Chronique.
Mohamad Abdel-Gawad dépeint le
parcours, empreint de réalisme, d’un étudiant dans un
établissement religieux au début du XXe siècle. Non sans se
montrer critique.
La jeune vie à la mosquée
Al-mogawer,
terme du XIXe et du début du XXe siècles,
repris plusieurs fois dans les ouvrages de cette époque,
est au centre de l’ouvrage Hayat
mogawer fil gamie Al-Ahmadi
(la vie d’un étudiant à la mosquée Al-Ahmadi).
Il s’agit d’une autobiographie de l’écrivain Mohamad Abdel-Gawad
(1887-1964), professeur à l’Institut de pédagogie des
institutrices de Zamalek, au
Caire. Dans son ouvrage, Abdel-Gawad
nous introduit dans sa vie d’enfant de douze ans, quand son
père le préparait à continuer ses études à la mosquée Al-Ahmadi.
C’est à cet âge qu’il est devenu
mogawer, qui signifie littéralement « voisin » ou «
étudiant-voisin », attaché à un établissement
religieux. Quittant son village natal, Abdel-Gawad
s’installe à Tanta, près de la mosquée d’Al-Sayed Al-Badawi.
Il devient ainsi un mogawer,
puisqu’il suit ses études à la mosquée.
Car le rôle des grandes mosquées comme Al-Azhar ou Al-Ahmadi
n’était pas restreint au culte et à la prière. Celles-ci
jouaient aussi le rôle d’école et d’université. Une fois à
Tanta, l’écrivain nous mène à travers le temps pour
revisiter le quotidien difficile d’un
mogawer qui, sous le joug de la pauvreté, est obligé
de partager, avec sept autres personnes, un appartement
étroit meublé modestement. Leur repas se compose de fromage
séché, de pain, et de radis accompagné de cresson. En outre,
pour mieux retranscrire l’ambiance dans laquelle vivait un
mogawer, l’écrivain décrit
Tanta, témoin à la fin du XIXe siècle et à la moitié du XXe
siècle d’un véritable aménagement urbain. Il retrace de même
la mosquée Al-Ahmadi avec ses
mouleds,
sandouk al-nozour (caisse
de dons), avec une biographie des plus célèbres cheikhs qui
ont dirigé la mosquée. Les cartes géographiques des lieux,
les photos et les images illustratrices ajoutées à cette
partie de l’ouvrage nous rappellent les livres
documentaires.
Quant aux études à la mosquée Al-Ahmadi,
les programmes, les évaluations et la durée de l’année
scolaire, l’auteur les décrit minutieusement, donnant une
image précise du système éducatif dans les établissements
religieux à cette époque. Mais l’auteur reprend avec
beaucoup de critique les méthodes d’enseignement à la
mosquée, restreintes aux sciences religieuses et loin des
sciences modernes ou de la philosophique qui étaient
enseignées à la mosquée d’Al-Azhar. « Même les matières
religieuses comme al-fiqh,
al-hadith, et al-tawhid étaient
enseignées d’une manière dure basée sur la récitation et non
la compréhension », critique Abdel-Gawad.
Ces mêmes remarques étaient reprises par le doyen de la
littérature arabe Dr Taha
Hussein dans un style plus délicat.
C’est ce qu’a souligné l’écrivain Saad Abdel-Rahmane,
dans la préface de l’ouvrage. Il affirme
que Abdel-Gawad est sans doute
influencé par l’autobiographie de Taha
Hussein Al-Ayam (les
jours). Il assure que « s’il n’y avait pas eu Al-Ayam,
Mohamad Abdel-Gawad n’aurait pas
pensé à rédiger son livre ». Publié dix-sept ans après la
parution des Jours, ce livre reprend le même thème des
difficultés vécues par les deux écrivains lors de leurs
études religieuses. L’un à Al-Azhar, l’autre à Al-Ahmadi,
tous les deux décrivent l’état de l’enseignement religieux
vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Ce
n’est pas l’enseignement religieux qui était le point commun
entre Taha Hussein et Mohamad
Abdel-Gawad, mais leur révolte
contre les instructions de l’enseignement religieux et la
distance qui sépare celles-ci des sciences modernes. Après
dix ans d’études à la mosquée Al-Ahmadi,
il ne peut se réinscrire et échoue à rejoindre
l’enseignement religieux de la mosquée d’Al-Azhar. Il se
dirige alors vers la faculté de Dar Al-Oloum,
où il termine ses études. La comparaison entre
l’enseignement religieux et celui laïque avec de nombreux
détails fait de l’ouvrage La vie d’un étudiant à la mosquée
Al-Ahmadi une chronique de
l’histoire de l’enseignement spécialisé en Egypte.
Dalia
Farouq