Al-Ahram Hebdo, Opinion | Wahid Abdel-Méguid, Le Mondial, le capitalisme et le colonialisme

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 Semaine du 16 au 22 juin 2010, numéro 823

 

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Opinion

Le Mondial, le capitalisme et le colonialisme
Wahid Abdel-Méguid

L’une des plus importantes théories gérant la relation entre le football et l’évolution qui a marqué la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe est celle du professeur d’Histoire à l’Université américaine de Michigan, Peter Eligie. Cette théorie affirme que les Européens avaient utilisé le football comme un moyen pour moderniser les peuples qu’ils ont colonisés et leur inculquer les valeurs capitalistes et les mœurs civiles occidentales. D’autant plus que la bonne performance dans ce jeu nécessite un entraînement vital également dans la promotion de l’économie sous le système capitaliste. Cette performance nécessite un système bien ajusté et une coordination entre les différents joueurs. Les mêmes règles qui sont des exigences dans la réussite de n’importe quelle activité économique libre et une industrie moderne.

En Afrique du Sud précisément, où se joue actuellement le Mondial, dont le coup d’envoi a été lancé vendredi dernier, les compagnies anglaises ont organisé des équipes de football qu’ils ont encouragées à rivaliser à travers des matchs qu’elles arrangeaient. Il ressort, de cette théorie, que la colonisation a utilisé le football comme un outil d’hégémonie. C’est une manière d’orienter les peuples soumis à cette colonisation et de les réhabiliter. Outre le fait que les colons ont considéré le football comme un facteur de modernisation des peuples, ils ont supposé que ce jeu les aidait à extérioriser leurs émotions et qu’il contribuait à commercialiser les produits qui lui sont liés. Pour eux, la création d’équipes de foot sur les bases de l’appartenance ethniques, religieuses, tribales dans certains pays divisés socialement, surtout en Afrique, était un indice consistant à mettre les identités traditionnelles pour barrer la route à l’évolution de l’identité nationale.

Indépendamment de l’efficacité de cette manière malsaine d’instrumentaliser le jeu, devenu le n°1 mondial, tout porte à croire que son rôle en tant qu’exutoire lui est lié jusqu’à nos jours. Le fait de s’ingérer dans le soutien d’une équipe spécifique de football et d’y interagir jusqu’au paroxysme de l’euphorie aide à exprimer maintes émotions. Si le fanatisme manifesté à l’égard d’une équipe donnée exprime un état de chauvinisme, il est possible alors qu’il soit une décharge à des émotions qui peuvent s’orienter et s’exprimer sous d’autres formes. Si cela arrive lorsqu’on soutien une équipe nationale, il intervient comme une forme de compensation à des ambitions nationales avortées ou non réalisées.

S’il est vrai que certains pionniers de la colonisation occidentale ont réalisé prématurément cette tendance au fanatisme dans le football qui atteint des degrés d’extrémisme et d’animosité, comme l’affirme la théorie du professeur Eligie, ceci viendrait prouver le génie malsain qui les a caractérisés. Il n’en demeure pas moins que ce génie s’est retourné contre eux. Lorsque certains peuples, qui ont été soumis à leur hégémonie, ont eu recours au même jeu et l’ont considéré comme l’un des outils dans leur lutte nationale vers la libération. Ainsi, ce ballon magique est devenu un moyen d’édifier, de soutenir l’identité nationale et de résister à l’occupation.

La preuve la plus éloquente à cet égard fut la création par le front de libération national algérien d’une équipe de football portant le nom de la patrie et son drapeau, bien que la plupart des membres de la sélection jouent dans des clubs français. C’était bien les Algériens qui ont été à l’origine de la tradition consistant à recourir à des joueurs africains dans les clubs européens. Certains éléments sont devenus des piliers non pas uniquement dans les équipes appartenant à des clubs sportifs, mais également dans les sélections des pays dont ils portent la nationalité. Le recours du front de libération algérien au football comme un outil de lutte nationale contre la colonisation française était l’un des facteurs ayant assuré sa réussite. D’autant plus, l’équipe que le front a formée a diffusé son nom et son drapeau non pas uniquement dans tous les recoins du pays qui était occupé à l’époque, mais partout dans le monde.

En Egypte, le football a joué un rôle national face à l’occupation britannique très prématurément en comparaison à l’Algérie, à travers des clubs sportifs qui ont établi des équipes destinées à ce jeu. Viennent en tête les clubs Ahli et Zamalek, indépendamment des rumeurs qui couraient, selon lesquelles ce dernier était soumis aux colonisateurs anglais. Il est douloureux également que ce récit erroné circule fréquemment dans les milieux des supporters de l’équipe d’Ahli. Nous avons vu récemment dans le dernier match de la Coupe d’Egypte certains de ses supporters poser le drapeau anglais sur une pancarte blanche avec deux lignes rouges comme pour symboliser le club de Zamalek.

Ce qui est encore plus douloureux, c’est que lorsqu’une tranche de jeunes s’adonnent à la lecture de l’Histoire, ils le font d’une manière erronée et lui portent préjudice. L’objectif de la lecture de l’Histoire est de savoir la réalité et d’apprendre ses leçons. Il ne faut surtout pas interpréter cette histoire selon des tendances malsaines. Les deux anciens clubs avaient tenu un rôle dans la lutte nationale égyptienne, à l’instar des clubs qui ont vu le jour dans certaines colonies où le football s’est transformé en un outil de libération nationale sans perdre leurs aspects en relation avec le capitalisme. Même cette relation fit l’objet de doute lorsque le socialisme a prospéré en Hongrie et en Tchécoslovaquie. Ce lien est devenu d’autant plus évident maintenant plus qu’à n’importe quelle époque révolue, à travers les marchés de vente et d’achat des joueurs à l’intérieur de leurs pays et de par le monde entier.

Ces marchés entraînent aujourd’hui un changement social énorme mais loin d’être naturel. Car des joueurs, qui appartiennent à des classes de loin défavorisées, se trouvent soudain au sommet de la pyramide sociale, en quelques années. Tel est le cas du nouveau magicien du foot Lionel Messi, qui est le point de mire des millions qui suivent le Mondial du Sud de l’Afrique et qui attendent de voir sa performance. Ce « multimillionnaire » d’aujourd’hui est d’un père ouvrier dans une usine et d’une mère faisant des travaux de ménage. Messi n’est pas l’exception d’une règle. Ce tournant spectaculaire qu’il a connu représente un exemple flagrant du rôle du football que l’ère colonialiste a connu.

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