Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Footballeuses version saïdi
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 31 mars au 6 avril 2010, numéro 812

 

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Nulle part ailleurs

Femmes. Les filles de Louqsor viennent de créer une équipe de foot, défiant ainsi tous les tabous d’une société conservatrice. Elles ont leur propre style et malgré leurs moyens modestes, leurs rêves sont sans limites.

Footballeuses version saïdi

« J’ai choisi le football pour prouver à moi-même et aux garçons prétentieux qui veulent nous dominer qu’il n’y a pas de différence entre garçons et filles et que ces dernières peuvent tout faire, même pratiquer ce sport dit masculin », lance avec détermination Marwa, gardienne de but de l’équipe féminine de football à Louqsor en Haute-Egypte. Cette équipe, composée de jeunes filles dont l’âge ne dépasse pas les 16 ans, est la benjamine des formations de foot féminin en Egypte. Depuis la fondation de la Fédération de foot féminin en 1996, plusieurs équipes sont nées dans différents gouvernerats. Mais lorsqu’on mentionne le Sud (Al-Saïd), une région où les coutumes et traditions sont bien ancrées et résistent à tous les changements, les choses paraissent différentes. Là, à comparer avec d’autres régions du pays, les femmes doivent lutter durement pour acquérir le minimum de leurs droits ou même de leur épanouissement. Et une équipe de foot au féminin n’est pas une chose qui passe inaperçue. Et donc, les réactions sont tout à fait imprévisibles. Dès le premier regard, on remarque que ces jeunes filles sont singulières. Elles portent toutes des survêtements, pantalons très larges avec vestes à manches longues, en plus du voile qui cache leurs cheveux et une partie de leurs visages. Des joueuses version Haute-Egypte … Cependant, il ne faut pas beaucoup de temps pour constater que ces filles veulent prouver que le voile n’est pas une entrave au progrès, qu’elles sont à la hauteur de la responsabilité et qu’elles peuvent égaler les hommes. Et c’est ce qu’elles démontrent à travers leur équipe, fondée il y a à peine quelques mois.

Abou-Treika, Mohamad Zidane, Essam Al-Hadari, tous les noms des joueurs de l’équipe nationale du foot se répètent tout le temps dans le stade du club Al-Madina al-monawara à Louqsor. Des sobriquets que les joueuses ont choisis, chacune selon sa position. « Elles sont très fières lorsqu’on les appelle ainsi, surtout en constatant que le foot et ses joueurs sont de plus en plus idolâtrés », dit Ali Ossmane, homme d’affaires, père d’une joueuse et actuellement responsable de la formation technique de l’équipe.

Un entraînement avec l’esprit volontaire

Dans le stade, ou plutôt un jardin avec deux cages à chaque extrémité, les filles entament la séance d’entraînement qui paraît bien épuisante mais qui illustre leur détermination. Les entraîneurs hommes ne sont pas encore fixes, un des parents qui possède du talent, un professeur de gym qui travaille avec elles un peu, puis les quitte pour être remplacé par un autre, mais c’est surtout Emtessal qui les encadre régulièrement et ne les laisse jamais tomber. Vêtue d’une djellaba, elle encourage les filles à accomplir leurs exercices d’échauffement, fait un tour de piste avec elles mais péniblement à cause de son âge et de son poids, puis elle revêt son survêtement pour entraîner les joueuses sur le terrain. C’est elle qui transmet les instructions données par les entraîneurs hommes qui parfois ne s’adressent pas directement aux joueuses car elles sont timides. Dribbler comme les professionnels, empêcher le ballon d’entrer dans la cage, faire passer le ballon d’une joueuse à l’autre. Le stade est bien animé. Les filles voilées et en survêtements, chacune à son poste, s’entraînent sérieusement. Lorsque l’une d’elles a trop chaud, elle retire sa veste mais reste en tee-shirt à manches longues. « Nous sommes habituées à porter tous ces vêtements, même lorsque la chaleur est torride », dit Imane, ailier droit et surnommée Zidane. En fait, lorsque ces filles se sont lancées dans ce sport, elles n’ont jamais songé à porter un short ou à retirer leur voile. « J’ignore la loi de la FIFA à propos de l’accoutrement, mais on a l’intention de s’imposer, de prouver nos compétences en matière de football. L’accoutrement, c’est secondaire », dit Soha, butteuse surnommée Ahmad Chawqi.

Sous le contrôle de la famille

L’entraînement dure trois heures, interrompu parfois par quelques plaisanteries, ou sonneries de téléphones portables. Des parents qui veulent savoir ce que font leurs filles assistant à l’entraînement. En effet, l’une de leurs conditions pour accepter que leurs filles rejoignent cette équipe était de pouvoir les suivre à n’importe quel moment. Des appels téléphoniques en permanence aux filles et aux entraîneurs, ainsi que des visites surprises sont des faits ordinaires à chaque entraînement qui a lieu trois fois par semaine.

Selon Hoda Khalil, responsable de l’équipe et qui sert de coordinatrice entre les responsables du gouvernorat et l’équipe, ce groupe est l’un des résultats du plan de développement que le gouverneur a prévu lorsque cette ville a été baptisée gouvernorat. « Ce responsable voulait que le projet de développement touche non seulement les infrastructures mais aussi les gens. Je n’ai donc pas hésité à lui proposer de créer une équipe de foot féminin, une idée qui trottait dans ma tête depuis longtemps », dit Hoda, très convaincue que c’est le meilleur moyen de montrer l’évolution que vit la Haute-Egypte et notamment en ce qui concerne les conditions de la femme. Et si Hoda a eu cette idée de projet et l’a transformée en réalité, derrière ce projet se cachaient une passion et un rêve d’enfance. Emtessal, professeur de sport dans une école de filles, est une fan de football.

Emtessal la militante

« Je n’osais même pas avouer cette passion que j’avais pour le foot. On vit dans une société conservatrice qui permet seulement aux hommes de jouer ou suivre les match de foot », dit Emtessal.

20 ans après la première Coupe du monde de foot féminin, organisée par le FIFA, et 15 ans après la fondation de la Fédération égyptienne de foot féminin, Emtessal a pu enfin réaliser son rêve. Elle joue non seulement au foot, mais entraîne aussi cette équipe. En fait, elle représente sa cheville ouvrière. Elle leur fait faire des exercices d’assouplissement, les entraîne au jeu, mais aussi, et c’est le plus important, elle arrive à convaincre les parents à envoyer leurs filles au club. « Tant que abla Emtessal les encadre, on est tranquille », répètent les parents qui se sont tous mis d’accord pour faire confiance à ce professeur de gym qui connaît toutes les filles et leurs parents. « On la respecte énormément et on ne peut que lui faire confiance. Avec elle on est rassuré », dit un père. Ce dernier, comme la plupart des parents, a été scandalisé lorsque la direction de l’école a annoncé la création d’une équipe de foot féminin. Pourtant, les jeunes filles se sont lancées pour s’inscrire, voulant s’essayer dans un domaine qui leur est interdit d’accès. Selon le gardien de but Marwa, surnommée Essam Al-Hadari, si les filles sont devenues avocates et médecins comme les garçons, alors elles peuvent aussi jouer au foot et elles doivent prouver qu’elles en sont capables. Estival affirme que les filles de Louqsor ont toujours pratiqué d’autres sports comme le karaté et le kung-fu pour se défendre en cas de danger. Mais il a fallu un peu plus de temps pour convaincre leurs parents pour le foot. Après des négociations avec la direction, et surtout avec Emtessal, ils ont accepté de donner l’occasion à leurs filles de jouer ce sport à condition de les retirer si quelque chose ne leur plaît pas.

De jour en jour, les parents constatent les progrès réalisés par cette équipe et dont les habitants en parlent fièrement. Le niveau de popularité de ce jeu en Egypte atteint le sommet de sa gloire, ce qui a facilité l’annonce de la fondation d’une équipe de foot féminin. Cela a dû sûrement avoir une influence sur la décision des parents.

« On est conservateurs comme la majorité des Egyptiens, surtout les habitants de la Haute-Egypte, mais on n’est pas complètement fermés, car notre ville est singulière. On est en contact direct et permanent avec les touristes », dit Abdel-Rahmane, père d’une joueuse, qui refuse d’être taxé de conservateur parce qu’il a beaucoup hésité avant d’accepter que sa fille fasse partie de cette équipe.

En effet, ce sport n’est pas bien accueilli par tout le monde. Et cela se voit clairement, lorsque loin des parents, des jeunes, très curieux, viennent découvrir ce que font ces filles sur le terrain et lancent à voix basse des moqueries du genre : il faut peindre le stade en rose ou remplacer le ballon en cuir par un ballon plus coloré. Sans compter les fatwas qui se sont opposées à l’idée sous prétexte que les spectateurs vont remplir le stade pour admirer les filles et non pas le jeu. Une réflexion prévisible surtout qu’après toutes ces années, le foot féminin n’a pas eu cette popularité même dans les grandes villes, comme Le Caire et Alexandrie.

« On a l’intention de briser un autre tabou dans notre société et réaliser de bons résultats », s’expriment les joueuses de la Haute-Egypte qui meurent d’envie de jouer face à de grandes équipes, telles que Barcelone et Manchester United.

Malgré les conditions modestes, le manque d’entraîneurs et le maigre budget, ces adolescentes ne possèdent pour réaliser leur rêve que leur enthousiasme et leur détermination.

Hanaa Al-Mékkawi

 




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