Palestine.
Les 6,8 % de croissance en 2009 ne sont pas perceptibles sur
le terrain, comme le souligne un rapport de la
Cnuced au moment de la reprise
des pourparlers de paix avec Israël. Explications.
L’économie dans les mailles de la politique
L’économie
palestinienne est loin de la reprise et son développement
est bien en dessous de ses capacités. C’est en bref la
conclusion que tire le rapport de la Conférence des
Nations-Unies sur le Commerce Et le Développement (CNUCED),
publié le 31 août, sur la situation économique dans les
territoires palestiniens occupés. Et cela malgré des
statistiques positives annonçant une croissance de 6,8 % et
une baisse de 1,6 % du taux de chômage après des années de
stagnation et de recul. Sans que sur le terrain, une avancée
positive quelconque soit ressentie. « Il faut considérer
avec précaution ces chiffres, étant donné les taux de
croissance bas réalisés en 2008 », notent les auteurs du
rapport qui rappellent que « le Produit Intérieur Brut (PIB)
par habitant demeure inférieur de 30 % à ce qu’il était il y
a dix ans, alors que le taux réel du chômage dans les
territoires occupés serait de 30 % ». En fait, la croissance
réalisée en 2009 s’explique surtout par les aides qui ont
afflué en Cisjordanie et qui ont connu une croissance de 8,5
%, alors que la bande de Gaza est toujours soumise à un
blocus quasi-total avec une croissance minime de 1 %. Il
s’agit d’une croissance déséquilibrée et loin d’être
durable. « La croissance du PIB est due à la hausse des
aides étrangères et ne reflète en aucune façon une hausse de
la production agricole, industrielle, voire même du secteur
de la construction. L’économie palestinienne est toujours
déséquilibrée », note Barakat
Al-Farrah, ambassadeur
palestinien au Caire.
Une équation difficile à modifier tant que la situation
politique n’avance pas. « Selon l’étude, la détérioration de
la posture économique palestinienne est surtout due au
bouclage et au blocus qu’impose
Israël sur l’économie palestinienne, la fermeture des
passages, la construction du mur de séparation et la
confiscation des terres palestiniennes. A cela s’ajoute
l’implantation de nouvelles colonies israéliennes en
Cisjordanie », souligne Khawla
Matar, directrice du Centre des
Nations-Unies pour l’information au Caire, en faisant la
représentation du rapport. La Cnuced
estime que le bouclage et le blocus procurent à l’économie
palestinienne des pertes annuelles de 600 à 800 millions de
dollars, soit 13 % du PIB. Au niveau de l’emploi, les
Palestiniens perdent par an entre 60 000 et 80 000 emplois.
En plus des pertes directes, l’effet des aides
internationales, qui représentent la partie majeure du
budget de la Palestine, est réduit à cause du blocus et les
Palestiniens n’en tirent pas tous le profit qu’ils devraient
en tirer. La Cnuced a calculé
qu’une injection de 1,6 milliard de dollars d’aide à
l’investissement public entre 2010 et 2012 entraînerait une
hausse annuelle du PIB palestinien inférieure à 1 % en
moyenne si le bouclage et le blocus persistent. La même
somme dépensée dans un contexte d’apaisement générerait une
croissance annuelle de 14 % et pourrait créer 80 000 emplois
par an.
Le risque de destruction matérielle ainsi que les maintes
restrictions imposées sur le mouvement des biens et des
personnes ont été des facteurs décourageants pour le secteur
privé formel. Pour survivre, les Palestiniens ont eu recours
au secteur non formel et celui des tunnels à Gaza. Celui-ci
représente les deux tiers de l’activité économique de la
Bande de Gaza. Mais pas sans inconvénient : le risque
qu’endurent les individus impliqués dans ces activités et
l’isolement de Gaza ont eu pour conséquence une hausse des
prix dans la bande qui sont au-dessus de leurs niveaux en
Cisjordanie ainsi que hors de la portée des habitants. « Les
médias ont montré à Gaza les marchandises et produits
entassés dans les magasins et ne trouvant pas d’acheteur,
alors que 61 % des habitants de la bande sont touchés par
l’insécurité alimentaire vu que la production agricole a
régressé de 60 % au cours des 10 dernières années ».
Dépendance envers l’économie israélienne
Si la situation économique s’est détériorée depuis le blocus
imposé sur Gaza en 2007, ce qui s’est traduit par une hausse
des taux de chômage et de pauvreté, la dépendance à
l’économie israélienne dure depuis toujours. Israël contrôle
les frontières, tous les accès aux territoires palestiniens,
l’eau et même la collecte de plusieurs taxes qui doivent
être ensuite transférées à l’Autorité palestinienne mais ne
le sont pas souvent. « L’accord d’Oslo et le protocole
économique de Paris ont institutionnalisé cette situation.
Les taxes commerciales sont collectées par Israël et
supposées être transférées à l’Autorité palestinienne. Mais
les taxes sont utilisées en tant qu’instrument de pression
politique, une tendance qui s’est accentuée après la
deuxième Intifada. Ces mêmes accords ont institutionnalisé
le contrôle sur les affaires. Les projets des hommes
d’affaires palestiniens ont été souvent contrecarrés par des
retards d’octroi de permis d’appropriation de terrain, de
construction, de transport de marchandises, d’importation et
d’exportation en plus de toutes les transactions financières
», note Noeman
Kanafani, directeur de
l’Institut de recherche des politiques économiques
palestiniennes (MAS) (Palestine
Economic Policy Research
Institute), dans un papier sur l’intégration régionale de la
Palestine. Les Palestiniens n’avaient d’autre solution que
de dépendre totalement d’Israël, premier partenaire
commercial, mais aussi un grand nombre d’employés
palestiniens y travaillent, ce qui affecte l’économie des
familles suite à chaque blocus. Le rapport de la
Cnuced note que le commerce avec
Israël représente les trois quarts du commerce palestinien
et que malgré la baisse du déficit commercial palestinien
avec Israël en 2009, il reste élevé avec 65 %. Il a de même
dépassé les 2,4 milliards de dollars d’aide internationale
versés aux Palestiniens. La Cnuced
pense qu’une diversification des partenaires commerciaux
pourra aider la Palestine, mais cela nécessite la fin du
blocus et une plus grande indépendance. Alors les attentes
sont pressantes sur la reprise des pourparlers entre
Israéliens et Palestiniens après 20 mois d’arrêt, aux
Etats-Unis le 2 septembre dernier. Mais sans trop
d’optimisme, puisqu’il ne s’agit pas du premier espoir
perdu.
Marwa
Hussein