Religions.
Avec une écriture simple, mais combien documentée, Laila
Takla creuse dans le Coran et la
Bible pour y révéler les notions communes faites de
tolérance face à une tendance mondiale qui s’emploie à
entraîner les deux religions dans une confrontation.
A la recherche des pistes communes
Quand
Antoine de Saint-Exupéry a dit que le plus beau métier de
l’homme est celui d’unir les hommes, il louait sans doute
toute œuvre individuelle ou collective visant à bâtir des
ponts entre les gens, dans l’ensemble de leurs différences,
y compris celles de confession, et non pas à creuser des
fossés et dresser des murs. Et c’est dans ce même esprit que
Dr Laila Takla, présidente du
comité des affaires internationales auprès du Conseil
national des droits de l’homme, nous présente son livre Le
patrimoine chrétien-musulman.
Plutôt qu’opposer chrétiens et musulmans, ce livre cherche à
les unir. Plutôt que chercher les points qui écartent les
deux religions monothéistes, il expose les points de
convergence, et pourquoi pas alors, surtout qu’ils abondent
? Il porte un message direct de l’auteure à son lecteur, un
message qui ne vise rien d’autre que la compréhension, la
cœxistence et la paix entre les
citoyens égyptiens : « Cher lecteur, que tu sois chrétien ou
musulman, chrétienne ou musulmane, ne laisse pas dans ton
cœur, ton esprit et ton comportement de place pour le
fanatisme, la haine ou le refus … Les écarts entre le
christianisme et l’islam sont tellement moins minimes qu’on
ne le croit, et les différences entre les deux ne justifient
pas les rancunes, les meurtres et le fait d’accuser l’autre
d’impie ».
Conçu à l’intention des gens simples, dont les conditions de
vie ne leur permettent peut-être pas de faire des recherches
sur ce sujet, la démarche de l’ouvrage apparaît dans ce sens
logique et accessible au simple lecteur. Divisé en deux
parties, il traite dans la première de la thèse du « choc
des religions ». Dr Takla
explore cette piste, essayant de remonter à ses origines,
qu’elle attribue à « une troisième guerre mondiale ». Celle
déguisée sous des formes modernes, loin des apparences
militaires traditionnelles, une guerre intellectuelle dont
les parties ne sont pas identifiées, mais qui travaillent à
détruire les esprits en favorisant un conflit, « que les uns
appellent guerre d’indépendance, et les autres terrorisme ».
L’auteure avance qu’il y a eu ceux qui ont essayé de définir
les acteurs de ce conflit, et qui étaient à leurs yeux les
différences d’abord entre les civilisations, et ensuite
entre les religions et qui se sont résumées en fin de compte
en une confrontation confessionnelle entre islam et
christianisme, « oubliant par ignorance ou
intentionnellement les vrais
motifs de cette confrontation que sont l’injustice, les
intérêts et les ambitions politiques et économiques ainsi
que le nouvel impérialisme ». Les partisans de ces théories
erronées ont fait la propagande d’une lutte indispensable
entre les deux religions donnant ainsi naissance à des
notions trompeuses, selon l’auteure, et qui seraient perçues
comme des théories fixes, comme « le christianisme sioniste
» ou les « guerres religieuses ».
Des théories falsifiées qui ont semé la confusion chez les
gens simples et ont miné leurs esprits par de fausses idées
qu’ils ont crues et ont fini par interpréter toujours tout
différend sur des principes religieux.
Il était donc indispensable pour Dr Laila de chercher à
exposer une théorie alternative, celle de l’existence d’un «
patrimoine commun entre le christianisme et l’islam ». Elle
a soutenu son travail en étayant des versets du Coran et de
la Bible, qui reflètent leurs principes communs comme la foi
en Dieu unique, la paix, la justice, la tolérance, des
versets qui appellent à l’amour et non à la haine. Dans
cette partie, elle démontre que l’islam respecte le
christianisme, et que le Christ a prôné l’amour pour « ceux
mêmes qui nous offensent ». Et donc, « la haine témoignée
par quelques groupes islamistes fanatiques pour le
christianisme n’a rien à voir avec les préceptes de l’islam
», et en revanche, le « mépris » que ressentent des
chrétiens fanatiques et victimes de terrorisme à l’égard de
l’islam n’a jamais été justifié, étant donné que l’islam «
est plus noble et plus tolérant que cette idée imprégnée
dans les esprits ».
Peut-être alors c’est à ces personnes, et toute personne qui
mal interprète son travail, qu’elle s’adresse en disant
qu’il constitue un « message qui vise au rapprochement et
non à la préférence d’une religion par rapport à l’autre, ni
un appel à quiconque pour se convertir à une religion ou à
l’autre », et une « vision et une lecture personnelles qui
puisent leur légitimité dans la noblesse du but de ce livre,
celui d’effacer ce nuage de haine et d’appeler à un respect
mutuel entre chrétiens et musulmans de l’Egypte ».
L’Egypte, ce pays dont le nom a paru presque 30 fois dans le
Coran et 100 fois dans la Bible, « ce qui assure sa valeur
dans les deux religions, une valeur qui impose à ses
citoyens de vivre en paix et amour ». Le sujet donc de ce
livre est plus que jamais d’actualité, il ouvre la voie à
une meilleure compréhension entre chrétiens et musulmans à
un moment où l’Egypte passe par l’un de ces dangereux
moments d’affrontement aveugle entre les différentes
composantes de son tissu social. « Ce livre, par le langage
des sentiments, est un message de paix et d’amour, et par le
langage de la raison et de la réalité, est un message pour
corriger et faire connaître », assure son auteure.
Bien qu’on puisse lui reprocher son recours à des
répétitions et des longueurs, le fait qu’elle renvoie à un
souci d’assurer la transmission du message, ce livre est une
tentative de présentation claire et rigoureuse des notions
communes entre le patrimoine des deux religions. Et pour
conclure, reprenons cette phrase de Dr
Takla : « Celui qui recherche ce qui rapproche le
trouvera, et celui qui recherche ce qui écarte le trouvera
aussi … A nous de choisir la première alternative pour notre
paix et sécurité ainsi que pour celle des prochaines
générations … ».
Dira
Maurice