Banque Centrale.
Son gouverneur, Farouq Al-Oqda, a décidé de vendre une
partie des réserves en euro en conséquence de sa dévaluation
face au dollar. Explications.
L’euro, monnaie indésirable
Acheter
de l’euro ou en vendre ? La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a
pris sa décision, et pour son gouverneur, vendre l’euro est
le choix gagnant. Farouq Al-Oqda l’a confirmé lors de ses
déclarations la semaine dernière : « La BCE a vendu une part
de ses réserves en euro ». La crise financière frappant les
pays de la zone européenne et les politiques d’austérité
appliquées par leurs gouvernements ont provoqué une chute
sans précédent de l’euro. L’euro équivaut maintenant à 1,18
dollar, et selon les perspectives de quelques analystes, il
pourrait être réduit à la parité au cours de 2011. Mieux
vaut donc s’en débarrasser aujourd’hui que demain. Mais la
décision de la BCE a soulevé une question : quand le dollar
a connu une baisse il y a quelques années, la BCE en a
acheté et a cumulé des réserves record. Alors, pourquoi ne
pas profiter des soldes sur l’euro ? Surtout que pour le
moment, les pays de l’Union Européenne (UE) font tout pour
sauver leur monnaie unique. « Les leaders européens
interviendront sans doute pour sauver l’euro », estime
Doha Abdel-Hamid, professeur d’économie financière à
l’Université américaine du Caire. Elle retient la leçon d’un
passé récent : « Ce même scénario a eu lieu en 2006. L’euro
avait atteint le même niveau actuel mais il a aussitôt
repris la hausse ». Pour elle, la BCE devrait alors saisir
cette chance et acheter des euros. « Cela apportera des
gains certains et, par conséquent, mènera à la relance de
l’économie égyptienne », affirme-t-elle, en soulignant que
la BCE n’a rien à craindre actuellement avec un montant des
réserves internationales en bonne santé. Le total des
réserves en devises étrangères auprès de la BCE a atteint
35,1 milliards de dollars au cours du mois de mai,
enregistrant ainsi une hausse de 1,29 % par rapport au mois
d’avril dernier. En même temps, il a enregistré, sur le
niveau annuel, une hausse de 12,5 % par rapport au mois de
mai 2009, selon les chiffres publiés sur le site de la BCE.
Cette hausse est interprétée par celle des ressources de
l’économie en devises étrangères, comme les revenus du Canal
du Suez, le tourisme et les transferts de fonds des
expatriés.
Panier
diversifié
Depuis
le début des années 2000, les réserves internationales ne
sont plus uniquement constituées de dollars, elles dépendent
d’un panier diversifié de devises. La BCE maintient sa
composition non déclarée, « mais l’euro ne représente pas la
grande partie de ses réserves », comme le clarifie
Abdel-Hamid. Et c’est ainsi que le fait de « jouer avec
l’euro ne représente pas un grand risque », argue-t-elle.
Les réserves de la BCE ont commencé une courbe descendante
en mai 2008, suite à la crise financière, mais ont repris à
la hausse un an après, pour atteindre son niveau record au
cours des douze derniers mois, en mai 2010. Cette
progression du volume des réserves et la hausse de son taux
de croissance d’un mois à l’autre poussent quelques
analystes à accepter le choix de la BCE de vendre une part
de ses réserves en euro. « La BCE devrait établir un
équilibre entre les gains et la sécurité de ses réserves. Et
c’est ainsi qu’après avoir assuré un bon niveau de réserves,
elle a décidé d’en vendre une part en euro. Mais la BCE ne
dévoile pas ses activités actuelles ou passées. Et peut-être
est-elle actuellement en train d’acheter des quantités
supplémentaires d’euros pour les vendre plus tard et
profiter de la baisse des prix », explique Riham Al-Dessouki,
analyste économique senior à la banque d’investissement
Beltone. Et d’ajouter : « Il ne faut pas toujours se
contenter d’investir les réserves dans des investissements
garantis. Pourquoi ne pas saisir des opportunités également
garanties pour réaliser des gains ? ». Selon les
déclarations du gouverneur de la BCE, la banque a pu
réaliser des gains au cours des mois de novembre et décembre
derniers, car elle a vendu l’euro à 1,5 dollar alors que sa
valeur actuelle est de 1,19 dollar l’euro. En fait, l’euro a
perdu, dès le début du mois de mai, 6,88 % de sa valeur
vis-à-vis de la L.E., suite à la crise des dettes dans les
pays du sud de l’Europe, surtout après que la Grèce eut
déclaré l’ampleur de son déficit, suivie par une autre liste
de pays européens.
L’Egypte
n’est pas la seule à réduire ses réserves en euro. Plusieurs
pays comme l’Iran, dont l’euro est la monnaie principale des
réserves internationales, ont entrepris la même étape en
déclarant leur intention de sacrifier 400 millions d’euros
de leurs réserves, comme l’a reporté le quotidien Al-Charq
Al-Awsat. « Ces orientations des différents pays ont joué un
grand rôle dans la détérioration accrue de l’euro »,
explique Mohamad Gaber, membre de la division des bureaux de
change auprès de l’Union des chambres commerciales.
Névine Kamel