Terrorisme.
L’intensification des attaques menées par les talibans en
Afghanistan et l’incapacité d’y faire face ont poussé les
responsables à évoquer l’option du dialogue.
Le choix difficile de Karzaï
Au
moment où les attaques meurtrières quasi quotidiennes des
talibans ensanglantent le pays, le président afghan Hamid
Karzaï a opté cette semaine pour
la politique du dialogue, annonçant la mise en place d’un
conseil pour des discussions de paix avec les rebelles. Ce
conseil devrait être composé d’anciens membres des talibans,
des chefs du Djihad et des personnalités d’influence. Sa
composition sera dévoilée la semaine prochaine. Selon
Karzaï, la création de ce
conseil représente « un pas significatif vers des
pourparlers de paix », assure le leader afghan, espérant
qu’un dialogue avec les chefs talibans précipitera la fin de
la guerre. Selon les politologues, cette initiative est
l’une des plus importantes du président visant à ouvrir un
dialogue avec le leadership taliban. Aussi, a-t-elle été
accueillie « chaleureusement » cette semaine par toute la
communauté internationale, estimant que « les moyens
militaires seuls » seront insuffisants pour mettre fin au
conflit.
En effet, la situation sur le terrain afghan est fort
lamentable et exige une mobilisation rapide de tous les
efforts pour y mettre fin. Dimanche, un soldat étranger a
été tué dans le sud de l’Afghanistan, dans l’explosion d’une
mine artisanale, l’arme de prédilection des talibans, a
indiqué l’Otan. La veille, quatre policiers afghans et trois
civils ont été tués par l’explosion d’une bombe fixée sur
une moto à Kunduz, dans le nord du pays, ont annoncé les
autorités locales.
Ce carnage des forces étrangères a incité le chef du
Pentagone, Robert Gates, à effectuer une visite surprise à
Kaboul pour s’entretenir avec le président Hamid
Karzaï et le général David
Petraeus, commandant des forces
américaines et de l’Otan en Afghanistan, mais plus
essentiellement pour galvaniser « ses boys » en péril dans
le « cimetière afghan ». Surtout qu’il ne reste que neuf
mois seulement avant le début du retrait des troupes
américaines d’Afghanistan prévu en juillet 2011 et que les
pertes militaires américaines ont atteint un niveau record
ces derniers mois. Même lors de la visite de M. Gates,
l’hécatombe a continué de plus belle : 4 soldats américains
ont été tués vendredi, alors que la semaine dernière
seulement, 28 soldats américains ont péri.
2010 : année noire
Selon les experts, 2010 est « l’année noire » pour les
forces de l’Otan et surtout pour les forces américaines. Au
bout de huit mois seulement, 326 soldats américains ont
trouvé la mort sur les 493 soldats tués dans les rangs des
forces internationales. En 2009, 317 soldats américains
avaient été tués en Afghanistan. N’oublions pas que
Washington fournit les deux tiers des quelque 150 000
soldats étrangers déployés dans le pays.
D’où l’importance de la visite du chef du Pentagone. Pour
remonter le moral de ses soldats, il s’est rendu, au début
de sa visite, sur une petite base avancée de la force de
l’Otan (Isaf) dans la province
de Kandahar, principal bastion des talibans. « Cela a été
une semaine très dure pour vous tous », a lâché M. Gates
devant cette unité qui a récemment perdu huit hommes au
combat.
En effet, ce carnage américain survient à un moment où le
président Obama a répété que le
retrait des troupes américaines commencerait en juillet
2011, comme il l’avait promis en décembre, sous la pression
d’une opinion publique de plus en plus opposée à l’envoi des
soldats en Afghanistan. Selon le général
Petraeus, ce retrait commencera
par un allégement des effectifs plutôt que par une réduction
à grande échelle. Quelle que soit la stratégie du retrait,
l’idée même d’être seuls face à face avec les talibans
alarme fort les dirigeants afghans. Un porte-parole du
président Hamid Karzaï a déploré
cette semaine que la menace des talibans n’avait pas été
éliminée et que tout calendrier de retrait ne ferait que «
doper » les insurgés. Depuis lors, l’état-major américain
s’emploie à rassurer en répétant que le calendrier annoncé
ne se caractérisera pas par un départ massif. « Le rythme du
retrait dépendrait des conditions sur le terrain, notamment
de l’état de préparation des forces afghanes », a expliqué
Petraeus. Accentuant cette
ambiance de doute, le général américain, William Caldwell, a
expliqué que l’entraînement des forces afghanes se heurtait
à de gros obstacles et qu’il faudrait attendre fin octobre
2011 avant que l’armée et la police afghanes n’aient un
niveau de préparation suffisant pour assurer la sécurité
ailleurs que dans des poches isolées. « La transition
s’effectuera au niveau des districts, plutôt qu’au niveau de
provinces entières, même s’il se peut que ce soit possible
dans certaines provinces », a expliqué
Petraeus. Au sein de toutes ces tergiversations,
certaines voix américaines se sont pourtant élevées cette
semaine pour contester le calendrier de retrait : « fixer
des dates de retrait revient à redonner le moral aux
talibans, qui pensent dès lors qu’ils n’ont plus qu’à
attendre le départ des troupes de l’Otan pour déclencher une
guerre sans merci », s’inquiète le général américain en
retraite, James Conway. Le
dilemme du retrait des forces de l’Otan risque de plonger
l’Afghanistan dans une guerre sans foi ni loi.
Maha
Al-Cherbini