Nil.
L’Egypte a
rejeté vendredi
un nouvel
accord signé
entre
quatre pays d’Afrique de
l’Est sur
le partage des
eaux du
fleuve,
alors que des
voix
s’élèvent pour appeler le
gouvernement
à plus
d’engagement dans son
environnement
africain.
Négociations
au goutte à
goutte
«
L’Egypte
n’adhérera et ne
signera
aucun accord qui affectera
sa part »
dans l’utilisation des
eaux du
Nil, a déclaré
dans un communiqué le
porte-parole
du
ministère des Affaires
étrangères, Hossam
Zaki, en
réaction à
l’accord
paraphé vendredi par
quatre pays
riverains et qui remet en
question son quota des eaux
du fleuve.
Le ministre des
Ressources
hydrauliques, Mohamad
Allam qui, pendant des
mois, a
relayé ce
genre de messages fermes et
inconditionnels et a
attendu
jusqu’à samedi pour
parler de «
négociations et de coopérations
». Tout en assurant
que
l’Egypte prendra « les
mesures
légales et diplomatiques
nécessaires pour
défendre
ses droits ». Le
ministre a
révélé une
réunion — encore
hypothétique —
à
Alexandrie des pays du
Bassin du
Nil pour discuter des points
litigieux et
aboutir à
un nouvel accord susceptible
d’assurer « le
développement et la
paix
sociale » de tous les
pays concernés.
Réunis
vendredi à
Entebbe, les représentants de
l’Ethiopie, de
l’Ouganda,
du Rwanda et de la Tanzanie
ont signé
cet accord en
négociation
depuis une
dizaine
d’années entre les
neuf pays
riverains du
fleuve pour un
partage
qu’ils jugent « plus
équitable » de
ses eaux.
L’Egypte et
le Soudan,
intransigeants sur
leurs
droits historiques
sur le Nil,
avaient clairement
exprimé
depuis plusieurs
mois leur
hostilité à
ce projet
de nouvel accord-cadre.
Le
traité
actuel de partage des
eaux,
élaboré en 1929 par le
colonisateur britannique,
puis amendé
30 ans plus
tard, attribue 55,5
milliards de m3 à
l’Egypte et 18,5 milliards au
Soudan,
soit au total 87 % du
débit du
fleuve. Il
octroie en
outre au Caire un
droit de veto
sur tous
les travaux
susceptibles d’affecter
le débit du
fleuve, qui
fournit à
l’Egypte 90 % de
ses besoins
en eau.
L’Ethiopie,
la Tanzanie,
l’Ouganda, le Kenya
et la RDC
contestent cette
répartition. Les
négociations
menées
depuis dix
ans se sont
soldées mi-avril
à Charm Al-Cheikh
par un constat de
désaccord
entre l’Egypte et le
Soudan
d’une part et sept
autres pays de
l’amont,
porteurs du
projet
d’Entebbe.
Le
Caire et
Khartoum craignent
que leur
approvisionnement en eau
ne soit
drastiquement
réduit avec
ce nouvel accord-cadre,
qui prévoit de
nombreux
projets d’irrigations et
de barrages hydroélectriques
dans les pays en
amont.
Le
nouveau texte
ne
mentionne aucun
chiffre,
ni en volume
ni en m3,
sur le futur
partage des
eaux, mais
il « annule
» les traités de 1929 et 1959.
Il autorise
les pays du
bassin à
utiliser
toute l’eau
qu’ils
jugent nécessaire,
dans la
mesure où
ils ne
portent pas préjudice aux
autres pays de
l’aval.
Une
commission du
Bassin du
Nil, qui
serait basée
à Addis-Abeba,
devrait se charger de
recevoir et
approuver tous les
projets (irrigation, barrages
...) concernant le
fleuve. Elle
devra
compter des représentants
des neuf pays
concernés.
Hani
Raslane,
chercheur au Centre d’Etudes
Politiques
et Stratégiques (CEPS)
d’Al-Ahram,
dénombre trois points
contentieux
dans l’accord-cadre
signé
vendredi. « Le texte
n’a
souligné explicitement
ni le respect
du quota de
l’Egypte ni son
droit de veto
sur les
travaux susceptibles
d’affecter le
débit du
fleuve. De plus, son adoption a
eu lieu sans
l’unanimité
pourtant requise des pays
concernés »,
affirme-t-il.
Concernant
l’impact de
cette évolution,
Raslane
pense qu’il
ne sera pas
ressenti dans
l’immédiat
étant donné
que les pays
signataires
n’ont ni
intérêt à
provoquer un
excès d’eau
derrière des barrages, ni les
moyens financiers
ou
l’expertise nécessaire
pour ériger des
travaux de
taille. « Cela
dit, le danger se profile
à l’horizon,
surtout que
ces pays
ont officiellement
exprimé
leur intention de s’engager
dans des
projets sans tenir
compte du
quota de l’Egypte »,
estime le
chercheur.
Pourtant,
selon le
ministre des Affaires
parlementaires et
juridiques,
Moufid Chéhab,
l’accord
d’Entebbe ne sera tout
simplement pas appliqué, Le
Caire et Khartoum
n’étant pas
signataires.
Outre
son droit « incontestable »,
l’Egypte
compte sur la position de
la collaboration des bailleurs
de fonds pour
bloquer le
financement nécessaire
pour les travaux
susceptibles
d’empiéter
sur son quota. En effet,
la Banque
mondiale et les
donateurs
occidentaux ont
toujours
exprimé leur
rejet de financer de
tels
projets sans l’aval de
l’Egypte.
Et
dans le
tumulte des déclarations
officielles
condamnant l’accord
d’Entebbe, des
voix
s’élèvent appelant
à une
réévaluation des
priorités de la
diplomatie
égyptienne qui a depuis
longtemps «
tourné le dos » au continent
africain.
Amin
Al-Mahdi, expert en
droit international et
ancien juge
au Tribunal Pénal International
(TPI), critique le ton défiant
des officiels qui se
contentent
d’invoquer les « droits
historiques » de
l’Egypte
sur le Nil. « Ceux qui
sont
confiants en la légitimité
de leur position
n’ont pas
besoin de hausser le ton
en multipliant les
non, les
impossibles et les jamais
», dit-il. Sans
remettre en question
lesdits
droits de l’Egypte,
il
estime que
« se contenter des
revendications
ne servira
pas beaucoup la cause ».
La
solution ? Le
magistrat
écarte — du
moins pour le moment —
l’option de
l’arbitrage international dans
la mesure
où celle-ci
nécessite
l’acceptation de toutes
les parties impliquées.
Selon lui,
« la dimension politique
du dossier
exige la recherche d’un
compromis
fixant les droits et les
obligations des divers pays »,
affirme-t-il. Il estime
que l’Union
africaine
serait un cadre idéal
pour de telles
négociations et
appelle le
gouvernement à
solliciter la
médiation de
personnalités de
poids,
connues dans les
cercles
africains, notamment
l’ancien
secrétaire général de
l’Onu Boutros Boutros-Ghali.
Pour le
chercheur
Raslane, la solution se trouve
dans le cadre de la
coopération. « Les pays en
amont
aiment parler
du débit
du fleuve
sans tenir
compte des eaux
perdues par
évaporation et par infiltration
dans les milieux
équatoriaux.
Celles-ci
tenues en
compte, les quotas de l’Egypte
et du
Soudan ne
sont, en fait, pas
à hauteur de 87 %,
mais de 5 % »,
explique-t-il.
Ce qu’il
faut donc
c’est
s’engager avec ces pays
dans des
projets de développement
pour minimiser les
pertes et
assurer une
meilleure exploitation de
cette
ressource. Les
déclarations
officielles les plus
récentes
indiquent que
l’Egypte
irait dans
cette direction.
Chérif
Albert