Bahreïn.
Des opposants chiites accusés de fomenter un complot pour
renverser la monarchie ont été arrêtés cette semaine. Cette
affaire remet sur le tapis le conflit latent entre la
majorité chiite et la minorité sunnite au pouvoir.
Les chiites dans le collimateur
C’est
sur fond de tensions confessionnelles à l’approche des
élections générales prévues pour fin octobre que les
autorités bahreïnies ont accusé 23 opposants chiites de
préparer un complot visant à faire chuter la monarchie
sunnite. Ces militants ont été inculpés samedi de «
formation d’un réseau terroriste » visant à renverser le
régime. Selon les autorités, ils auraient tenu des réunions
secrètes à Bahreïn et à l’étranger afin de « changer le
régime politique à travers des moyens illégaux », a rapporté
l’agence officielle BNA. Dix personnes, décrites comme les «
chefs du réseau terroriste », ont été inculpées pour avoir «
sapé la sécurité nationale ». Aucune date n’a encore été
communiquée quant à l’ouverture de leur procès. Parmi les
inculpés, Abdeljalil Al-Singace,
un leader du groupe d’opposition Haq, est accusé d’avoir
formé et « dirigé un réseau illégitime (...) des cellules de
sabotage (...) d’avoir contacté des organisations étrangères
et fourni des informations fausses (...) sur le royaume ».
Sept autres personnes, arrêtées à la mi-août comme M.
Singace, ont été inculpées pour
les mêmes raisons. Il s’agit de Mohamad Saïd, un dirigeant
du Centre pour les droits de l’Homme de Bahreïn, ainsi que
deux religieux chiites, cheikh Mohamad Al-Moqdad
(connu sous le nom de Habib Mansour Al-Safaf)
et cheikh Saïd Al-Nouri. Deux
des accusés, Hussein Machaimaa,
secrétaire général de Haq, et Saïd Al-Chihabi,
secrétaire général du Mouvement de liberté islamique, n’ont
pu être arrêtés car ils se trouvent « hors du pays ». Le
Haq, également appelé Mouvement des Libertés et de la
Démocratie (MLD), est un groupe dissident de la principale
formation chiite, l’Association pour l’Entente Nationale
Islamique (AENI). Treize autres chiites sont inculpés
d’avoir « rejoint (...) le réseau (...) qui vise à renverser
le gouvernement et changer le régime politique et social de
l’Etat (...) par des moyens illégaux ». La plupart de ces
personnes sont membres du Haq.
Le chef de l’AENI, cheikh Ali Salmane,
avait averti le 22 août que ces arrestations menées depuis
le 13 août risquaient de conduire à « plus de violences ».
Pour lui, les suspects ne peuvent appartenir à une «
organisation secrète » puisqu’ils ont des opinions
politiques « différentes ».
Des liens avec Téhéran ?
Ce genre d’arrestation remet également sur le tapis la
question délicate des relations entre les monarchies du
Golfe et leur puissant voisin iranien. Suite à ces
arrestations, la presse koweïtienne a affirmé que des
cellules dormantes liées à l’Iran avaient été démantelées à
Bahreïn. Une information démentie par les autorités
bahreïnies qui ont nié que les militants arrêtés aient des
liens avec Téhéran.
Ce n’est pas la première fois que des incidents de la sorte
arrivent à Bahreïn. Entre 1994 et 1999, des violences
animées par des chiites avaient secoué le pays. Le royaume a
en outre connu ces dernières semaines une série d’incidents
révélateurs des tensions entre sunnites et chiites, ces
derniers s’estimant discriminés au niveau de l’emploi, des
services sociaux comme l’habitat et des services publics
fournis à leurs villages. Le 25 août, le directeur de
rédaction du quotidien Al-Watan,
proche des autorités et critique à l’encontre des hommes
politiques chiites, a affirmé avoir été agressé par des
inconnus. La police a annoncé par la suite l’arrestation de
ces deux assaillants. Un incendie criminel s’est par
ailleurs déclaré dans un grand dépôt de ferraille, ce qui
aurait pu provoquer une grave
pollution, selon les autorités, qui ont là aussi annoncé des
arrestations.
Ces développements interviennent alors que le pays se
prépare à la tenue d’élections municipales et législatives
le 23 octobre. Les dernières élections municipales et
législatives à Bahreïn ont eu lieu fin 2006. Il s’agissait
des deuxièmes élections depuis le retour en 2002 de ce pays
à la vie parlementaire, suspendue en 1975. Elles avaient été
gagnées par les islamistes, sunnites et chiites, mais
avaient permis à l’opposition chiite de rentrer en force à
la chambre avec 17 députés sur 40.
Abir
Taleb