Le Qatar au pays des Helvètes
Ahmed Bensaada
Ça
y est, c’est fait ! Le Qatar organisera le Mondial de
football en 2022. La joie et l’allégresse ont submergé
l’émirat, les rutilantes mais non moins bruyantes voitures
ont envahi la corniche de Doha et la télévision qatari passe
en boucle les mémorables moments de l’émir du Qatar et de
son épouse soulevant le trophée de la Coupe du monde, lors
de la cérémonie à Zurich, au pays des Helvètes. Tout un
peuple est aux anges, le bonheur à son paroxysme …
Mais c’était sans compter la vague de réactions virulentes
émanant de certains pays occidentaux qui ont réagi d’une
manière si épidermique que leur bonne foi en devenait
suspecte.
Commençons par M. Obama qui,
dans sa stature de président et sa carrure de prix Nobel de
paix, a fait une déclaration témoignant
d’une si faible envergure. « Je pense que c’était une
mauvaise décision », a-t-il commenté. Il est vrai qu’il
n’avait pas encore digéré le fait que son pays n’a pas
obtenu l’organisation des Jeux olympiques de 2016, mais ne
pas être fair-play de la sorte quand on est aussi auréolé
relève d’un évident complexe de supériorité dont il est
difficile de se défaire, surtout lorsqu’on est à la tête du
pays le plus puissant de la Terre. Il faut quand même se
rendre à l’évidence : M. Obama
est probablement un bon orateur, mais comme défenseur des
dossiers sportifs, il fait piètre figure. Et ce n’est
certainement pas le Qatar qui en est la cause.
Ensuite, il y a eu les journaux européens qui ont manié le
verbe comme on manie la faux. On peut en effet lire, dans
l’éditorial du journal suisse Le Temps du 3 décembre que «
le sport planétaire se moque de la planète » et que le Qatar
est un Etat « minuscule » qui « ne possède aucune culture ou
tradition footballistique ». Et d’ajouter que le Qatar « va
dépenser des milliards, afin de construire douze monuments
d’aberration fermés et climatisés, en raison de la
température (50°C) qui règne en juin-juillet ».
A-t-on déjà oublié les chaleurs étouffantes des étés 1982,
1986 et 1994 pendant lesquels se sont
déroulées les Coupes du monde d’Espagne, du Mexique et des
USA ? Personne n’en a soufflé mot à l’époque, alors
qu’actuellement, le Qatar non seulement pose le problème,
mais propose aussi d’y remédier.
L’éditorialiste suisse a aussi prédit un impact
environnemental conséquent à cause de la climatisation. Ce
journaliste doit probablement ignorer, qu’à elles seules,
les vaches vivant sur le sol helvète rejettent annuellement,
par le biais de leurs émissions gazeuses, une quantité
environ trois fois plus grande d’équivalent le CO2 que celle
d’un pays comme le Mali !
La presse néerlandaise a renchéri sur le même thème alors
qu’on sait que les Pays-Bas, à eux seuls, émettent beaucoup
plus de CO2 que la totalité des pays du Sahel, de
l’Atlantique à la mer Rouge. Les Bataves et les Helvètes
devraient sérieusement penser à modifier leurs comportements
de surconsommateurs, cela serait
plus salutaire pour l’environnement que la climatisation de
12 stades lors de la soixantaine de matchs du Mondial.
Quant à la critique concernant la « culture footballistique
», elle dénote de la méconnaissance occidentale du monde
arabe et de sa passion pour le football. Il est quand même
étonnant d’entendre les Etasuniens prétendre avoir une
culture footballistique, eux, pour qui le « soccer » n’est
qu’un sport de seconde zone.
Les attaques contre le Qatar ont franchi le cap des
critiques plus ou moins « acceptables » avec des
déclarations telles que celles de l’Œuvre Suisse d’Entraide
Ouvrière (OSEO), qui s’est dite « indignée et scandalisée »
par le choix du Qatar, en soulignant la discrimination
envers les femmes qui ne bénéficient d’« aucune protection
contre la violence domestique » dans ce pays.
Nous revoilà donc à l’essence même de cette animosité. Après
l’interdiction des minarets dans la Confédération helvétique
et la féroce campagne islamophobe approuvée par une majorité
de Suisses, il fallait s’attendre à cette vision biaisée des
choses.
De l’avis de ces « bien-pensants », certains pays n’ont pas
le droit d’organiser de manifestations sportives mondiales
pour des motifs aussi bizarres que la superficie de leur
territoire, la température qu’il y fait, ou la vision qu’ont
d’eux les Occidentaux.
Cette condescendance occidentale a été clairement signifiée
par le président de la FIFA, Sepp
Blatter, qui a attribué ces réactions à « l’arrogance
de l’Occident et ses racines chrétiennes ».
Ces attaques virulentes ne sont pas sans rappeler ce
qu’avait subi la Chine avant l’organisation des Jeux
olympiques de la part de ces mêmes pays occidentaux.
L’histoire nous a montré que cet événement sportif
planétaire avait ébahi le monde. Il n’y a aucun doute que le
Mondial 2022 suivra cet exemple
et restera dans les annales de la FIFA comme la plus belle
compétition jamais organisée. Quant à nous, amoureux du
ballon rond, nous sommes fiers du Qatar et nous le
félicitons pour cet exploit.