Voix au Chapitre
Dr Hicham Mourad
La
situation s’enlise dangereusement au Darfour, où près de 600
personnes ont péri en mai dernier, le mois le plus violent
depuis plus de deux ans. Il s’agit du plus lourd bilan
depuis la création de la force mixte de paix Nations-Unies -
Union africaine (Minuad) en janvier 2008.
Cette tendance à la hausse s’expliquait jusqu’au mois
de mai par les affrontements entre tribus arabes rivales,
qui se disputent l’accès à des points d’eau, à du pâturage
pour le bétail, ou nourries par la vengeance, mais au cours
du dernier mois, ce sont les combats entre la rébellion et
les forces gouvernementales qui expliquent ce chiffre élevé.
Le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM), le plus
militarisé des groupes rebelles, et le gouvernement
soudanais avaient signé, en février au Qatar, un accord
devant déboucher sur une paix définitive, mais les deux
parties n’ont pas réussi à finaliser un cessez-le-feu et à
s’entendre sur un partage du pouvoir. Le mouvement rebelle a
alors quitté Doha et les affrontements ont repris. Résultat
: Outre les morts et les blessés, entre 10 000 et 50 000
personnes ont fui vers la frontière tchadienne. Le Darfour,
un territoire semi-désertique d’une superficie de 500 km2 et
situé à l’ouest du Soudan et partage une frontière très
poreuse avec l’est du Tchad. Abritant 6 millions d’habitants,
il est le théâtre d’un conflit à caractère ethnique et
politique depuis sept ans.
Principale victime de la violence au Darfour, la
population civile cherche à avoir voix au chapitre dans les
négociations de paix qui se déroulent au Qatar entre le
gouvernement et certains mouvements rebelles. C’est ainsi
qu’à partir du 24 juin, un groupe d’une centaine de réfugiés
et de personnes déplacées prendront part aux négociations de
Doha aux côtés des délégations de la rébellion du JEM et du
gouvernement. A l’issue de la rencontre, la médiation
proposera aux parties de signer un protocole d’accord sur
les indemnisations, le retour volontaire des personnes
déplacées et leur réinsertion économique et sociale. La
médiation et le Qatar, avec l’appui de la Minuad,
organiseront ensuite, pendant la première quinzaine du mois
de juillet, le deuxième Forum des représentants de la
société civile du Darfour. Le but étant de donner un droit
de parole à une partie qui a chèrement payé le prix d’un
conflit qui se déroule sur son territoire. Les combats ont
fait ,depuis 2003, 300 000 morts selon les estimations de
l’Onu — 10 000 d’après Khartoum — et 2,7 millions de
déplacés.
Ces tentatives de prêter écoute aux doléances de la
population et de la faire participer au processus de paix
sont salutaires dans le sens où des millions de civils
souffrent toujours des conséquences de la violence,
notamment d’exactions multiformes et d’une dépendance accrue
sur l’aide humanitaire alimentaire, les combats sporadiques
continuant d’entraver la reprise et le développement dans la
région.