Al-Ahram Hebdo, Egypte | Un projet ambitieux

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 Semaine du 8 au 14 septembre 2010, numéro 835

 

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Egypte

Al-Dabaa. Après des débats houleux, cette localité, dans le gouvernorat de Matrouh, a été choisie pour construire la première centrale nucléaire destinée à générer de l’électricité. Des questions surgissent toutefois sur la sécurité du site et le financement du projet.

Un projet ambitieux

C’est après plus de 20 ans d’étude que la décision a été enfin prise. La ville d’Al-Dabaa, dans le gouvernorat de Matrouh, sur la côte méditerranéenne, abritera la première centrale nucléaire égyptienne, destinée à produire de l’énergie. L’annonce a été faite la semaine dernière à l’issue d’une réunion du Conseil suprême pour l’usage pacifique de l’énergie nucléaire, présidé par le chef de l’Etat. Le projet date déjà de plusieurs années. Depuis les années 1980, l’Egypte songe à se doter d’une centrale nucléaire, mais l’incident de Tchernobyl en 1986 a retardé le projet. L’idée resurgit cependant, et le président Moubarak décide, en 2007, de donner le coup d’envoi à un programme ambitieux de construction de centrales nucléaires. Objectif de ce programme : se doter de cinq centrales nucléaires civiles, sous supervision de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). Le Caire relance ainsi son programme nucléaire après un gel de 20 ans. La récente pénurie d’électricité, qui a donné lieu à de fréquentes coupures de courant au Caire et dans les gouvernorats, est venue rappeler l’importance de ce projet. Les décideurs estiment que cette centrale nucléaire, de 1 000 MW, qui devrait entrer en fonction en 2019, va aider l’Egypte à subvenir à ses besoins en électricité. En fait, la demande d’électricité a augmenté en Egypte en moyenne de 7 % entre 1997 et 2004. A présent, la consommation égyptienne d’électricité augmente de 13 % par an. A ce train, les stations thermiques consommeront toutes les réserves de gaz égyptien en 20 ans. D’où la nécessité de s’orienter vers l’énergie nucléaire, pour générer l’électricité. Pour Maher Aziz, conseiller pour les affaires de l’environnement au ministère de l’Electricité, l’Egypte a l’ambition de construire les 5 centrales nucléaires d’ici 2027, afin de produire 5 000 MW d’électricité. « Nous pensons que la première centrale sera opérationnelle d’ici 8 à 10 ans », affirme Aziz. Cependant, des questions surgissent. D’abord à propos de la sécurité de l’emplacement. Certains experts affirment, en effet, qu’Al-Dabaa n’est pas l’endroit idéal pour construire une centrale nucléaire. C’est notamment l’avis de Magdi Fawzi, expert en environnement. « Il faut savoir que les vents dans cette région se déplacent de l’ouest vers l’est. Cela signifie qu’en cas d’incident ou de fuite, la ville du Caire serait menacée », affirme Fawzi. Mais son hypothèse est rejetée par les responsables gouvernementaux. « Depuis 1976, toutes les études effectuées sur Al-Dabaa ont montré que cet endroit répond à tous les critères de sécurité. Ce site a été choisi conformément aux recommandations d’un groupe international d’experts qui a effectué des études sur le terrain dans différentes régions du pays », rétorque Maher Aziz. Le ministre de l’Electricité, Hassan Younès, a lui aussi défendu le choix de l’emplacement en affirmant que toutes les garanties de sécurité nécessaires ont été prises. « Aujourd’hui, les progrès énormes ont été réalisés en matière de sécurité des centrales nucléaires. Dans certains pays européens et aux Etats-Unis, les centrales nucléaires se trouvent dans des zones peuplées et il n’y a aucun danger pour les populations », a affirmé Hassan Younès. Et d’ajouter que le président Moubarak suit de près les étapes d’exécution du projet à travers les rapports mensuels et les réunions périodiques du Conseil suprême pour l’usage pacifique de l’énergie nucléaire.

Al-Dabaa, sujet de concurrence

Selon une source diplomatique ayant requis l’anonymat, « nous sommes conscients qu’il y a derrière toutes ces rumeurs sur l’inadaptation d’Al-Dabaa des gens qui voulaient mettre à profit ce site pour y établir des projets touristiques. Mais le président Moubarak a décidé de construire la future centrale nucléaire à Al-Dabaa, au détriment des activités touristiques », en faisant allusion à certains hommes d’affaires qui souhaitaient exploiter l’emplacement pour bâtir des projets touristiques. En fait, Al-Dabaa était au centre d’une sourde rivalité entre certains promoteurs immobiliers proches du pouvoir, désireux de bâtir des installations touristiques. L’autre grande question qui se rapporte à Al-Dabaa est celle du financement. D’ailleurs, cette question figure au même titre que la catastrophe de Tchernobyl parmi les causes qui ont retardé le projet nucléaire égyptien. Le Caire affronte beaucoup de difficultés pour le financement des nouvelles stations. Il faut savoir que le coût estimé de la première centrale nucléaire est de près de 4 milliards de dollars, et le gouvernement va devoir donc trouver une vingtaine de milliards de dollars pour construire les 5 stations nucléaires d’ici 2027. La loi sur le nucléaire approuvée au cours de la précédente session parlementaire interdit d’associer le secteur privé à la propriété des centrales nucléaires. Toute participation du secteur privé au financement semble donc exclue. Dans ces conditions, et étant donné le coût très élevé du projet, il est probable que l’Egypte s’oriente vers les institutions internationales pour assurer le financement. Le Caire a reçu des garanties de la Russie, de la Chine et de l’Union européenne, afin de soutenir le développement de son projet nucléaire civil. De même, en juin dernier, Yukiya Amano, le patron de l’AIEA, avait affirmé, après une rencontre avec le président Moubarak, que son agence était prête à assister l’Egypte dans la relance de son programme, même si Le Caire refuse de signer un protocole additionnel renforçant les pouvoirs d’inspection de l’agence.

Le ministre de l’Electricité a jugé nécessaire de lancer un appel d’offres mondial pour la construction de cette centrale nucléaire avant la fin de 2010. L’Egypte a déjà eu recours à des consultants dans ce domaine, comme la firme française Areva ou l’américaine Westinghouse. Outre ces deux firmes, un groupe d’experts de Rosatom, groupe public russe gérant les industries nucléaires, se rendra dans quelques semaines en Egypte pour étudier les questions pratiques liées au chantier de la centrale et à la production d’uranium. En fait, lors d’une visite du président égyptien Hosni Moubarak à Moscou en mars 2008, la Russie et l’Egypte avaient signé un accord de coopération dans ce domaine. L’accord, qui autorise la Russie à participer aux appels d’offres en vue de la construction, en Egypte, de centrales nucléaires, ouvre de nouveaux horizons aux utilisations nucléaires pacifiques en Egypte. En 2009, Le Caire avait invité la Russie à prendre part à un appel d’offres sur la création de la première centrale nucléaire égyptienne.

Chérif Ahmed

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