Découverte.
Une mission égyptienne a mis au jour la semaine dernière les
vestiges d’un temple dédié à la déesse-chatte Bastet à Kom
Al-Dekka à Alexandrie. Trouvaille qui indique la continuité
du culte égyptien sous le règne des Ptolémaïques.
Bastet s’étire sur la Méditerranée
«
L’ancienne Alexandrie est couverte par la ville moderne».
Une fameuse citation répétée depuis toujours par les
archéologues et notamment les Alexandrins d’entre eux. Mais
elle est récemment affirmée grâce à la découverte des
vestiges d’un temple ptolémaïque dédiés à la déesse
pharaonique Bastet par une mission du Conseil Suprême des
Antiquités (CSA) dirigée par Mohamad Abdel-Maqsoud,
directeur général des monuments de la Basse-Egypte. Bâti par
Ptolémée III (246–222 av. J.-C.) et son épouse
Bérénice II, ce temple est découvert à Kom Al-Dekka, « dont
les dimensions dévoilées jusqu’à l’instant sont 60 x 15
mètres tandis que le reste s’étale sous la rue Ismaïl Fahmi
», explique Zahi Hawas, secrétaire général du CSA. Cette rue
est considérée comme l’une des plus importantes du centre-ville
d’Alexandrie voire l’unique qui dirige vers la gare pour
ceux qui viennent de la place Victoria et la route Al-Horreya
(la liberté). C’est-à-dire que c’est une rue très fréquentée.
C’est pourquoi a priori « les archéologues craignent
certaines difficultés pour accomplir leur travail », affirme
Adly Rouchdi, directeur général de l’enregistrement
archéologique à l’ouest du Delta. Par ailleurs, cette
découverte représente une valeur inédite pour les
archéologues. C’est la première fois qu’à Alexandrie, fondée
par Alexandre le Grand, soit découvert un temple dédié à la
déesse pharaonique Bastet, déesse de la joie symbolisée par
la chatte et dont le principal temple se dresse
majestueusement à Tell Basta dans le Delta. Cette trouvaille
indique en fait la continuité et la persistance de son culte
jusqu’à l’époque ptolémaïque.
Autre
aspect vraiment pharaonique, plus de 600 statues de
différentes tailles, formes et matières et dont la plupart
représentent la déesse Bastet. Un nombre considérable aux
yeux des archéologues. En plus, la mission a dégagé des
sculptures d’enfants et femmes en calcaire ainsi que des
divinités pharaoniques en argile, bronze, faïence et
terracotta. De ce trésor surgit une statue de l’enfant Horus
nommé à l’époque gréco-romaine Harpocrate. « Ces
représentations sont trouvées en principe en trois groupes
dont chacun était préservé dans l’un des coins du temple »,
commente Mohamad Abdel-Maqsoud. Ces groupes de statues sont
les arrhes de fondation qui avaient remplacé la stèle de
fondation et sur lesquelles sont inscrits le nom de
l’édificateur ainsi que la date de la construction pour les
éterniser.
Bienfaiteur et conquérant
D’après
Rouchdi, les arrhes de fondation sont connues dans les
temples ptolémaïques. Chacun doit comprendre 10 actes de
fondation posés aux différents coins de matières variées.
Citons à titre d’exemple l’or, l’argent, le bronze, le verre,
la pierre, la faïence, l’argile et bien d’autres. Ainsi ces
statues sont, elles, inscrites au nom de la reine Bérénice
II, femme de Ptolémée III. D’ailleurs, il paraît que cette
découverte est longtemps attendue. Selon Rouchdi, le
bâtisseur du temple Ptolémée III était surnommé le
bienfaiteur grâce à « son adoption du culte pharaonique et
son amour d’édifier les temples dédiés aux divinités
égyptiennes qu’il adorait ». Il avait bâti alors le temple
de Sérapis dédié à la divinité Apis. Aussi, il avait
construit un temple dédié à Isis et Osiris. Donc le temple
de la déesse Bastet fait partie de toute une série de
temples dédiés aux divinités pharaoniques, dont l’adoration
continue jusqu’à Ptolémée III ou bien elle est renée grâce
au roi bienfaiteur.
L’importance de la découverte ne s’arrête pas jusque-là. Les
membres de la mission ont dévoilé un piédestal de granit du
règne de Ptolémée IV et marqué de neuf lignes en grec. Ce
texte reflète que ce piédestal portait une statue d’une
personne qui occupait une haute position au tribunal
d’Alexandrie. D’ailleurs, l’inscription décrit la victoire
de l’Egypte dans sa guerre sur l’empire séleucide, qui s’est
déroulée à Rafah le 22 juin en 217 avant notre ère. Les
Séleucides gouvernaient l’ancienne Grande Syrie, après
Séleucide, un des chefs de la troupe d’Alexandre le Grand.
Mais ils rêvaient de conquérir l’Egypte qu’avait saisie son
collègue Ptolémée Ier. Alors, de leur part, ses héritiers
les Ptolémées, voulant protéger leurs frontières, ils ont pu
étaler leur empire jusqu’à l’Euphrate sous le règne de
Ptolémée III. Pourtant les guerres n’étaient pas arrêtées
entre les deux côtés. Ainsi le texte trouvé éternise-t-il la
victoire de l’une de cette série de guerres.
En outre,
le temple comprend de même certains éléments architecturaux
à l’instar d’une citerne d’eau datée de l’époque romaine,
précisément au IIIe siècle de notre ère. Le temple était
alors animé au moins six siècles avant d’être abandonné.
D’ailleurs, y ont été dégagés un groupe de puits de 14
mètres de profondeur, des dépôts, des installations de
réseaux d’eau, des vestiges de bains et ce sans oublier des
pièces d’argile importées d’Egée et de Rhodes qui reflètent
les échanges commerciaux installés entre l’Egypte et les
autres pays méditerranéens.
Qu’importe, les opérations de fouilles sont encore
préliminaires. Il reste beaucoup à dévoiler afin d’assurer
que ce temple indique l’emplacement de l’ancien quartier
royal.
Doaa
Elhami