Justice.
La Cour d’appel de Tanta a condamné à deux ans et trois mois
de prison les deux avocats accusés d’avoir agressé, il y a
quelques mois, un substitut de Parquet. Une affaire qui a
généré trois mois de confrontation entre juges et avocats.
Un verdict de compromis
La
cour d’appel de Tanta a rendu son verdict dans l’affaire des
deux avocats accusés d’avoir agressé un substitut de Parquet
et déjà condamnés en première instance à 5 ans de prison il
y a 3 mois. Le tribunal a condamné Ihab
Saiieddine et Moustapha
Fattouh à 2 ans et 3 mois de
prison ferme.
Le verdict a été rendu en l’absence des membres du conseil
de l’ordre des Avocats et de l’Assemblée générale qui ont
appelé les avocats à ne pas se rassembler devant le tribunal
pour ne pas provoquer les juges.
Tout a commencé il y a quelques mois par une dispute banale
entre les deux avocats et un substitut de Parquet à Tanta,
dans le Delta. L’affaire a dégénéré lorsque les deux avocats
s’en sont pris au substitut de Parquet. Ils sont alors
arrêtés et accusés d’atteinte à l’ordre public et
d’agression contre un fonctionnaire de l’Etat durant
l’exercice de sa fonction. Les événements ont vite pris des
allures de crise. Des milliers d’avocats manifestent contre
l’arrestation de leurs collègues et un bras de fer est
engagé entre juges d’un côté et avocats de l’autre.
Finalement, les deux avocats sont condamnés à 5 ans de
prison par un tribunal de première instance, suscitant la
colère de l’ensemble de la corporation. Considérant le
verdict comme un affront, l’ordre des Avocats appelle ses
membres à se mobiliser et à manifester. Un mouvement de
grève a été également lancé. La défense des deux avocats a
réclamé leur libération, affirmant que les investigations ne
sont pas fiables et qu’il existait des erreurs dans les
procédures. Selon la défense, il fallait déléguer un juge
d’enquête et convoquer les témoins avant de déférer les
avocats devant le tribunal.
Le verdict de la Cour d’appel apparaît comme une sorte de
compromis destiné à éviter une nouvelle escalade. Pourtant,
les avocats le jugent exagéré.
Le verdict a relancé les divergences au sein de l’ordre des
Avocats. Le bâtonnier et ses adversaires au sein du Conseil
de l’ordre s’accusent mutuellement. « Il est regrettable de
dire que les deux avocats ont été victimes de la mauvaise
gestion de ce procès qui a été mis à profit par certains
avocats à des fins électorales et pour marquer des points.
On était sur le bon chemin au début de la crise, mais
certains ont incité les foules d’avocats à adopter une
attitude violente en envahissant le bureau du procureur à
Mahalla, ce qui a
compliqué la situation et a nui à
l’image des avocats », estime Hamdi
Khalifa.
Contestation interne
L’ex-bâtonnier, Sameh Achour,
qualifie le jugement de très sévère et fait porter la
responsabilité au bâtonnier actuel. « L’affaire des deux
jeunes avocats a été utilisée pour régler des comptes
électoraux. L’ordre est incapable de défendre la dignité de
la profession. Hamdi Khalifa a
mal géré la crise », affirme Achour. Il ne nie pas
l’existence de problème entre jeunes avocats et juges, mais
selon lui, il ne fallait pas amplifier les choses de cette
façon, nuisant à la justice dans son ensemble. « L’affaire
pouvait être réglée avec sagesse mais hélas, cette affaire a
été exploitée à des fins personnelles », ajoute Achour.
Certains avocats qualifient le verdict de « politique »,
d’autres y trouvent une humiliation pour les avocats,
d’autres encore pensent que c’est une faillite pour la
justice. « C’est une grande déception. On s’attendait à un
jugement plus atténué ou que le procès soit réexaminé devant
une autre cour pour absorber la colère des avocats et
surtout pour apaiser la tension entre juges et avocats.
Beaucoup d’avocats pensent qu’il s’agit d’un jugement
politique et non pas pénal », regrette
Galal Chalabi, président
de l’ordre des Avocats à Al-Gharbiya.
Montasser
Al-Zayat, président de la
commission des libertés à l’ordre des Avocats, qualifie le
jugement de catastrophique pour l’avenir du métier. « Le
bâtonnier doit présenter sa démission parce que l’état de
colère et de déception suite à ce jugement est grand. Le
conseil de l’ordre a été incapable de défendre ces membres,
c’est pourquoi l’assemblée générale appelle à retirer la
confiance au bâtonnier et au conseil », affirme Al-Zayat.
Un grand nombre d’avocats pensent que ce jugement a été
préparé d’avance et qu’il s’agit plutôt d’une sorte de
vengeance. Des hypothèses que rejette le magistrat
Achraf
Zahran, membre du Club des juges, qui affirme que ce
jugement n’influencera pas la relation entre les juges et
les avocats qui sont avant tous des collègues. « Le jugement
s’est fondé sur des preuves et des témoignages, le fautif
doit être puni et si le substitut de Parquet avait commis un
abus, le procureur général n’aurait pas hésité à le
sanctionner », conclut Zahran.
May
Al-Maghrabi