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 Semaine du 8 au 14 septembre 2010, numéro 835

 

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Economie

Chômage des Femmes. Selon des chiffres officiels, il a atteint un record de 22,2 % lors du deuxième trimestre 2010, avec une forte aggravation depuis la crise économique mondiale. La situation trouve en partie son explication dans les mentalités.

Victimes en première ligne

Chérine, 28 ans, mère de deux enfants, voudrait désespérément travailler pour subvenir comme son mari aux besoins du foyer. Mais depuis presqu’un an et demi, elle peine à retrouver une activité professionnelle, après avoir été licenciée en décembre 2009 d’une entreprise réputée dans la fabrication d’appareils électroménagers. « J’ai perdu mon emploi, tout comme une trentaine d’autres femmes dans l’entreprise, suite à la crise financière. Le choix de la direction était clair : sacrifier les femmes, bien que la plupart soient plus qualifiées que beaucoup d’autres hommes. La mentalité égyptienne est ainsi faite », déplore-t-elle. « Depuis mon licenciement, je n’ai cessé de chercher du travail car le salaire de mon mari ne suffit pas à nos dépenses. Mais je n’ai trouvé que des postes pour lesquels je suis trop qualifiée : femme de bureau, sous-secrétaire, etc. », poursuit-elle.

Le chômage des femmes est devenu un phénomène de la crise mondiale. Depuis son déclenchement fin 2009, le nombre de chômeuses n’a cessé de progresser en Egypte pour atteindre 22,2 % au cours du deuxième trimestre de l’année 2010, contre 19,4 % lors du premier trimestre, selon les chiffres du Centre égyptien des statistiques et de la mobilisation (CAPMAS). « Le chômage des hommes a également progressé mais celui des femmes a été plus rapide. Il s’est d’abord agi d’une vague de licenciements suivie par une période de récession », estime Samir Radwan, conseiller auprès du ministre de l’Investissement et expert en questions de chômage. Selon le CAPMAS, le taux de chômage des femmes tournait aux alentours de 15 % avant la crise, mais il a connu des bonds successifs depuis, et enregistré un record aux mois d’avril et juin quand le chômage global a régressé pour la première fois après la crise. Il a atteint 8,9 %, soit une baisse de 0,5% par rapport au trimestre précédent, avec un nombre de chômeurs global de 2,3 millions. « L’Egypte et les pays du Moyen-Orient se caractérisent en fait par un taux élevé du chômage des femmes. La plupart des emplois créés sont dans le secteur informel, donc ne convenant pas aux femmes », explique Heba Al-Lithy, professeur d’économie à l’Université du Caire. Et d’ajouter : « Le chômage des femmes annoncé ne représente qu’environ la moitié des chômeuses. Surtout si l’on prend en considération le nombre de femmes qui ne sont pas motivées à travailler ».

Avant la crise, le phénomène du chômage des femmes était beaucoup plus léger. Car les entreprises et les grandes entités privées, comme le note Radwan, ne cherchaient pas à se débarrasser des employés. De même, la forte croissance créait des emplois. Avec la crise et les pertes enregistrées, leur fardeau est devenu lourd. Le chômage est passé en un an de 8,4 %, à 9,4 % ; en conséquence, les offres d’emploi ont connu une baisse notoire lors du deuxième trimestre de 2009. « La hausse du chômage a été l’effet le plus négatif de la crise sur l’économie égyptienne », note Radwan en mentionnant que « les femmes en ont été les victimes. Car pour les raisons sociales que l’on connaît tous, les premiers employés à sacrifier, c’étaient elles ».

Problème dans la nature et le genre

Selon une enquête menée par le Centre égyptien des études économiques (ECES), depuis le déclenchement de la crise économique et financière mondiale, 10 à 20 % des employés ont été licenciés, notamment ceux à contrats temporaires dans les petites usines. Le gouvernement, pour y faire face, a dû avoir recours à des plans de stimulation de l’économie. Mais la plupart des emplois ainsi créés se sont concentrés dans le domaine de l’infrastructure. « Donc incompatibles avec la nature féminine », note Al-Lithy.

Pour l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le problème du chômage en Egypte réside en fait dans la nature et le genre de travail proposé. « Le gouvernement égyptien s’est félicité, au cours du deuxième trimestre, d’une baisse du chômage. Or, cette régression n’est plus valable. Car si on prend en considération la nature du travail et la durée, le taux de chômage aurait dû atteindre quelque 18 % de la population, soit le double du taux actuel », estime une responsable de l’OIT qui préfère garder l’anonymat. Elle ajoute de même que les critères d’un emploi « décent » selon l’OIT « ne sont plus respectés en Egypte ». En fait, ce phénomène s’est aggravé dès le début de la crise. C’est ainsi que la grande majorité des chômeurs se concentre presque totalement dans la catégorie des femmes et des jeunes. « Ces deux catégories de la société ne trouvent pas actuellement d’emplois qui leur conviennent. Les qualifications des jeunes sont beaucoup plus élevées et la nature des femmes égyptiennes ne colle pas », explique la responsable de l’OIT.

Selon les derniers chiffres du CAPMAS, 88 % du total des chômeurs en Egypte sont des jeunes entre 15 et 29 ans. « Je n’ai pas fait toutes ces études et réussi avec mention excellent pour être livreur dans un restaurant à 1 000 L.E. par mois. C’est injuste », dit Sameh, jeune diplômé de la faculté de droit, à la recherche d’un d’emploi. Il estime que « si les hommes, pour gagner leur vie, acceptent parfois des offres qui ne sont pas décentes, il est très difficile aux femmes d’en faire autant ». Et de se demander : « Jusqu’à quand le gouvernement continuera-t-il à tromper et à vouloir convaincre que le taux de chômage a régressé ? ».

Névine Kamel 

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