Ecrivaine, juriste et ancienne première dame d’Algérie, Anissa Boumédienne a
appris à vivre auprès de son conjoint, mort il y a plus de 30 ans. Elle a été
témoin de plusieurs incidents politiques.
Témoin d’un passé glorieux
C’est en étudiant les archives de
la Révolution algérienne qu’elle découvre d’autres aspects de la personnalité
de son mari décédé il y a plus de 30 ans. Ecrivaine, juriste et ancienne
première dame d’Alégrie, Anissa Boumédienne ne manque pas souvent de jeter un
pavé dans la mare, en revenant sur l’Histoire pour la relire différemment. Il y
a deux ans environ, elle a accusé Chadli Benjedid et d’autres responsables
d’avoir décidé de débrancher les appareils de réanimation, lorsque Boumédienne
se trouvait dans le coma. Elle a enfoncé le clou, affirmant dans la presse : «
J’assiste à des diatribes de part et d’autre de certaines personnalités ». Et
d’ajouter également : « Je ne peux pas savoir si mon mari a été assassiné. Dieu
seul le sait. Il y avait beaucoup d’intérêts dans le monde, et sa maladie était
subite ».
Maintenant, ayant atteint un âge
mûr, elle avoue que si elle n’avait été la veuve de Boumédienne, elle aurait
sacrifié de bon gré sa vie pour ce leader hors pair. Issue d’une famille de
dignitaires, elle a appris la modestie des grands et l’ascétisme auprès de
Houari Boumédienne. En fait, elle n’arrête pas d’énumérer les qualités de cet
homme qu’elle a vivement aimé. « C’était quelqu’un de très simple, de très
cultivé, qui détestait la vantardise ». Pourtant, c’était le père légitime de
l’armée quand Alger était La Mecque des révolutionnaires. Il n’a jamais manqué
à soutenir, « sans réserves », l’autodétermination des peuples en lutte pour le
recouvrement de leur liberté. Sa veuve en est tout à fait consciente et fière.
En tant qu’historienne, ce qu’elle découvre avec le temps ne fait qu’agrandir
son amour pour l’ancien chef d’Etat. Sans lui, elle n’allait pas être dans les
coulisses d’une époque politique ayant comme héros Ben Bella, Bourguiba,
Partout, là où elle va dans le
monde, les journalistes l’interpellent, lui posant les mêmes questions : Est-ce
vrai que Boumédienne s’est tourné contre Ben Bella ? Pourquoi n’a-t-il pas, dès
le début, tenu les rênes du pouvoir ? Est-il le vrai héros de la Révolution
algérienne ? Et c’est à la veuve du président défunt Boumédienne de répondre à
ce qu’elle veut, ignorant les spéculations ou les soupçons du sensationnel. Sur
un ton posé, elle se contente de dire : « Le jour où il a signé les accords
d’Evian, il répétait que le vrai jour de l’indépendance est celui où le pays
aura son indépendance économique ». Et d’ajouter : « Avant de conclure un
accord avec
Avec elle, les histoires ne
finissent jamais, évoquant un patriotisme qui va souvent beaucoup loin que les
chansons emphatiques, truffées de nationalisme, et les drapeaux. Du coup, les
derniers événements dressant Egyptiens et Algériens, les uns contre les autres,
l’ont vivement étonnée. « Je me suis rendue trois fois en Egypte. La dernière
visite était en 2003, afin de recevoir le prix de l’Association des écrivains
asiatiques et africains. Et mon mari, qui est diplômé d’Al-Azhar, connaissait
très bien le pays, appréciait beaucoup son peuple et son armée. D’ailleurs, il
a souvent dit que les soldats égyptiens sont les meilleurs de la terre ». Et
d’ajouter : « Le 5 juin 1967 était un jour de deuil pour le président
Boumédienne ; la défaite a porté atteinte à l’honneur de toute la nation arabe.
Et les dernières retouches de la guerre de 1973 ont été parachevées dans notre
villa d’Alger, lors d’une rencontre ayant regroupé secrètement Assad, Sadate,
Kadhafi et Boumédienne ». C’était durant le Ramadan de l’année 1973,
Boumédienne s’est tout de suite rendu (selon son épouse) à Moscou pour voir
Brejnev, alors furieux contre Sadate qui a renvoyé les experts russes.
L’ancienne première dame nous met dans la confidence, rappelant la réplique de
son mari, plaidant la cause de l’Egypte. Il avait lancé à Brejnev : « Vous
prétendez souvent être les amis des Arabes, mais quand on demande votre aide,
vous nous la refusez ». Ce genre de reproches n’a pas manqué de faire de
l’effet sur Brejnev lequel a fini par accepter d’envoyer les armes requises par
Sadate, à condition de payer cash 200 millions de dollars. Chose que
Boumédienne a exécutée d’office. En outre, ce dernier a fourni du pétrole à
l’Egypte et à la Syrie et a envoyé des soldats algériens au Canal de Suez. « On
en a même parlé dans la presse française, notamment de Abderrazeq Bouhara, qui
a fait preuve de courage et a été blessé sur le front ».
Madame Boumédienne nous plonge
dans les coulisses d’un monde révolu. Elle ne manque pas d’ailleurs de faire un
parallélisme Egypte-Algérie, disant : « Boumédienne n’a pas voulu refaire le
même scénario de
Tous ces événements, dont elle a
été témoin, ne signifient guère qu’Anissa Boumédienne vit dans le passé. Des
années se sont écoulées depuis la mort de son mari et président, et la première
dame s’est imposée en tant qu’une intellectuelle qui touche à tout. Tantôt l’on
retrouve son nom parmi les conviées des dîners et rencontres de la résistance
iranienne. Tantôt elle présente un exposé académique pour démontrer, à travers
une analyse lexicale du Coran, que l’islam est une religion de paix, d’amour et
de tolérance. Ce, aux antipodes de l’image qui en est donnée par les
intégristes de tout poil. Une conférence par-ci, une soirée de dédicace par-là,
elle écrit en français sur une histoire dont elle a fait partie.
Khaled Saad Zaghloul