La paix trompeuse au Moyen-Orient
Abdallah Al-Achaal
L’une
des méthodes qui étaient courantes dans les recherches
relatives au conflit arabo-israélien est de partir du fait
qu’il a connu de nombreuses chances perdues. Parfois,
d’aucuns l’appelaient la paix trompeuse. Pour dire que la
paix fait signe de loin, mais une fois qu’on s’y attache,
elle se dérobe à la dernière seconde. Certains estimaient
que si Nasser avait consenti à ce que Sadate avait approuvé
plus tard, avant 1967, ou même après, la confrontation
militaire de 1973 n’aurait pas eu lieu. Mais cette théorie
ne s’applique qu’à la paix égypto-israélienne. Le discours
politique égyptien a eu l’habitude d’affirmer, à chaque
occasion, que Sadate avait bien assimilé les dimensions du
dossier ainsi que ses complications, raison pour laquelle il
a pu saisir la chance, à un moment où les autres n’avaient
pas de vue d’ensemble et leurs visions étaient en retard de
plus d’une décennie et demie. Pour appuyer leurs propos, ils
avançaient comme preuve que les concessions faites par
Arafat, lors des négociations de Mena House en 1980,
celui-ci a pu les récupérer à un prix plus élevé à Oslo
1993. Les Israéliens, quant à eux, estiment qu’ils ont payé
cher le prix de la paix avec les Egyptiens, alors qu’ils
pouvaient avoir mainmise sur le Sinaï sans le restituer,
d’autant plus qu’ils ont vu dans la soumission de la volonté
de l’Egypte une clé pour faire passer le projet sioniste.
Certains analystes affirment que l’absence de la paix dans
la région revient à l’accession de l’extrême droite en
Israël. Alors que c’est cette droite qui a conclu tous les
accords de paix depuis Begin jusqu’à Rabin, en passant par
Netanyahu, qui s’engage dans les négociations avec les
Palestiniens, en vue de liquider toute la cause, pour en
faire autant sur les fronts syriens et libanais et à Gaza,
pour que le projet reprenne son cours en toute quiétude.
En réalité, la logique des chances perdues s’étend à tous
les détails se rapportant à l’historique du conflit. Les
tenants de cet avis ont tendance à croire que les Arabes ont
perdu les chances qui s’offraient à eux lorsqu’ils n’ont pas
accepté immédiatement la résolution du partage. Et si les
Arabes avaient accepté à l’époque cette résolution, la
superficie d’Israël aurait été la moitié de la terre. A ce
moment-là, un Etat palestinien voisin à l’Etat hébreu aurait
vu le jour, et la décision de la judaïsation de Jérusalem
serait restée lettre morte. Je pense qu’afin
d’analyser la logique des chances perdues, il faut
déterminer la signification du terme « chances » au sens
propre, et de définir la perte. Cette logique, dans sa
totalité, repose sur une hypothèse incorrecte. Selon
laquelle les groupes juifs ont immigré en Palestine à la
recherche d’un refuge. Alors que la logique du
partage se réfère à un fondement
similaire, quoique plus atroce et plus proche d’un projet
organisé et planifié, selon lequel il existe un peuple juif
détenant le droit de partage de la terre avec le peuple
palestinien. Ceci veut dire que la relation des juifs avec
la Palestine est passée par trois phases. La première, les
juifs étaient en quête de refuge. Dans la deuxième, ils
prétendaient qu’ils détenaient un droit similaire, voire
même plus grand que celui des Palestiniens. Ensuite, ce fut
la troisième phase, où les juifs niaient tout droit
palestinien sur la Palestine.
Y a-t-il
jamais eu une occasion pour une paix réelle, et une
cœxistence entre les nouveaux
arrivés et les propriétaires de la terre, et les Arabes
l’ont perdue ? Les Arabes ont-ils regretté certaines
occasions offertes à eux et que d’aucuns ont estimé comme
propices à la réalisation de la paix ? Est-il vrai que la
paix réclamée est un point de rencontre à un moment donné
entre deux parties, mais ce point n’a jamais vu le jour et
le moment n’est jamais venu ? Le résultat a été le recul des
Arabes devant l’avancée du projet.
Dans le passé, nous étions éblouis par les théories des
chances perdues. Mais « la paix trompeuse » a revêtu plus
tard sa signification réelle. Selon laquelle, il s’agit
d’une paix solide brandie pour anesthésier la partie qui
s’affaiblit de plus en plus. Telle est la leçon que nous
avons apprise de l’Histoire, disant que le fort est celui
qui crée la paix qu’il désire et qui l’impose à la partie
faible. Sur ce, avons-nous toujours une chance de faire
revenir cette paix qui s’évadait pour ne jamais plus revenir
?
Je crois que ceux qui ont écrit sur la notion de « paix
trompeuse » ou sur les chances perdues de la paix se fiaient
à la méthode descriptive, et certains ont même pu voir que
la paix s’approchait puis s’éloignait, tantôt du côté
d’Israël, tantôt du côté arabe. Le fait de faire échapper le
fantôme de la paix fut l’accusation que l’Egypte a collée, à
maintes reprises dans les années 1980 du siècle dernier, à
la résistance. Le plus récent de ces épisodes fut les
accusations échangées entre le Fatah et le Hamas d’un côté
et entre l’Egypte, la Syrie et le Hamas de l’autre. L’Egypte
accusait parfois la Syrie d’encourager la résistance au côté
de l’Iran, afin de servir des objectifs n’ayant rien à voir
avec les intérêts du peuple palestinien. Comme si le fait de
repousser la résistance serait à l’origine d’une paix
équitable pour ce peuple. Mais nous sommes tous conscients
qu’Israël veut toute la paix, toute la terre et que le
peuple palestinien recherche la vie et le droit légitime.
Alors que les autres parties sont en quête de leurs
intérêts, qu’elles s’accordent avec les intérêts du peuple
palestinien ou qu’elles soient en harmonie avec le plan
israélien. L’important est que le point de rencontre entre
les données de la paix, quelle que soit sa signification, ne
porte pas préjudice aux intérêts des autres.
Enfin, je pense que Mohamad Ibrahim Kamel, ancien ministre
égyptien des Affaires étrangères, qui a démissionné à cause
de Camp David en 1978, et avant lui Ismaïl
Fahmi en 1977, à cause de la
visite de Sadate à Jérusalem, était influencé par ces
concepts, lorsqu’il a titré ses mémoires sur Camp David : «
La paix perdue ». Peut-être a-t-il voulu dire qu’à Camp
David, il a été affirmé qu’il n’y avait pas d’espoir réel
dans ces arrangements et ces négociations, parce qu’ils
représentaient, d’un point de vue israélien, une défaite des
Arabes et une soumission à la logique d’Israël ?