Une
guerre contre l’Iran
Abdel-Moneim Saïd
Le
Moyen-Orient ne peut rester longtemps calme. Depuis la fin
de la guerre froide au début des années 1990 et depuis le 11
septembre, notre région, qui s’étend désormais de
l’Atlantique aux frontières de la Chine, est devenue un
territoire chaud de conflit et de violence dans le monde.
Notre
situation au cœur du Moyen-Orient ne signifie pas seulement
un certain rôle régional de l’Egypte, mais également un rôle
régional en Egypte. Lorsque la guerre ou plutôt les guerres
contre l’Iraq se sont déclenchées, leurs flammes ont atteint
Le Caire. Chaque tournée du conflit arabo-israélien
enflammait toute l’Egypte.
Lors de
la guerre Iraq-Iran, du conflit en Afghanistan entre les
Afghans eux-mêmes ou entre certaines parties afghanes et des
parties extérieures alliées avec des parties internes, il y
avait toujours des Egyptiens. Alors que les pirates
sévissaient dans la Corne africaine, ils attaquaient les
navires égyptiens et menaçaient tous les navires traversant
le Canal de Suez. Si la guerre se déclenche contre l’Iran,
elle ne sera pas loin de nous. Nous serons certainement
exposés à des positions fort embarrassantes. Nous
souffrirons certainement des répercussions d’un jeu sanglant
dont on n’a jamais fait partie.
Notre
inquiétude émane de la résolution adoptée par le Conseil de
sécurité le 9 juin d’imposer de nouvelles sanctions à l’Iran.
Malgré l’opposition de la Turquie et du Brésil et
l’abstention du Liban, les cinq grands se sont mis d’accord,
ce qui est fort rare. C’est ainsi que Washington, Moscou et
Pékin se sont mis d’accord sur une politique de pression sur
Téhéran qui va crescendo sur des périodes déterminées, dans
le cadre du chapitre 7 des pouvoirs de l’Onu qui permet à la
fin le recours à la force militaire.
De plus,
de nombreux indices montrent que le scénario de la guerre
contre l’Iran n’est plus un scénario écarté ou le dernier
choix des Etats-Unis pour faire face à la crise du dossier
nucléaire iranien qui a atteint un stade critique. Le
premier indice est lié au facteur temps. En effet, le temps
passe et la crise persiste sans que l’Iran ne réponde aux
exigences de la communauté internationale. Depuis son
accession à la Maison Blanche, Barack Obama a opté pour une
invitation au dialogue avec l’Iran et a élaboré de nombreux
calendriers dans ce contexte sans qu’aucun ne réalise un
règlement pacifique de la crise.
L’invitation américaine au dialogue avec Téhéran survient
dans le cadre de la politique de réconciliation adoptée par
la nouvelle administration américaine dans le but de
corriger les erreurs commises par l’administration
républicaine précédente, d’améliorer l’image des Etats-Unis
dans le monde et de se défaire du fardeau des guerres en
Afghanistan et en Iraq. Cette nouvelle administration a
réalisé que la politique du bâton n’a réalisé aucun succès
dans le règlement de la crise iranienne. Elle a alors décidé
de prendre la voie opposée en ouvrant un dialogue avec
l’Iran, espérant que ceci mènera à un accord accepté de tous,
réduira les craintes internationales du programme nucléaire
iranien et aidera à la réalisation d’une entente
américano-iranienne autour de nombreux dossiers régionaux
épineux au Moyen-Orient.
Le
second indice est que l’administration d’Obama est exposée à
de nombreuses pressions de la part d’Israël, du lobby juif
aux Etats-Unis et de certains courants américains pour
adopter une position sérieuse contre l’Iran. Israël a
accepté avec difficulté l’idée du dialogue avec Téhéran. Il
a demandé de lui imposer un calendrier fixe tout en
confirmant qu’il ne mènerait pas à des résultats positifs
sur la voie du règlement de la crise du dossier nucléaire
iranien. Tel-Aviv a également souligné qu’il commençait à
perdre patience vis-à-vis de ce dialogue qui, à son avis,
donne plus de temps à Téhéran pour développer son projet
nucléaire.
C’est
ainsi qu’Israël a demandé à Washington des clarifications
sur les alternatives qu’il adopterait en cas d’échec de
cette politique avec l’Iran exprimant sa déception du peu de
cas que fait l’Iran des pressions internationales et des
demandes de la communauté internationale.
D’autre
part, les organisations pro-israéliennes aux Etats-Unis ont
exercé des pressions sur l’administration américaine pour
adopter une politique plus sévère contre l’Iran. C’est ainsi
que l’Ipac a adressé un message au Congrès en mars 2010
réclamant l’imposition de « sanctions sévères contre l’Iran
» à cause de ses activités nucléaires.
De plus,
le courant pro-israélien aux Etats-Unis a exercé de fortes
pressions sur l’administration afin de la pousser à
abandonner l’idée du dialogue avec l’Iran et à adopter
d’autres choix plus sévères y compris l’imposition d’un
embargo maritime empêchant l’arrivée de l’essence à l’Iran.
Ce courant a également critiqué l’abstention de
l’administration américaine d’exploiter la crise politique
que connaît l’Iran à cause des élections présidentielles
pour faire pression sur le régime iranien et l’obliger à
répondre aux demandes de la communauté internationale. Pour
consolider son opinion, ce courant se base sur le fait que
l’Iran croit que l’invitation américaine au dialogue est une
preuve de la faiblesse de Washington. Ce qui la pousse à
prolonger son défi de la communauté internationale.
Bref, la
formulation de la résolution des nouvelles sanctions de
cette sorte signifie que Washington a réussi à créer une
unanimité internationale contre les ambitions nucléaires de
l’Iran. Pour réaliser ceci, il a adopté certaines mesures
tactiques.
Par
exemple, il ne s’est pas beaucoup attardé sur le communiqué
adopté par la conférence de New York pour la révision du
traité de non-prolifération des armes nucléaires tenue du 3
au 28 mai dernier.
En
effet, ce communiqué a invité Israël à signer le traité de
non-prolifération nucléaire et à soumettre ses institutions
nucléaires à l’inspection internationale. Il a également
appelé à la tenue d’une conférence internationale en 2012
pour rendre la région du Moyen-Orient exempte des armes
nucléaires. Ce, afin de préparer l’idée de la guerre contre
l’Iran et de former une unanimité internationale autour de
cette question. L’activité américaine intense en ce qui
concerne le règlement de la cause palestinienne n’est pas
loin de la préparation de la région à des évolutions
importantes.