Al-Ahram Hebdo,Société | Un kahk pesant

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 Semaine du 8 au 14 septembre 2010, numéro 835

 

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Société

Petit Baïram. Les prix du kahk, ces biscuits de la fête, ont connu une flambée cette année. Tradition oblige, chacun contourne cette hausse à sa manière.

Un kahk pesant

Il est 20h, le bruit des plateaux que l’on enfourne se mêle au chahut des femmes dans la maison de Mayssa à Guéziret Badrane, à Choubra. Dans ce quartier, les gens ont pour habitude de laisser les portes de leurs maisons ouvertes toute la journée. Mais, ces derniers jours du mois du Ramadan, elles demeurent béantes, même le soir, pour celles qui veulent mettre la main à la pâte. Car la préparation du kahk pour le petit Baïram demande de l’aide. Les manches retroussées, une amie de Mayssa fait fondre du beurre, tandis qu’une autre fait griller les grains de sésame sur un fourneau à pieds. Pendant ce temps, la maîtresse de maison passe au tamis la farine et sa sœur fait de même pour le sucre glace. Les jeunes filles, qui ont tenu à accompagner leurs mères, participent à la préparation du kahk en décorant les premiers gâteaux à l’aide d’un monäch (pince muni de petites dents) avant de les enfourner. Avec beaucoup d’enthousiasme, les proches et les amies s’appliquent à la tâche mais lorsque l’une d’elles évoque le coût de la vie et la hausse des prix des ingrédients nécessaires à la préparation du kahk, toutes les mines changent et deviennent moroses : huile, beurre, fruits secs, loukoum et sucre, aucun produit n’a été épargné. Et lorsque le gouvernement a annoncé une augmentation du prix de la farine, les habitants de Choubra n’ont pas été surpris, même si la différence de prix est importante. En effet, la tonne de farine est passée de 2 100 L.E. à 5 000 L.E. « Cette année, chaque famille a réduit sa quantité de kahk. Personnellement, je vais préparer 3 kilos au lieu de 5, et seulement 1 kilo de petits-fours et 3 kilos de biscuits. Pour l’achat des ingrédients nécessaires, j’ai dépensé au total 250 L.E. », précise Mayssa qui est contrainte d’en préparer aussi à son frère, un nouveau marié. En effet, la tradition exige que l’on offre aux jeunes mariés qui fêtent leur premier Aïd un plateau de gâteaux. Et Mayssa a tenu à respecter cette tradition.

Mais Hamdi, fonctionnaire, ne voit pas les choses de la même manière. Lui, qui attache peu d’importance à la tradition, a dû acheter un kilo de kahk pour le mettre comme décor dans une assiette en cristal dans le salon. Il va le servir aux invités qui viendront lui souhaiter une bonne fête. « Le Aïd cette année coïncide avec la rentrée scolaire. Nous avons donc des priorités, entre frais scolaires et cours particuliers pour notre fils aîné qui prépare le bac cette année. Il a déjà commencé à prendre des cours pendant les vacances d’été », commente Hamdi qui dit avoir du mal à joindre les deux bouts. Ce fonctionnaire pense qu’avec le temps, cette tradition va peut-être disparaître.

Des gâteaux millénaires

Une tradition qui date depuis la nuit des temps et qui est illustrée sur les murs de l’Egypte ancienne. Les tombes de la XVIIIe dynastie expliquent la recette du kahk Al-Aïd. Les graphiques montrent du miel que l’on mélange au beurre et à la farine pour le transformer en une pâte maniable. A l’époque, le kahk avait 100 formes différentes, celle d’un animal, d’une feuille ou d’une fleur, etc. Mais la forme la plus simple est celle d’aujourd’hui, il s’agit tout simplement d’un bout de pâte roulé en boule à l’effigie de Rê, dieu du soleil. En outre, cette tradition a pris de l’ampleur durant l’époque fatimide. Le calife consacrait pour la préparation du kahk un grand budget, environ 16 000 dinars en or. La table du calife, qui mesurait 1 350 mètres, était décorée de 60 espèces de kahk et de ghorayiba. Pour cela, les boulangers devaient utiliser des tonnes de farine, sucre, amandes, noix, pistaches, grains de sésame ainsi que du miel, de l’eau de rose et des arômes. La raison pour laquelle, à l’époque, ces boulangers se mettaient à la tâche deux mois avant le Ramadan. Ils utilisaient tout leur savoir pour préparer d’énormes quantités de kahk, qu’ils exposaient sous forme d’une gigantesque montagne devant la fenêtre du palais du calife pour la contempler. Et vu l’importance accordée au kahk Al-Aïd, un édifice gouvernemental a été conçu pour exposer les gâteaux de la fête. Il s’appelle Dar al-fetra. Le kahk a donc gardé ses racines dans la société égyptienne.

Avec le temps, le kahk est devenu le symbole du petit Baïram et les gens ont même surnommé cette fête celle du kahk. Mais la crise économique mondiale plus les incendies qui ont ravagé la Russie, qui est l’un de nos fournisseurs en blé, ont déboussolé la population car une augmentation dans le prix de la farine signifie une galette de pain coûtant plus cher. « Nous avons réduit de moitié la quantité des ingrédients nécessaires à la préparation du kahk. On utilise 3 sacs de farine au lieu de 7 pour pouvoir commercialiser nos produits car on ne veut courir aucun risque, surtout que les gens ont réduit leur consommation », évoque Adel Halim, propriétaire d’une boulangerie à Guéziret Badrane, et qui vend à 20 L.E. le kilo du kahk nature (sans fruits secs ni loukoum). Halim ne fait que du kahk nature pour éviter l’achat de fruits secs dont le kilo varie entre 60 et 80 L.E. Une pâtisserie connue au centre-ville et datant des années 1960 a enlevé les pistaches de ses préparations. « Comme les prix ont flambé, on a décidé d’économiser pour conserver notre clientèle. Le fruit sec que l’on utilise le plus dans notre kahk c’est la noix. Et donc on vend le prix du kilo de kahk à la noix à 48 L.E. Par contre, si on avait utilisé les pistaches, on aurait vendu le kilo entre 60 et 70 L.E. le kilo », explique Dina, directrice de cette pâtisserie. Elle ajoute que chaque commerce doit répondre aux besoins de sa clientèle et que les études du marché ont montré que les gens préfèrent le kahk et les biscuits bien plus que les petits-fours et la ghorayiba. Et donc l’offre est équivalente à la demande. Névine, secrétaire, aime prendre son petit-déjeuner avec du kahk et des biscuits secs le jour de fête. « Je me soucie peu des frais que cette fête va engendrer tant que mon fils unique ressent de la joie en portant des habits neufs et en ayant du kahk à la maison, je suis ravie de le rendre heureux. Le petit Baïram a lieu une fois dans l’année, alors, il ne faut pas rater l’occasion pour déguster de telles douceurs », assure Névine qui voit que deux kilos de kahk et biscuits secs ne vont pas la ruiner. « Toutes nos fêtes et nos occasions sont liées à des traditions culinaires et la disparition d’un élément pourrait faire perdre de leur charme », dit-elle. Et puisque la date de cette fête est connue à l’avance, Sami Al-Abd, pâtissier réputé au Caire, achète tous les ingrédients nécessaires un mois et demi à l’avance. « Pour que l’on soit prêt à écouler nos douceurs à des prix abordables. Et pouvoir surmonter autant que possible les augmentations des prix », explique-t-il.

Des prix qui ne sont pas la préoccupation d’une pâtisserie de luxe à Ard Al-Golf, dont les clients n’hésitent pas à faire la queue pour acheter ses bons gâteaux. « Notre clientèle est sélecte, elle recherche la qualité et ne fait pas trop attention aux prix. Et donc si on vend le kahk nature à 40 L.E., c’est tout à fait abordable », explique Mohamad Diab, directeur général du magasin.

Dina Ibrahim

 




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