Chômage des Femmes.
Selon des chiffres officiels, il a atteint un record de 22,2
% lors du deuxième trimestre 2010, avec une forte
aggravation depuis la crise économique mondiale. La
situation trouve en partie son explication dans les
mentalités.
Victimes en première ligne
Chérine,
28 ans, mère de deux enfants, voudrait désespérément
travailler pour subvenir comme son mari aux besoins du
foyer. Mais depuis presqu’un an et demi, elle peine à
retrouver une activité professionnelle, après avoir été
licenciée en décembre 2009 d’une entreprise réputée dans la
fabrication d’appareils électroménagers. « J’ai perdu mon
emploi, tout comme une trentaine d’autres femmes dans
l’entreprise, suite à la crise financière. Le choix de la
direction était clair : sacrifier les femmes, bien que la
plupart soient plus qualifiées que beaucoup d’autres hommes.
La mentalité égyptienne est ainsi faite », déplore-t-elle. «
Depuis mon licenciement, je n’ai cessé de chercher du
travail car le salaire de mon mari ne suffit pas à nos
dépenses. Mais je n’ai trouvé que des postes pour lesquels
je suis trop qualifiée : femme de bureau, sous-secrétaire,
etc. », poursuit-elle.
Le chômage des femmes est devenu un phénomène de la crise
mondiale. Depuis son déclenchement fin 2009, le nombre de
chômeuses n’a cessé de progresser en Egypte pour atteindre
22,2 % au cours du deuxième trimestre de l’année 2010,
contre 19,4 % lors du premier trimestre, selon les chiffres
du Centre égyptien des statistiques et de la mobilisation (CAPMAS).
« Le chômage des hommes a également progressé mais celui des
femmes a été plus rapide. Il s’est d’abord agi d’une vague
de licenciements suivie par une période de récession »,
estime Samir Radwan,
conseiller auprès du ministre de
l’Investissement et expert en questions de chômage. Selon le
CAPMAS, le taux de chômage des femmes tournait aux alentours
de 15 % avant la crise, mais il a connu des bonds successifs
depuis, et enregistré un record aux mois d’avril et juin
quand le chômage global a régressé pour la première fois
après la crise. Il a atteint 8,9 %, soit une baisse de 0,5%
par rapport au trimestre précédent, avec un nombre de
chômeurs global de 2,3 millions. « L’Egypte et les pays du
Moyen-Orient se caractérisent en fait par un taux élevé du
chômage des femmes. La plupart des emplois créés sont dans
le secteur informel, donc ne convenant pas aux femmes »,
explique Heba Al-Lithy,
professeur d’économie à l’Université du Caire. Et d’ajouter
: « Le chômage des femmes annoncé ne représente qu’environ
la moitié des chômeuses. Surtout si l’on prend en
considération le nombre de femmes qui ne sont pas motivées à
travailler ».
Avant la crise, le phénomène du chômage des femmes était
beaucoup plus léger. Car les entreprises et les grandes
entités privées, comme le note Radwan,
ne cherchaient pas à se débarrasser des employés. De même,
la forte croissance créait des emplois. Avec la crise et les
pertes enregistrées, leur fardeau est devenu lourd. Le
chômage est passé en un an de 8,4 %, à 9,4 % ; en
conséquence, les offres d’emploi ont connu une baisse
notoire lors du deuxième trimestre de 2009. « La hausse du
chômage a été l’effet le plus négatif de la crise sur
l’économie égyptienne », note Radwan
en mentionnant que « les femmes en ont été les victimes. Car
pour les raisons sociales que l’on connaît tous, les
premiers employés à sacrifier, c’étaient elles ».
Problème dans la nature et le genre
Selon une enquête menée par le Centre égyptien des études
économiques (ECES), depuis le déclenchement de la crise
économique et financière mondiale, 10 à 20 % des employés
ont été licenciés, notamment ceux à contrats temporaires
dans les petites usines. Le gouvernement, pour y faire face,
a dû avoir recours à des plans de stimulation de l’économie.
Mais la plupart des emplois ainsi créés se sont concentrés
dans le domaine de l’infrastructure. « Donc incompatibles
avec la nature féminine », note Al-Lithy.
Pour l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le
problème du chômage en Egypte réside en fait dans la nature
et le genre de travail proposé. « Le gouvernement égyptien
s’est félicité, au cours du deuxième trimestre, d’une baisse
du chômage. Or, cette régression n’est plus valable. Car si
on prend en considération la nature du travail et la durée,
le taux de chômage aurait dû atteindre quelque 18 % de la
population, soit le double du taux actuel », estime une
responsable de l’OIT qui préfère garder l’anonymat. Elle
ajoute de même que les critères d’un emploi « décent » selon
l’OIT « ne sont plus respectés en Egypte ». En fait, ce
phénomène s’est aggravé dès le début de la crise. C’est
ainsi que la grande majorité des chômeurs se concentre
presque totalement dans la catégorie des femmes et des
jeunes. « Ces deux catégories de la société ne trouvent pas
actuellement d’emplois qui leur conviennent. Les
qualifications des jeunes sont beaucoup plus élevées et la
nature des femmes égyptiennes ne colle pas », explique la
responsable de l’OIT.
Selon les derniers chiffres du CAPMAS, 88 % du total des
chômeurs en Egypte sont des jeunes entre 15 et 29 ans. « Je
n’ai pas fait toutes ces études et réussi avec mention
excellent pour être livreur dans un restaurant à 1 000 L.E.
par mois. C’est injuste », dit Sameh,
jeune diplômé de la faculté de droit, à la recherche d’un
d’emploi. Il estime que « si les hommes, pour gagner leur
vie, acceptent parfois des offres qui ne sont pas décentes,
il est très difficile aux femmes d’en faire autant ». Et de
se demander : « Jusqu’à quand le gouvernement
continuera-t-il à tromper et à vouloir convaincre que le
taux de chômage a régressé ? ».
Névine
Kamel