Guinée.
Les deux candidats en lice pour le deuxième tour des
présidentielles se sont entendus sur un protocole pour des
élections apaisées, une sorte de code de bonne conduite
avant le scrutin du 19 septembre.
Geste de bonne volonté
C’est
grâce à la médiation du président burkinabé, Blaise
Compaoré, que la tension a
baissé en Guinée, alors que l’approche du second tour de la
présidentielle, prévu le 19 septembre prochain, promettait
un regain de tension. Le président burkinabé a ainsi reçu à
Ouagadougou Cellou
Dalein Diallo et Alpha Condé,
les deux candidats en lice pour le second tour de la
présidentielle en Guinée. Objectif : prévenir des violences
post-électorales qui pourraient
éclater après le scrutin. Sous l’égide de M. Blaise
Compaoré, MM. Diallo et Condé se
sont donc engagés à mener une « campagne politique apaisée »
et à se conformer « scrupuleusement » au verdict des urnes.
Les deux hommes se sont engagés à œuvrer pour une transition
politique pacifique à travers des élections libres,
transparentes et démocratiques dans leur pays. « Les deux
candidats s’engagent à mener une campagne politique apaisée,
dans le respect mutuel et conformément aux dispositions
constitutionnelles et législatives en vigueur, ainsi qu’au
Code de bonne conduite auquel ils ont adhéré, afin de
préserver la cohésion et l’unité du pays », selon la
présidence burkinabé.
Ils ont promis, par ailleurs, de canaliser leurs troupes
durant la campagne électorale et après la proclamation des
résultats provisoires afin d’éviter des manifestations
violentes qui pourraient faire basculer le pays dans le
chaos. Ils répondent ainsi à une préoccupation du chef de
l’Etat burkinabé et de son homologue guinéen, le général
Sékouba Konaté, qui s’étaient
inquiétés récemment de la tension latente qui prévalait dans
le pays depuis la proclamation des résultats définitifs du
premier tour. Les deux présidents, qui ont une
responsabilité historique sur l’avenir de la Guinée, avaient
exprimé leur crainte de voir le processus électoral torpillé
par la faute des extrémistes des deux bords.
Pour montrer leur bonne foi, Cellou
Dalein Diallo et Alpha Condé
demandent à l’armée, la police et la gendarmerie, ainsi que
les institutions de la transition, de les accompagner dans
la mise en œuvre de cet accord. Ils font ainsi allusion au
gouvernement, au Conseil national de la transition et à la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
Le protocole d’accord a ainsi permis de mettre les points
sur les i en réaffirmant notamment le rôle dévolu à
chacun des acteurs de la
transition conformément aux accords de paix signés le 15
janvier dernier à Ouagadougou. Ce qui permettra d’éviter les
confusions de rôle entre la Ceni
et le gouvernement qui tentent, chacun de son côté, de tirer
la couverture. L’engagement des deux candidats à respecter
le verdict des urnes et à recourir aux moyens légaux mis à
leur disposition par les textes en vigueur pour toute
réclamation, constitue par ailleurs une avancée
significative dans l’approfondissement de la démocratie dans
ce pays.
De retour à Conakry, Cellou
Dalein Diallo a appelé samedi à
la « plus grande discipline » au second tour de la
présidentielle. « Nous sommes allés à Ouagadougou pour que
triomphe la démocratie en Guinée et nous avons été bien reçu
par le médiateur (Compaoré) qui
nous a prodigué de sages conseils ». « Maintenant, à nous de
respecter notre engagement et d’aller aux élections dans la
plus grande discipline », a-t-il ajouté. Candidat favori,
l’ancien premier ministre, Cellou
Dalein Diallo, a été crédité de
43,69 % lors du premier tour, organisé le 29 juin dernier.
Son rival, Alpha Condé, avait, lui, obtenu 18,25 %. Ce
dernier a de son côté appelé à la transparence. « Ce qui est
important, c’est que la Guinée tourne la page. Pour le
moment, je me bats pour que la Guinée retrouve le chemin de
la démocratie », a-t-il ajouté, refusant de dire s’il
contesterait les résultats par les voies légales en cas de
défaite.
Un camouflet pour le premier ministre
L’accord d’Ouagadougou est intervenu après plusieurs
semaines d’incertitude sur fond de polémique suscitée par la
décision du premier ministre, Jean-Marie Doré, de faire
changer les règles du jeu entre les deux tours. La
vice-présidente de la Ceni avait
rejeté le projet de modification de la Constitution, proposé
par le chef du gouvernement visant à retirer à son
institution le droit d’organiser les élections comme le
prévoit, du reste, la Constitution. Une délégation de la
Ceni avait été huée par des
militants en colère du RPG, qui accusait ses membres d’avoir
été complices des gigantesques fraudes enregistrées lors du
premier tour.
Assurément, le pacte de bonne conduite signé, vendredi, à
Ouagadougou constitue un véritable camouflet pour le premier
ministre guinéen. Les deux candidats n’ont même pas
mentionné, dans le document qui leur avait été soumis par
Blaise Compaoré, le nom du
Ministère de l’Administration du Territoire et des Affaires
Politiques (MATAP) dans l’organisation du second tour de
l’élection présidentielle du 19 septembre.
Ils ont réaffirmé l’indépendance de la
Ceni, seule habilitée, selon les termes de l’accord,
à organiser des élections et des référendums en Guinée
conformément à l’esprit de la nouvelle Constitution. « Les
deux candidats au second tour s’engagent (…) à respecter
l’indépendance de la Commission électorale nationale
indépendante et à tout mettre en œuvre afin de lui permettre
de jouer pleinement son rôle de principale institution
chargée de l’organisation du scrutin présidentiel », précise
la présidence burkinabé. Les deux candidats demandent à la
Ceni d’apporter les correctifs
nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements constatés
lors du premier tour de la présidentielle. Ils invitent le
gouvernement à « apporter son appui technique à la
Ceni conformément aux
dispositions réglementaires en vigueur ».
La décision de Jean-Marie Doré d’introduire une modification
de la Constitution pour des raisons non avouées avait
suscité de vives réactions en Guinée et à l’étranger. Seul
le RPG avait approuvé la démarche, estimant que cela
permettrait d’éviter les fraudes constatées durant le
premier tour.
Abir
Taleb