Comores. Membre de
le Ligue arabe depuis 17 ans, le pays cherche tant bien que mal à se rapprocher
du monde arabe. Etat des lieux des relations à l’occasion d’une mission de la
Ligue.
Les liens se resserrent
La récente mission de la Ligue
arabe aux îles Comores a eu pour but initial de livrer une aide médicale ainsi
que de s’informer sur les besoins du pays en matière de santé. Mais en plus de
la signification humanitaire de l’aide décidée par le Conseil arabe ministériel
de la santé, cette mission a revêtu une portée politique importante. Cette
aide, dont la valeur ne dépasse pas les 50 millions de dollars, est un signe de
rapprochement entre les pays arabes du Moyen-Orient et le dernier pays ayant
adhéré à la Ligue arabe dont la majorité de la population ne connaît de l’arabe
que quelques mots.
Au cours des dernières années, les
relations arabo-comoriennes se sont de plus en plus approfondies. Après leur
indépendance en 1975, les îles Comores essayent de trouver leur place sur la
scène internationale. Les habitants étant des métis arabo-shirazi et Malgaches
sakalava aux origines africaines, tous musulmans, des politiciens qui ont été
formés dans les pays arabes commencent à se rapprocher des pays arabes. En
1993, les Comores adhèrent à la Ligue arabe. Depuis, plusieurs aides ont été
octroyées à ce pays.
Or, pour certains, la politique
n’est jamais si innocente et ils se demandent quel intérêt les Arabes pourront
avoir aux Comores. La réponse peut être expliquée par l’intérêt dont Israël a
fait preuve envers les Comores. En effet, à plusieurs reprises, l’Etat hébreu a
offert aux Comores (l’un des pays les plus pauvres de la planète) des aides et
à plusieurs reprises le gouvernement comorien a refusé.
Mais cette position n’est pas
évidente vu que la stabilité politique fait défaut. Il suffit de mentionner
qu’une vingtaine de coups d’Etat ont eu lieu aux Comores depuis l’indépendance.
« J’assure que tant que je suis là, on n’acceptera pas de telles aides d’Israël
mais on ne sait jamais ce qui peut arriver », fait savoir Ahmad Abdallah Sambi,
président de l’Union des Comores. « Ce n’est pas cela qui pousse à aider les
Comores. Certes, nous sommes fiers de cette position envers Israël mais on les
aide car il le faut, on ne peut pas laisser un pays arabe se noyer dans la
misère et l’humiliation », explique Zeid Al-Sabbane, président du département
des relations africaines au bureau du secrétaire général de la Ligue arabe. Il
assure aussi que les relations arabo-comoriennes datent des années 1970.
540 millions de dollars sur 5 ans
Depuis 10 ans, un fonds arabe pour
le soutien des Comores a été créé avec un capital de 10 millions de dollars et
récemment le capital a été élevé. « Le soutien arabe aux Comores concerne de
nombreux domaines, par exemple, le réseau d’électricité installé aux Comores
est le fruit d’une aide arabe », ajoute Zeid Al-Sabbane. L’on peut surtout
mentionner que l’aide la plus importante dont ont bénéficié les Comoriens a été
décidée il y a quelques mois lors de la conférence de Doha pour le développement
et l’investissement aux Comores organisée par le Qatar en coopération avec la
Ligue arabe, l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) et le Programme de
l’Onu pour le développement (Pnud). Des engagements de 540 millions de dollars
sur 5 ans ont été promis pour le développement des Comores, dont plus de 480
millions provenant de pays arabes. Un chiffre important lorsque l’on sait que
le budget du pays n’a pas atteint l’année dernière les 60 millions de dollars.
En outre, le rôle politique que joue la Ligue arabe aux Comores est aussi
important que son rôle économique. Une délégation permanente de la Ligue arabe
s’est installée dans l’archipel il y a trois ans afin d’aider à instaurer la
stabilité politique dans le pays. La Ligue arabe semble jouer un rôle
grandissant dans la politique du pays, en faisant partie de toutes les
négociations et tous les accords politiques qui ont lieu entre les différentes
parties parfois en conflit aux Comores.
Ce rapprochement politique a eu
ses répercussions sur la présence économique arabe dans les trois îles qui
forment l’Union des Comores. Actuellement, le Koweït est le plus important
investisseur étranger aux Comores, alors que les Emirats arabes unis sont le
principal exportateur. Mais ce rapprochement ne s’est pas encore traduit à
travers un rapprochement des relations bilatérales arabo-comoriennes. La Libye
est le seul pays arabe possédant une ambassade aux Comores mais cela va
probablement changer. Le président Sambi a révélé aux membres de la délégation
que trois pays arabes auront des représentations permanentes aux Comores au
cours de l’année.
Marwa Hussein
Ramtane Lamamra, commissaire à la paix et la sécurité de l’Union Africaine (UA), s’exprime sur la crise politique aux Comores et sur le rôle de l’UA.
« Il est important de préserver l’union nationale, surtout que les facteurs de désunion ne manquent pas »
Al-Ahram Hebdo : Quel rôle peut jouer l’Union Africaine (UA) pour aider à résoudre le conflit actuel entre les différentes parties comoriennes concernant la date des prochaines élections ?
Ramtane Lamamra : La communauté internationale dans son ensemble essaye d’aider ce pays frère à surpasser ses différents et à approfondir son expérience démocratique. Notre volonté est de regrouper tout le monde dans la même salle comme cela s’est déjà passé au cours des dernières semaines et de bénéficier de l’acceptation des différentes parties pour présenter un nombre d’idées pratiques afin de faciliter les négociations. La communauté internationale doit être plus engagée à conduire le procès de négociations, ainsi qu’à trouver des solutions moyennes après avoir écouté toutes les parties concernées. On va œuvrer à présenter ces idées dans un document qui sera présenté aux différentes parties comoriennes. On espère que cela aura lieu très prochainement.
— Mais ce n’est pas votre première mission aux Comores, quel était le résultat des précédentes visites ?
— J’ai effectué une mission en avril dernier dans le cadre de la diplomatie préventive, car on avait senti que la situation pourrait se compliquer avec l’approche de la fin du mandat de son excellence le président Sambi. On a visité l’île de Mohelie et on a ouvert un discours avec les opposants. Aussi, un dialogue entre les gouverneurs des différentes îles a été lancé. Bien qu’il n’ait pas abouti, il avait pour résultat que toutes les parties ont été d’accord sur le principe d’harmonisation, ce qui n’était pas acceptable auparavant. Il nous reste d’arriver à un accord sur la date électorale et de faire participer les îles dans ce processus à travers la participation d’au moins un représentant de chaque île dans le gouvernement intérimaire.
— Quels sont les principaux différends entre le gouvernement et l’opposition ?
— En fait, la récente réforme constitutionnelle est appuyée par une majorité, mais il y a une minorité qui n’a pas favorisé la façon dont cette réforme a été faite, surtout en ce qui concerne l’harmonisation électorale sur le niveau des les îles et l’Union. Ces différends peuvent être des indicateurs sur l’existence de différends plus larges et plus profonds. C’est pour cela qu’on tient à rapprocher les vues. Il y a un refus absolu de la part de l’île de Mohelie sur la prolongation du mandat de Sambi. Ensuite, l’opposition dans les autres îles s’est adhérée au point de vue de Mohelie et même sur le point central, un refus naquit contre le principe de prolongation. Mais le président bénéficie d’une majorité parlementaire et la Constitution a été réformée. Les choses sont sensibles dans ce pays car il est important de préserver l’union nationale surtout que les facteurs ne manquent pas.
— Quelles sont les justifications que le président Sambi a présentées à l’UA pour prolonger le mandat présidentiel ?
— Je ne veux pas exposer toutes les justifications. Ce que je peux dire, c’est que tous les points de vue sont justifiables et qu’il faut arriver à une solution médiane, qu’il faut convaincre les différentes parties que celui qui perd quelques mois de présidence est quand même gagnant en fin de compte, car il contribuera à consolider la stabilité politique du pays.
Propos recueillis par Marwa Hussein