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 Semaine du 8 au 14 septembre 2010, numéro 835

 

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Arts

Festival du Film de Locarno. Trois films primés lors de la 63e édition représentent une nouvelle ouverture sur le cinéma jeune et asiatique ainsi que le documentaire.

Découvertes et redécouvertes

Bien sûr, Locarno, cette ville charmante du Tessin au sud de la Suisse, a toujours surpris son public de cinéphiles avec ses sections innovantes et son ouverture aux premiers et deuxièmes films. Mais cette année, le film Paraboles d’Emmanuelle Demoris, qui a reçu le Léopard d’or dans la Compétition Cinéastes du présent, destinée aux premiers et deuxièmes films de jeunes réalisateurs émergents du monde entier, a impressionné. Tout comme la rétrospective intégrale de l’œuvre d’Ernst Lubitsch et la section Open doors (portes ouvertes) consacrée cette année à l’Asie centrale.

Paraboles est le cinquième film du cycle « Mafrouza » d’Emmanuelle Demoris, projeté en compétition dans la section Cinéastes du présent tandis que les quatre premiers films étaient projetés hors compétition. Le cycle Mafrouza a été tourné sur une période de deux ans dans le quartier de Mafrouza d’Alexandrie, construit sur le site d’une nécropole gréco-romaine. Mafrouza part des premières rencontres avec les gens du quartier pour raconter ensuite leurs histoires. Ce documentaire est avant tout un hommage à la population de Mafrouza, à leur humanité, leur courage, leur irrépressible force de vie, qui font de leur quartier un espace de vitalité. Au centre de la cinquième partie intitulée « Paraboles - L’art de parler » apparaît Mohamed Khattab qui tient l’épicerie de Mafrouza. Cheikh, il fait aussi le sermon du vendredi dans la mosquée du quartier. Mais en ces jours de fête, les barbus viennent s’emparer de ladite mosquée. Les gens de Mafrouza racontent cette prise de pouvoir avec lucidité et calme, avec la force d’une parole qui recourt aux arguments à la fois du cœur et de la raison. Mohamed Khattab garde sa dignité, son ironie et le secret sur ses intentions. « Les gens de Mafrouza semblent portés par une incroyable force de vivre. Cela tient à leur liberté de pensée et d’expression, à leur capacité d’exprimer les sentiments et aussi leur constante attention à l’autre », dit Emmanuelle Demoris. La réalisatrice, elle aussi, porte par son film une constante attention à l’autre, tendre et rempli de respect. Avec un prix à Locarno, ce film devrait revenir dans son pays d’origine bientôt.

Amour, loyauté et rire

L’autre découverte a été le cinéma d’Asie centrale, présenté dans la section Open doors. Cette initiative, engagée il y a quelques années et consacrée chaque année à une région (il y a trois ans, c’était le tour du Moyen-Orient), a pour but de faire mieux connaître le cinéma des régions peu connu en Europe, mais surtout de trouver de potentiels partenaires pour le financement de projets. Cette année, les festivaliers ont pu découvrir le cinéma fascinant de la route de la soie. Bien sûr, le cinéma jouait un rôle important en Union soviétique de laquelle le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kazakhstan et le Kirghizistan faisaient partie. A la disparition de l’Union soviétique, chaque pays a pris un chemin différent à la recherche d’une propre cinématographie qui est le miroir de son identité nationale, mais qui reflète aussi les développements différents de chacun d’eux. Le Kazakhstan et l’Ouzbékistan sont bien plus avancés dans la production cinématographique que les autres pays et les films produits dans ces pays trouvent déjà leur chemin dans les festivals de l’ouest. Les films montrés de cinq pays ont ouvert les yeux du public à leurs cultures, mais aussi à leur émancipation politique. « Svet ake » (le voleur de lumière), projeté sur la Piazza Grande, a enthousiasmé le public par sa naïveté, son humanité et son humour. Le protagoniste, joué par le réalisateur lui-même, qu’on appelle dans sa petite ville natale Monsieur Lumière, n’apporte pas seulement l’électricité, souvent en panne, à ses compatriotes pauvres. Il porte aussi de l’amour et de la loyauté et surtout du rire à ceux qui souffrent des bouleversements économiques de l’après-Union soviétique. Des images touchantes d’une société qui se cherche ...

Cette année, Locarno a aussi fait un merveilleux cadeau à son public : la rétrospective intégrale de l’œuvre du « prince de la comédie » Ernst Lubitsch (1892-1947). Lubitsch est né en 1892 à Berlin et émigra en 1922 aux Etats-Unis. La rétrospective s’est préparée en collaboration avec la cinémathèque française et sera montrée à l’automne à la Cinémathèque suisse. Ernst Lubitsch fut sans doute un précurseur dans plus d’un genre — du film historique à la satire, du grotesque à la comédie musicale. Si ses films sont si passionnants, c’est parce qu’ils ont encore beaucoup de choses à nous dire sur l’art et la vie. Ou, peut-être, sur l’art de vivre. Rappelons qu’au début de sa carrière, Lubitsch a tourné plusieurs films inspirés de sujets orientaux, tels que Les yeux de la momie Ma (1918), Sumurun (1920) et La Femme du pharaon (1922). Les organisateurs ne s’attendaient peut-être pas à ce succès, et ce n’étaient pas seulement les classiques comme Ninotschka (1939) avec la divine Greta Garbo qui enthousiasmaient les spectateurs ! Ce film a été présenté par la fille d’Ernst Lubitsch, Nicola Lubitsch, étonnée face à la salle archicomble dont le public n’avait jamais vu un film de Lubitsch. Le succès de cette rétrospective fait la preuve de son génie, qui a bien mérité, tout comme les organisateurs, l’ampleur des applaudissements reçus.

Fawzi Soliman

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