Centenaire.
L’Eglise grecque catholique de Saint-Cyrille fête cette
semaine sa centième année. Al-Ahram Hebdo visite cette
paroisse qui a presque le même âge d’Héliopolis, le quartier
qui l’héberge.
Saint-Cyrille d’Héliopolis … 100 ans déjà
Au
plein cœur d’Héliopolis, dans une région connue, encombrée
et tout le temps embouteillée, l’église Saint-Cyrille se
dresse comme une petite perle dans le rond-point de la rue
Bagdad et la rue Al-Sawra, surnommé « Al-Korba ». En 1900,
c’était juste ici que prenait fin la ligne de l’ancien métro
d’Héliopolis. Les rails formaient un demi-cercle pour
permettre au métro de faire demi-tour et reprendre son
trajet habituel. Avec les années, « la courbe » du métro
devenait « al-corba », qui n’est que l’arabisation de ce
fameux mot français.
Père
Rafik Greiche, curé de l’église, raconte : « Le terrain sur
lequel est bâtie l’église était offert, à l’origine, par le
baron Empain, le fameux homme d’affaires belge, qui décida,
il y a 100 ans, de construire Héliopolis, la ville du soleil,
un nouveau quartier à l’est de la ville du Caire ». En effet,
Edouard Empain avait acheté ce grand terrain d’Héliopolis du
khédive Abbass Helmi II pour inciter les habitants du Caire
à venir vivre loin du centre-ville qui devenait, déjà à
cette époque, encombré !
Empain
était conscient que les habitants de ce nouveau quartier
étaient en majorité des catholiques syro-libanais, avec un
grand nombre de Melkites, et qu’ils avaient besoin d’un
endroit pour prier. Il leur a vendu un bout de terre d’une
superficie de 1 688 m2, qu’il se fit payer 1 688 piastres,
soit le mètre carré à une piastre (1 piastre = 0,01 L.E.).
Ils construisirent alors une petite église dotée d’un
plafond composé de 3 coupoles bien arrondies. Et c’était le
8 juin 1910 que ce petit joyau fut consacré à la prière.
Une fois
entrés dans l’enceinte de l’église, nous accueillent 6
colonnes de marbre belge d’excellente qualité qui ornent son
entrée, enrichies par des fûts de style byzantin. A cette
porterie s’arrête la participation du baron constructeur.
Les frais de construction, le décor, les icônes et tout
autre objet à l’intérieur de la bâtisse est le résultat de
la contribution des fidèles syro-libanais, en signe de
reconnaissance à leur patriarche de l’époque, Cyrille VIII
Jiha, pour son jubilé épiscopal d’argent. C’est l’architecte
Habib Ayrout, lui-même grec catholique, qui supervisa les
travaux de construction de l’église centenaire.
Père
Greiche poursuit : « Habib Ayrout était le papa du Jésuite
Henri Ayrout, fondateur de l’Association de la Haute-Egypte,
qui a créé des dizaines d’écoles dans le sud de l’Egypte
pour offrir un enseignement de qualité et gratuit aux plus
pauvres des pauvres ».
Entre
hier et aujourd’hui
Au fil
des ans, l’affluence des fidèles grecs catholiques dans ce
quartier calme augmenta, et cette petite église pria 5 et
parfois 6 messes les dimanches pour répondre à leurs besoins.
Qui n’a pas connu père Kanakri ou père Sarkis ? Chaque
prêtre a marqué, par son activité, sa pensée et son amour,
cette paroisse qui compte aujourd’hui seulement 350 familles,
« en plus de 150 familles que je considère comme amies »,
ajoute le père Greich.
Chaque
dimanche est un jour important, tout le monde y est, en plus
des célébrations religieuses habituelles. N’empêche que
durant la semaine, diverses activités sont organisées au
service des différentes catégories d’âge. Les vendredis et
samedis, presque 130 enfants, qui ne reçoivent aucune notion
de religion dans leurs écoles internationales, sont
rassemblés pour des cours de catéchisme. S’ajoutent à
ceux-là les scouts, les adolescents des cycles préparatoire
et secondaire, les universitaires et les post-universitaires.
Les responsables de la paroisse organisent aussi des cours
de préparation au mariage, acte sacré au sein de l’Eglise
catholique et qui mérite une attention particulière de la
part de spécialistes sociaux, pédagogiques et psychologiques.
L’église héberge également les réunions de l’Association
Saint-Vincent de Paul, qui a pour mission de secourir les
pauvres quelle que soit leur appartenance religieuse.
Le
rayonnement de Saint-Cyrille n’est pas uniquement religieux.
« Nous avons un rôle pédagogique qui n’est pas moins
important que le religieux, souligne Rafik Greiche. Nous
apprenons à nos jeunes l’art de traiter avec l’Autre, l’art
de parler, dialoguer, ne pas s’énerver, contrôler sa colère.
Nous leur apprenons à transformer leur colère et leur
frustration en une énergie positive ».
Saint-Cyrille
a souffert de l’émigration de familles entières, à cause de
la nationalisation des années 1960 et la guerre de 1967.
Cette grande paroisse, qui comptait une communauté de 550
familles, s’est vue se restreindre à seulement 350. Elle a
été très affectée par ce grand nombre de gens qui sont
partis à l’étranger. « C’était triste de voir les membres de
toutes ces grandes familles émigrer alors qu’ils pouvaient
servir l’Egypte et lui présenter beaucoup de choses
positives. Ceux-là sont aujourd’hui des millionnaires, des
savants et des intellectuels de grande renommée. Ils vivent
essentiellement au Canada, aux Etats-Unis, en Australie et
en Angleterre », conclut-il. Notons que cette vague
d’émigration s’est répétée aussi dans les années 1970 et
1980 pour d’autres raisons. Robert Solé, le grand
journaliste du Monde, et Alain Greiche, de Libération, ont
fait tous les deux leur première communion à l’église Saint-Cyrille.
Qui sont
les musulmans ?
La
paroisse offre aussi des cours d’islamologie. « Il est
important que nos jeunes sachent comment est né l’islam dans
la péninsule arabique, pourquoi ses adeptes prient 5 fois
par jour. On leur enseigne les notions exactes et correctes
de cette religion qui prédomine la société dans laquelle
nous vivons, afin de corriger l’image suscitée par les
extrémistes qui commettent les actes de violence », poursuit
père Greiche. Et l’échange chrétien-musulman est d’ailleurs
prouvé par les multiples colloques animés par des figures de
la culture égyptienne, tels le Dr Ahmad Sadeq, Nabil Abdel-Fattah,
le Dr Ahmad Chawqi, le Dr Moustapha Al-Fiqi, Mohamed Salmawy,
Hussein Fahmi ainsi que Yéhia Al-Fakharani et plusieurs
autres.
La
chorale, la meilleure de la région
La
chorale de l’église est composée de 60 personnes et renferme
plus de femmes que d’hommes. C’est une chorale à 4 voies :
mezzo-soprano, soprano, ténor et basse. « Sur le plan de la
mélodie, nous avons hérité de nos ancêtres, à l’instar de
Constantin Al-Khouri, qui fut membre actif de l’Institut de
musique arabe. C’est lui qui avait mis tous les cantiques
dans des partitions musicales enregistrées sur papier ». Une
répétition hebdomadaire est impérative pour maintenir le
niveau de suprématie et tous les choristes sont volontaires.
D’autre part, la chorale des Angels, les petits descendants
de la grande chorale, a récemment fait son apparition
artistique avec beaucoup de succès.
Loula
Lahham
Charbel Héchéma