme
nécessaire pour le changement de faculté était de 200 L.E.
Je n’en avais que 100. J’ai emprunté le reste de mon voisin
pour commencer une autre carrière très différente ! ».
Pour tous ceux qui le connaissent, Moustapha
Chaabane n’en fait qu’à sa tête.
Le jeune Tifa — comme
l’appellent ses amis proches — s’est lancé dans l’aventure
au début des années 1990, en commençant par tourner des
spots publicitaires, avant de découvrir sa verve de
comédien. Epris du théâtre à l’époque, il a décidé de
s’affilier au théâtre universitaire où il a rencontré
plusieurs de ses collègues d’aujourd’hui, dont Mona
Zaki entre autres.
Participant à plusieurs pièces mises en scène par Khaled
Galal, il a fait ses preuves en
tant qu’acteur. Un jour de l’année 1992, le comédien Mohamad
Sobhi visitait le théâtre de
l’Université du Caire, et remarqua alors le jeune Moustapha.
Il l’a choisi alors pour faire partie de sa troupe Studio 80
et jouer son premier rôle dans la pièce Bel
arabi al-fassih
(en arabe littéraire).
Mohamad Sobhi représente en lui
une institution artistique, semant la constance et l’esprit
professionnel.
De nouveau, il attire l’attention d’un autre metteur en
scène, à savoir Zaki
Fatine Abdel-Wahab,
qui le choisit pour jouer un tout petit rôle dans son
premier long métrage Harmonica, devant
Mamdouh Abdel-Alim et Lucy.
« Malgré le peu de mots que je prononçais tout au long du
film, j’ai essayé de faire de mon mieux. Les techniciens en
studio m’applaudissaient après chaque scène. De quoi me
prouver que j’étais sur le bon chemin ».
De là, il fut choisi pour un autre long métrage Al-Qobtane
(le capitaine) de Sayed Saïd, avec Mahmoud
Abdel-Aziz. Malheureusement, les
deux films projetés au cours de la même année 1995 n’ont pas
connu de vrai succès commercial, mais ils étaient l’occasion
de faire parler d’un jeune comédien prometteur, ayant
participé à deux films parmi les six produits durant
l’année. « Tout était influencé par les problèmes d’une
industrie en crise », commente-t-il.
Grâce au film suivant, Al-Charaf
(l’honneur), Moustapha Chaabane
suscite encore plus d’attention ; il y incarne un déporté
pendant la guerre, volant la vedette à un certain
Farouq Al-Fichawi.
Il obtient pour ce rôle le prix du meilleur second rôle de
l’Association égyptienne du film. Ensuite, ce fut la
consécration avec Fatah men Israël (une jeune fille
d’Israël) tourné par le jeune réalisateur
Ihab Radi.
« J’ai reçu un coup de fil du bureau du réalisateur Youssef
Chahine, me convoquant pour rencontrer al-ostaz
(le maître) comme tout le monde l’appelait. J’étais fou de
joie, rien que pour pouvoir passer quelques minutes en face
à face avec Chahine. J’ai essayé de faire durer la rencontre
le plus possible », avoue-t-il. Les surprises ne manquaient
pas à une telle rencontre. Il fut convoqué par Chahine, mais
ce dernier l’a chassé du bureau dès qu’il l’a vu. « C’était
l’une des rencontres les plus bizarres et les plus chères de
ma vie. Il m’a à peine vu franchir la porte qu’il m’a dit :
tu es trop maigre, tu ne pourras pas travailler avec moi,
sors d’ici ! ».
Choqué de cet accueil hors norme, Moustapha
Chaabane n’a cependant pas perdu
espoir. « Je lui ai demandé de me donner un peu de temps,
juste celui de boire un thé au lait que j’ai commandé avant
de rentrer. Chahine ne m’adressait même pas la parole
pendant que je sirotais mon thé. Je lui ai dit alors : ce
n’est pas gentil de laisser ton invité sans mot dire ! Et
j’ai commencé à bavarder, évoquant mes rêves et mon amour
pour l’art. Il s’est trouvé obligé de m’écouter, me
regardant boire le thé goutte à goutte ! ».
Chahine lui a concédé le rôle de Nasser, le chauffeur de la
famille de Latifa et Roubi dans
le film Sokout ...
Hansawar (silence ... on
tourne).
Chaabane
est souvent à l’aise dans ces rôles, quel que soit le
registre. Son hobby est de pourchasser ses rêves, même les
plus impossibles.
Comme pour plusieurs, c’est de la télévision que viendra son
salut, notamment dans le rôle de Saïd, le fils du hadj
Métwalli (Nour
Al-Chérif) dans Aélat al-hag
Métwalli (la famille du hadj
Métwalli). Ayant eu un succès
foudroyant, le feuilleton l’a réellement introduit dans
presque tous les foyers arabes.
Le film Mafia, de Chérif Arafa,
a constitué un vrai tournant. Si proche de lui, son rôle l’a
porté si fort et si loin. Il a même dû suivre certains
exercices pour s’y préparer, au risque de se confondre avec
le personnage. « Hossam ne
souriait presque pas, ce qui est tout à fait le contraire de
moi, puisque mon visage est souriant par nature. Je passais
des heures devant le miroir à faire des exercices, afin de
pouvoir garder le même tempérament et les mêmes grimaces
tout au long du tournage ».
C’est le début d’une nouvelle vague de films d’action : le
duo Ahmad Al-Saqqa et Moustapha
Chaabane impose d’emblée un
nouveau physique, doublé d’une nouvelle manière de jouer,
tout de naturel et d’apesanteur.
Essayant de se créer d’autres registres, il présente avec
Mona Zaki leur film romantique
Ahlam
omréna (les rêves de notre vie). Une œuvre qui,
malgré son succès auprès des jeunes, a créé un malentendu
sans fin entre les deux comédiens, avant que
Chaabane ne retourne aux films
d’action avec Code 36, jouant le personnage d’un
bodyguard.
Un succès peu satisfaisant pour les critiques, mais qui
ouvre à l’acteur les portes de la A-list,
registre regroupant les comédiens les plus importants du
cinéma actuel.
Croyant à la nécessité d’élargir ses expériences, Moustapha
Chaabane est du genre qui ne
cesse d’ajouter des cordes à son arc. Il prête sa voix au
personnage de Pyjama dans les épisodes de dessins animés
Toutou et Pyjama avec Soumaya Al-Khachab.
Et passe un nouveau cap en 2009 à travers l’émission de
variétés Wahed
ded 100 (un contre 100), sur la
chaîne Al-Hayat.
La prochaine expérience de Moustapha
Chaabane marque toujours un nouveau défi, puisqu’il
se prépare actuellement à présenter de nouvelles émissions
de variétés, Qadi al-gharam
(juge d’amour). « Une nouvelle expérience qui me permettra
de parler de l’amour avec les jeunes invités du programme.
C’est un nouveau moyen de s’exprimer et se découvrir ».
Yasser Moheb