Le long parcours des négociations directes
Abdel-Moneim Saïd
Le
début était extrêmement pessimiste. Dès mon arrivée à
l’aéroport dans la capitale américaine, j’ai rencontré mon
ami, Saëb
Erekat, président des affaires des négociations à
l’OLP et ex-ministre de plusieurs portefeuilles pendant le
mandat de Yasser Arafat.
Après les salutations, je me suis empressé de lui demander
s’il était prêt pour le long marathon des négociations. La
question était tout à fait justifiée, car
Saëb Erekat
a participé à la quasi-majorité des négociations
israélo-palestiniennes. De plus, il est le seul à connaître
tous les documents palestiniens. Il est reconnu pour son
intégrité et son honnêteté. Il m’a surpris en répondant que
les négociations ne seront pas longues du tout, car le 26
septembre prochain se terminera le délai du gel temporaire
de la construction des colonies. Si le délai n’est pas
prolongé, il n’y aura pas de négociations. « Nous insistons
», a-t-il précisé. La réponse était tranchante et signifiait
clairement que les négociations directes pour lesquelles se
rencontrent des dirigeants et des présidents peuvent se
terminer avant même de commencer.
La réponse m’a surpris bien que j’aie consulté pendant mon
long voyage des articles publiés dans la presse
internationale sur les négociations directes entre les
Palestiniens et les Israéliens. J’ai remarqué le grand
pessimisme qui y régnait. Et même quand j’ai eu l’occasion
de rencontrer des responsables au Caire avant mon départ,
rien n’indiquait l’optimisme dans leur discours. Au
contraire, ils confirmaient que la partie israélienne n’a
pas laissé de grandes chances de succès mais que le devoir
impliquait de soutenir la partie palestinienne comme l’a
toujours fait l’Egypte. En Palestine, les déclarations
pessimistes n’ont pas seulement émané du Hamas ou d’autres
parties rigoristes, mais aussi de parties modérées. C’est
ainsi que le secrétaire général de l’initiative nationale,
Marwane Al-Barghouti,
a déclaré que les négociations directes entre les
Palestiniens et les Israéliens ne mèneraient pas à de bons
résultats. Même des sources du ministère iranien des
Affaires étrangères ont parlé de fortes
éventualités d’échec. Cependant, les nombreux rounds
de négociations autour du conflit arabo-israélien ont
toujours été entourés de ce pessimisme. En effet, il émane
de l’immense capacité du conflit de se prolonger malgré le
changement des époques et des régimes internationaux et
régionaux pendant plus de 100 ans.
La longue voie des négociations, qui a
commencé avant la conférence de Madrid en 1991, puis les
négociations d’Oslo pour arriver aux pourparlers de Camp
David II et aux ententes de Clinton en décembre 2000 et
enfin le document de Taba en
janvier 2001, a brisé de nombreux tabous que l’on croyait
intouchables.
Il est fort étrange que ce pessimisme règne également parmi
les citoyens palestiniens et israéliens qui approuvent quand
même la voie des négociations et la recherche d’un
règlement.
En arrivant à la Maison Blanche, nous avons entendu le
discours du président Obama,
entouré de la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, et de
l’émissaire du prédisent américain pour les négociations du
Moyen-Orient, George Mitchell. Celui-ci a déterminé
l’objectif des négociations comme étant la libération des
terres occupées pendant la guerre de juin 1967. Ce qui
représente la demande de la partie arabe. Ceci engendrera la
création d’un Etat palestinien démocratique voisin à l’Etat
israélien. Ce qui représente la demande de la partie
israélienne. Le discours était équilibré dans son ensemble.
Cependant, il a mis en doute la fidélité arabe en disant que
certains insistent sur la nécessité de créer un Etat
palestinien sans pour autant être disposés à présenter quoi
que ce soit pour cet objectif.
Nous nous sommes ensuite dirigés vers la salle et les
délégations ont commencé à y entrer. D’abord la délégation
palestinienne, puis l’israélienne, suivie par la jordanienne
et enfin l’égyptienne accompagnée de George Mitchell,
Hillary Clinton et Tony Blair représentant le Quartette.
Puis ont fait leur entrée les présidents
Obama, Moubarak, Abou-Mazen
et le roi Abdallah II. Chacun d’eux a prononcé un discours
au cours duquel il a déterminé le cadre général de leurs
demandes en prémices des premières réunions prévues pour le
lendemain. Le discours égyptien a pour sa part été clair et
tranchant en précisant que la partie égyptienne était là
pour soutenir les Palestiniens.
Ces négociateurs possèdent des crédits sur lesquels ils
peuvent compter. Premièrement, elles reposent sur un
patrimoine de réussite représenté par deux traités de paix :
égyptien et jordanien. Deuxièmement, il s’agit du changement
radical de la position américaine. Alors que
l’administration de Bush jugeait le conflit arabo-israélien
insolvable, la position de l’administration d’Obama
n’est pas seulement l’opposée, elle voit dans le conflit une
menace à la sécurité nationale américaine. Troisièmement, la
série des négociations précédentes mène à ce qu’on appelle
la solution des deux Etats. Quatrièmement, il existe une
initiative arabe approuvée par la Ligue arabe qui a consacré
un comité des pays arabes pour son suivi. Cinquièmement, la
région connaît de nombreux foyers de pression qui sont liés
au destin du conflit arabo-israélien. Et enfin, tout le
monde a réalisé que l’alternative du succès de la bataille
diplomatique signifiera davantage de violence et mènera même
au déclenchement de la guerre.
Mais la politique ne connaît pas seulement les crédits. Elle
connaît aussi les fardeaux dont le premier est représenté
par la division palestinienne. En effet, le négociateur ne
peut se battre sur le front israélien alors qu’il est
poignardé dans le dos par les opérations militaires contre
les Israéliens. Des opérations que Netanyahu a utilisées
avec éloquence dans son discours inaugural devant les
caméras en déclarant que ce dernier incident ne s’adressait
pas aux colons mais qu’une femme enceinte et une mère de 6
enfants ont trouvé la mort. Le deuxième est représenté par
le fait qu’Israël possède un ministère fort extrémiste et
rigoriste dans la politique israélienne, dont les membres
ont refusé les présents pas de paix sous prétexte qu’ils ont
mené à l’augmentation des menaces contre Israël et non le
contraire. Le troisième qu’il n’y a pas de temps pour
réaliser la réussite. En effet, l’opposition des deux
parties s’est empressée d’empoisonner l’atmosphère des
négociations, que ce soit en faisant pression sur les
colonies du côté israélien ou en lançant des actes de
violence palestiniens qui portent à la fin préjudice à la
sécurité nationale et aux intérêts palestiniens. Le
quatrième est que la partie israélienne a conféré un
caractère historique et non pas stratégique aux négociations
en parlant de la nature de l’Etat et de son acceptation. Le
cinquième est que les leaders des deux côtés souffrent de
leurs positions précaires. Cependant, ceci peut représenter
un motif pour créer une réalisation dans les négociations
surtout que le président américain a lui aussi grand besoin
d’une réalisation historique avant les prochaines
présidentielles. Le dernier est que toutes les questions
sont épineuses et que les fossés sont énormes entre les
positions des deux parties.
Enfin, est-ce que ces négociations pourront réaliser des
résultats positifs loin des vagues d’optimisme et de
pessimisme ?
La
réponse
est
oui.