Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Attention, soleil peu bienveillant

  Président
Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef exécutif
Hicham Mourad
  Conseiller de la rédaction
  Mohamed Salmawy

Nos Archives

 Semaine du 14 au 22 juillet 2010, numéro 827

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Kiosque

  Société

  Arts

  Idées

  Livres

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Nulle part ailleurs

Canicule . L’été est bien chaud. C’est normal, mais il s’annonce plus torride encore lors des prochaines semaines. C’est du moins ce que la météo nous prédit.

Attention, soleil peu bienveillant

A chaque feu rouge, il lève le bras en toute paresse pour stopper les voitures et il profite du feu vert pour chercher sa petite bouteille d’eau qu’il garde à l’ombre d’un arbre. Et tout au long de la journée, il ne refuse jamais les bouteilles d’eau glacée que lui glissent de temps en temps les conducteurs ayant pitié de lui à cause de son uniforme ruisselant de sueur et son visage de plus en plus sombre sous le soleil et qu’il essuie à l’aide de la manche de sa chemise. Fathi est un agent de la circulation qui opère une des grandes places d’Héliopolis. Il pratique son travail depuis des années avec compétence et est devenu un visage assez familier du coin. Ces jours-ci et depuis la dernière vague de chaleur, il se sent plutôt faible et fatigué. « Je viens du village de Tahta à Sohag. En Haute-Egypte, nous sommes habitués à la chaleur, mais cette période de l’été est insupportable. Passer toutes ces heures sous le soleil est inhumain », dit Fathi en soupirant. Un simple coup d’œil sur son allure et ses gestes révèle sa souffrance. Et les heures qu’il passe quotidiennement sous le soleil ressemblent à des années de géhenne, tellement l’attente est difficile à endurer.

Métier oblige : Fathi est l’un parmi des milliers de citoyens obligés de passer de longues heures sous le soleil. Et cet été, la mission semble difficile, puisque la chaleur atteint son maximum en cette période. Depuis des semaines, la canicule occupe la une des journaux et est également au top des sujets de discussions. « La température atteint les 50° sous le soleil et 43° à l’ombre », alerte la météo. « Il vaut mieux ne pas sortir pendant la période de 13h jusqu’à 16h pour éviter les coups de soleil. Les enfants et les personnes âgées sont les premiers menacés », a-t-on souligné lors des jours où le soleil et l’humidité se sont montrés intolérants.

Pour les prochaines semaines, on s’attend à un véritable calvaire. Pour la première fois depuis 7 ans, on prévoit une hausse de la chaleur sans précédent. Déjà, 18 incendies se sont déclenchés dans différentes villes d’Egypte et la chaleur est, d’après les gouverneurs de ces villes, le premier accusé.

Or, les gens n’ont pas besoin d’annonces dans les journaux ni d’avertissements des experts de la météo pour réaliser que la situation cette année dépasse toutes les attentes.

Les premières victimes

Soleil accablant, humidité, transpiration et vertige, l’été est fort et sans pitié. Déjà, deux surveillants des examens du bac, qui étaient en mission en Haute-Egypte, ont payé de leur vie leur assiduité au travail. C’était à Sohag où la température avait atteint 50° le mois dernier et on n’a pas pu les secourir.

Six élèves se sont évanouis dans les salles d’examens privées d’air conditionné.

Suite à ce genre d’incidents, le ministère de la Santé a commencé à multiplier ses avertissements aux citoyens en les conseillant d’éviter à tout prix ces coups de soleil, surtout pour ceux qui souffrent d’hypertension et de diabète.

Mais, le fait d’éviter les coups de soleil est parfois un luxe. Ragab, soldat qui fait la garde des cortèges, est obligé de se mettre debout, tiré comme un clou sous la chaleur pendant des heures, armé seulement de sa gourde d’eau. « Ma seule astuce pour tenir le coup c’est de boire des litres d’eau à longueur de journée pour diminuer le risque de mourir sous le soleil », dit Farag, qui s’est habitué aux maux de tête, à la fatigue et aux étourdissements.

Les rues abandonnées de jour

Cet été, une simple tournée dans les rues du Caire révèle qu’il s’agit d’une saison assez singulière. Les rues depuis midi et jusqu’à 16h sont beaucoup moins encombrées que d’habitude. Rares sont ceux qui osent pointer le nez dehors, surtout que les élèves et étudiants sont en congé. Le Caire ressemble à une ville fantôme pendant la journée et reprend son activité vers le coucher du soleil. Et c’est pendant le soir et jusqu’à l’aube qu’elle grouille de monde. Echappant à la chaleur des maisons, les gens préfèrent prendre une bouffée d’air frais au bord du Nil et les plus fortunés préfèrent une tournée dans leurs voitures climatisées ou s’enfuient vers les plages. Quant aux piétons, ils n’ont qu’à chercher l’ombre d’un arbre ou d’une station d’autobus pour prendre leur souffle. D’autres couvrent leurs têtes de parasols ou de journaux mouillés.

Même à l’ombre, on n’est pas tout à fait à l’abri. « Le climat en Egypte est en changement perpétuel. On devient comme les pays du Golfe à la seule différence qu’on n’est pas équipé comme eux de climatiseurs partout. Les responsables doivent revoir les horaires de travail et les adapter à la chaleur comme c’est le cas dans d’autres pays », dit Samar qui a passé 5 ans au Koweït et qui voit qu’il est temps de changer notre mode de vie. Pourtant, nombreux sont ceux qui n’ont pas trop confiance en la météo.

« Ils n’annoncent pas les vrais degrés de température, car d’après les lois internationales de travail, les gens ont droit à prendre des congés et rester chez eux si la température dépasse les 45 degrés », explique Samar.

Même la prière s’en ressent

Pourtant, les choses sont en train de changer graduellement. Pour la première fois, les responsables au ministère des Waqfs demandent aux cheikhs et imams des mosquées d’être plus brefs dans leurs prêches. La prière du vendredi ne doit pas dépasser les 30 minutes durant cette canicule et ce, pour ne pas exposer les fidèles au risque des coups de soleil. « La prière à l’époque du prophète ne dépassait pas un quart d’heure », confie cheikh Chawqi Abdellatif, responsable du secteur religieux au ministère des Waqfs.

Ironie du sort. C’est lorsqu’il s’agit d’une décision qui les arrange que les hommes de religion se rendent compte de l’importance de suivre les dires du prophète. La canicule est une bonne excuse pour eux. Mais, leur véritable objectif est souvent de vider vite les mosquées après la prière, d’éviter les rassemblements et ce qu’ils peuvent engendrer, comme les manifestations contre le gouvernement.

Même les activistes et les militants se sont influencés par cette vague de chaleur. Dans leurs blogs, les jeunes négocient les horaires des manifestations faisant le maximum pour éviter le soleil. « Pourquoi organiser une manifestation à 14h sous ce soleil ardent et non pas attendre jusqu’à 19h ou 20h alors qu’il fait plus beau ? Les revendications peuvent attendre un peu et les responsables ne réagissent pas sur-le-champ », ironise un blogueur.

Sur le terrain, le nombre de manifestants est en train de diminuer et après la clôture de la session parlementaire, les députés et manifestants ont pris une pause. Si les députés ont échappé à la chaleur et sont partis à la Côte-Nord, les manifestants, eux, préfèrent militer sur le net, à l’ombre et dans l’air conditionné.

Le ministère de l’Electricité s’en mêle

L’Egypte a chaud, une situation qui commence à avoir des conséquences. Hassan Younès, ministre de l’Electricité, vient d’annoncer que la consommation des Egyptiens en électricité est en hausse effrayante. Et ce, à cause de l’usage intensif des climatiseurs. La chambre d’opération dépendant du ministère de l’Electricité a enregistré durant le mois de juin un chiffre record de consommation, à savoir 22 700 mégawatts. Il s’agit d’une hausse de 13,5 % en comparaison avec la même période de l’été dernier. Le ministre n’hésite pas de prier les citoyens de rationaliser leur consommation en électricité tant que possible.

Mais, le ministère ne tarde pas d’opter pour la rupture du courant dans certains quartiers et provinces. Une sorte de lutte contre cette surcharge sans précédent sur les réseaux d’électricité. Amina, femme au foyer, souffre de cette rupture de plus en plus fréquente du courant dans son quartier. « Une fois privé d’électricité, on n’a non seulement pas droit au climatiseur et au ventilateur, mais on est aussi privé d’eau, car les moteurs qui propulsent l’eau dans les tuyaux ont besoin du courant pour fonctionner », confie Amina, qui a été obligée de quitter son foyer et de prendre refuge chez son père qui habite un autre quartier plus « fortuné ».

Cependant les malheurs de certains font le bonheur des autres. Cette saison de chaleur torride a permis à certains de faire fortune. Il s’agit de ceux qui présentent des services anti-chaleur.

Après le coucher du soleil, lorsque la chaleur devient moins forte et que les gens commencent à sortir, les cafés grouillent de monde. Boissons froides, thé à la menthe …, tout est à la disposition des clients.

Les magasins de jus frais témoignent d’un encombrement de clients qui cherchent à refroidir leurs gorges. « Comme chaque été, je travaille depuis le coucher du soleil sans arrêt jusqu’à l’aube. Mais cette année, le nombre de clients a doublé. Les gens viennent prendre un jus frais chez moi et s’approvisionnent de deux bouteilles de jus qu’ils gardent dans leurs frigos », confie Sobhi, propriétaire d’un magasin de jus frais.

Adel, directeur d’un hypermarché, révèle que les ventes de bouteilles d’eau, de jus et d’eau gazeuse a enregistré un chiffre record cet été. Un phénomène qui s’applique aussi à la vente des climatiseurs. Les chiffres du ministère de l’Electricité montrent qu’en 2006, le nombre d’appareils vendus ne dépassaient pas les 700 000. Cet été le chiffre de vente a atteint les 3 millions, alors qu’on est encore en juillet.

Les propriétaires des entreprises de climatiseurs ont à leur tour profité de ces vagues de chaleur et augmenté les prix.

« Certains modèles sont adaptés à cette hausse de température et sont équipés de matériel et de fils plus résistants à la chaleur », confie Mamdouh, responsable de marketing dans une entreprise de vente de climatiseurs.

Pourtant, il confie que cette hausse du prix ne semble pas empêcher les gens d’en acheter. Chaque jour, des dizaines de nouveaux appareils sont vendus et les façades des immeubles sont de plus en plus décorées de nouveaux postes.

Mais, nombreux sont ceux qui n’ont pas les moyens pour s’acheter des climatiseurs et ne peuvent pas se permettre de payer des factures salées d’électricité ou ceux qui ne peuvent pas circuler dans des voitures climatisées ou partir à la mer. Ceux-ci ont la vie plus dure et voient dans la canicule leur seul ennemi. « Lors de ces jours d’été, je ne supporte personne, je me bagarre avec tout le monde. Je ne sais pas comment je pourrai jeûner pendant le Ramadan qui tombe au mois d’août prochain, alors que les degrés de température atteignent leur apogée », se révolte Sayed, fonctionnaire, pour qui les vents qui nous frappent du Sahara africain, des pays du Golfe et de l’Inde semblent avoir gâché la vie.

Hanaa El-Mekkawi

 

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.