Al-Ahram Hebdo, Egypte | Un verdict de compromis

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 Semaine du 8 au 14 septembre 2010, numéro 835

 

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Egypte

Justice. La Cour d’appel de Tanta a condamné à deux ans et trois mois de prison les deux avocats accusés d’avoir agressé, il y a quelques mois, un substitut de Parquet. Une affaire qui a généré trois mois de confrontation entre juges et avocats.

Un verdict de compromis

La cour d’appel de Tanta a rendu son verdict dans l’affaire des deux avocats accusés d’avoir agressé un substitut de Parquet et déjà condamnés en première instance à 5 ans de prison il y a 3 mois. Le tribunal a condamné Ihab Saiieddine et Moustapha Fattouh à 2 ans et 3 mois de prison ferme.

Le verdict a été rendu en l’absence des membres du conseil de l’ordre des Avocats et de l’Assemblée générale qui ont appelé les avocats à ne pas se rassembler devant le tribunal pour ne pas provoquer les juges.

Tout a commencé il y a quelques mois par une dispute banale entre les deux avocats et un substitut de Parquet à Tanta, dans le Delta. L’affaire a dégénéré lorsque les deux avocats s’en sont pris au substitut de Parquet. Ils sont alors arrêtés et accusés d’atteinte à l’ordre public et d’agression contre un fonctionnaire de l’Etat durant l’exercice de sa fonction. Les événements ont vite pris des allures de crise. Des milliers d’avocats manifestent contre l’arrestation de leurs collègues et un bras de fer est engagé entre juges d’un côté et avocats de l’autre. Finalement, les deux avocats sont condamnés à 5 ans de prison par un tribunal de première instance, suscitant la colère de l’ensemble de la corporation. Considérant le verdict comme un affront, l’ordre des Avocats appelle ses membres à se mobiliser et à manifester. Un mouvement de grève a été également lancé. La défense des deux avocats a réclamé leur libération, affirmant que les investigations ne sont pas fiables et qu’il existait des erreurs dans les procédures. Selon la défense, il fallait déléguer un juge d’enquête et convoquer les témoins avant de déférer les avocats devant le tribunal.

Le verdict de la Cour d’appel apparaît comme une sorte de compromis destiné à éviter une nouvelle escalade. Pourtant, les avocats le jugent exagéré.

Le verdict a relancé les divergences au sein de l’ordre des Avocats. Le bâtonnier et ses adversaires au sein du Conseil de l’ordre s’accusent mutuellement. « Il est regrettable de dire que les deux avocats ont été victimes de la mauvaise gestion de ce procès qui a été mis à profit par certains avocats à des fins électorales et pour marquer des points. On était sur le bon chemin au début de la crise, mais certains ont incité les foules d’avocats à adopter une attitude violente en envahissant le bureau du procureur à Mahalla, ce qui a compliqué la situation et a nui à l’image des avocats », estime Hamdi Khalifa.

Contestation interne

L’ex-bâtonnier, Sameh Achour, qualifie le jugement de très sévère et fait porter la responsabilité au bâtonnier actuel. « L’affaire des deux jeunes avocats a été utilisée pour régler des comptes électoraux. L’ordre est incapable de défendre la dignité de la profession. Hamdi Khalifa a mal géré la crise », affirme Achour. Il ne nie pas l’existence de problème entre jeunes avocats et juges, mais selon lui, il ne fallait pas amplifier les choses de cette façon, nuisant à la justice dans son ensemble. « L’affaire pouvait être réglée avec sagesse mais hélas, cette affaire a été exploitée à des fins personnelles », ajoute Achour.

Certains avocats qualifient le verdict de « politique », d’autres y trouvent une humiliation pour les avocats, d’autres encore pensent que c’est une faillite pour la justice. « C’est une grande déception. On s’attendait à un jugement plus atténué ou que le procès soit réexaminé devant une autre cour pour absorber la colère des avocats et surtout pour apaiser la tension entre juges et avocats. Beaucoup d’avocats pensent qu’il s’agit d’un jugement politique et non pas pénal », regrette Galal Chalabi, président de l’ordre des Avocats à Al-Gharbiya.

Montasser Al-Zayat, président de la commission des libertés à l’ordre des Avocats, qualifie le jugement de catastrophique pour l’avenir du métier. « Le bâtonnier doit présenter sa démission parce que l’état de colère et de déception suite à ce jugement est grand. Le conseil de l’ordre a été incapable de défendre ces membres, c’est pourquoi l’assemblée générale appelle à retirer la confiance au bâtonnier et au conseil », affirme Al-Zayat. Un grand nombre d’avocats pensent que ce jugement a été préparé d’avance et qu’il s’agit plutôt d’une sorte de vengeance. Des hypothèses que rejette le magistrat Achraf Zahran, membre du Club des juges, qui affirme que ce jugement n’influencera pas la relation entre les juges et les avocats qui sont avant tous des collègues. « Le jugement s’est fondé sur des preuves et des témoignages, le fautif doit être puni et si le substitut de Parquet avait commis un abus, le procureur général n’aurait pas hésité à le sanctionner », conclut Zahran.

May Al-Maghrabi 

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