Mohamad Abdel-Fattah, directeur du secteur des musées auprès
du Conseil Suprême des Antiquités (CSA), secteur différent des musées
artistiques, fait le point sur les dispositifs de sécurité dans ces lieux qui
renferment des richesses inestimables.
« C’est honteux de laisser les musées
ouverts au public avec des risques de vol »
Al-Ahram
Hebdo : Que pensez-vous de la décision du ministère de la Culture de créer une
salle de contrôle centrale des musées ?
Mohamad Abdel-Fattah
: C’est une très bonne idée. Cette salle
va relier les centres de surveillance qui existent dans chaque musée dans le
cadre d’un réseau électronique. Ceux qui vont se charger de cette surveillance
seront des officiers de police hauts gradés et qui sont plus expérimentés dans
ce genre de travail. Ils seront aptes à détecter les failles qui pourraient
exister dans les musées et qui facilitent les infiltrations.
— Le secteur des antiquités avait déjà
lui aussi témoigné d’un incident pareil, à savoir le vol de 9 tableaux du
palais de Mohamad Ali. Quelles sont les leçons que vous avez retenues de cette
affaire ?
—
Premièrement, il faut un système de sécurité très spécialisé pour les tableaux.
Ce ne sont pas de simples images qu’on colle au mur. Ce sont des tableaux d’une
très grande valeur. On a commencé à leur accorder plus d’importance en mettant
chaque tableau dans une vitrine indépendante à verre incassable et qui possède
son propre appareil d’alarme. De cette façon, le vol des tableaux devient une
affaire presqu’impossible. C’est d’ailleurs une nouveauté qu’on a appliquée
récemment aux tableaux qui se trouvent au palais des bijoux d’Alexandrie et
qu’on entend appliquer lors de tous les travaux de rénovation à venir.
— La sécurité de tous les musées est en
question depuis le vol de ce tableau. Quels sont, selon vous, les mesures et
les principaux éléments pour bien assurer cette sécurité ?
— Dans
le secteur des musées des antiquités, on veille toujours à installer les
équipements de surveillance les plus sophistiqués. Ces équipements doivent être
aussi régulièrement modernisés. Si on prend l’exemple des trois principaux
musées, à savoir le Musée égyptien, le Musée d’art islamique et le Musée copte,
on s’apercevra qu’ils répondent tous bien aux normes de sécurité les plus
exigeantes. Ces musées sont entièrement sécurisés par l’emploi d’équipements de
surveillance et de caméras modernes, qui sont répartis dans tous les coins du
musée, à l’intérieur comme à l’extérieur, et qui fonctionnent 24 heures sur 24.
Des systèmes d’alarme contre les vols et les incendies sont aussi en service
continuel. En ce qui concerne les objets exposés, ils sont placés dans des
vitrines à verre incassable et possèdent chacun une alarme indépendante.
Une
présence permanente de la police de la sécurité nationale, du tourisme et
d’antiquités se charge de la sécurité des musées à la fois, tout au long des
heures de visite, et même après la fermeture du lieu.
Quant
aux personnels des musées, les gardiens et les surveillants qui dépendent du
CSA doivent être qualifiés et bien formés. C’est pourquoi le CSA leur organise
périodiquement des stages spécialisés dans le domaine de la sécurité des
musées.
— Si les musées des antiquités
jouissent d’un tel système sécuritaire, pourquoi la situation est-elle
différente dans les musées artistiques ?
— A
mon avis, le système de sécurité doit être généralisé dans tous les musées. Pour
les musées artistiques, ils ne manquent pas d’importance par rapport à ceux des
antiquités. Tous renferment des richesses nationales qu’on doit bien protéger.
Ils abritent des pièces et des objets artistiques très précieux. Il y a même
des chefs-d’œuvre qui sont plus chers que des antiquités. Voilà la toile de Van
Gogh qui a été dérobée et qui est évaluée à plus de 50 millions de dollars. Mais
malheureusement, ces musées souffrent d’un état de négligence et de
défaillance.
— A l’occasion du vol des Coquelicots,
on a beaucoup parlé de budget ...
— En
fait, sécuriser les musées nécessite un budget très élevé. On parle de
dispositifs qui doivent être changés ou renouvelés au moins tous les dix ans,
et remplacés par d’autres plus performants. Les appareils de surveillance sont
en état de modernisation continuelle. Par exemple, les caméras de surveillance
étaient au départ en noir et blanc, ensuite, elles ont été développées en
caméras en couleur, pour devenir enfin des caméras digitales.
Il
suffit de dire que l’installation de nouvelles caméras au Musée égyptien, ce
mois-ci, a coûté, à elle seule, 5 millions de L.E. Quant à la rénovation du
Musée d’art islamique, elle a été évaluée à 85 millions de L.E.
— Des musées dépendant de votre secteur
ont fermé leurs portes au public, notamment le musée de la Nubie. Comment
l’expliquez-vous ?
— En
fait, la fermeture a touché les anciens musées qui ne sont pas encore entrés dans
le processus de rénovation et au sujet desquels les rapports ont montré qu’ils
sont insécurisés.
Par
exemple, le musée de Kom Ochim
au Fayoum, et Herriet Rezna
au gouvernorat de Zagazig. On a fermé aussi cette semaine le musée des
véhicules, et le palais Al-Gawhara dans la Citadelle.
Ce n’est pas honteux de fermer les musées et faire une révision des systèmes de
protection. Par contre, c’est tout à fait honteux de les laisser ouverts au
public avec des risques de vol. Parfois, il est nécessaire de dire Stop ... de
fermer le musée et stocker son contenu, pour effectuer une évaluation. Quant au
musée de la Nubie, parmi les 110 caméras de surveillance, 17 sont tombées en
panne. Il est vrai que le musée pourrait être ouvert au public sans ces
caméras, mais on a décidé qu’il était préférable de le fermer jusqu’à ce que
les travaux d’entretien prennent fin.
— Cette fermeture n’est-elle pas
coûteuse financièrement en réduisant les revenus de ces musées ?
— Non,
je ne pense pas. Pour le musée de la Nubie, on parle uniquement de deux
semaines de fermeture pour réparer les équipements en panne. Ce qui est, à mon
avis, nécessaire, puisqu’on parle de sécurité. Fermer deux semaines vaut mieux
de le laisser ouvert et l’exposer au vol. C’est là que l’on pourra parler de
vraies pertes. En ce qui concerne les visites, les gens se dirigeront
automatiquement vers d’autres musées ouverts.
Propos recueillis par Aliaa
Al-Korachi