Aux origines des relations musulmans-coptes
Taha
Abdel-Alim
Pour aborder le crime de
Nag Hammadi et les événements passagers de conflits
confessionnels qui l’ont précédé, il faut d’abord se pencher
sur les concepts erronés enracinés dans les mentalités de
certains Egyptiens. Certains coptes s’imaginent que dès
qu’ils ont été libérés de la persécution romaine, ils ont
été victimes d’une autre islamique tout au long des siècles
qui ont suivi la conquête arabe de l’Egypte. Ils continuent
à y croire, comme l’a évoqué un lecteur copte qui a écrit en
commentaire à mon précédent article publié sur le site
Internet d’Al-Ahram s’exclamant « comme si rien n’avait
envenimé le climat de tolérance religieuse des coptes
d’Egypte sous l’égide de l’Etat musulman, tel que le
prétendent les adeptes de la religion musulmane ».
J’admets pour commencer
qu’il est difficile de rectifier ses idées toutes faites.
Surtout à l’ombre d’un enseignement déformant l’histoire, de
médias irresponsables, d’un discours religieux provocateur
et d’allégations des coptes de l’étranger. Ajoutons à cela
le plus important, à savoir le recul du sens même de la
citoyenneté. Cependant, l’objectivité dans la lecture de
l’histoire est à même de corriger les allégations et de
mettre en évidence des réalités irréfutables. Une
objectivité qui s’est incarnée dans le livre Le
christianisme oriental, signé Surial Attiya, traduit de
l’anglais vers l’arabe par Ishaq Ebeid et publié par le
Conseil suprême de la culture en 700 pages. Tout ce que je
pourrais dire c’est que le témoignage d’un copte historien
égyptien sur l’état des coptes d’Egypte sous la gouvernance
islamique ne peut être en aucun cas fallacieux. Surtout si
nous portons un regard à l’itinéraire de cet historien à
partir duquel nous savons qu’après avoir assumé les
fonctions de professeur à la faculté des lettres de
l’Université d’Alexandrie et après avoir contribué à sa
création, il est devenu membre au conseil milli (conseil
communautaire copte). Il a alors adopté la mise en place du
Haut institut des études coptes, ensuite il a immigré et à
travaillé comme professeur dans les universités d’Europe et
d’Amérique, dont la faculté de théologie de New York. Là-bas
il a œuvré à réaliser son grand rêve : achever une
encyclopédie copte qui a vu le jour en 8 tomes. Je me
contente dans cet espace de passer en revue les réalités
relatives à son témoignage mentionné plus haut.
Nous pouvons lire de prime
abord à propos de la position des coptes (c’est-à-dire les
Egyptiens) dans les batailles ayant opposé les Arabes et les
Byzantins, qu’elle reflétait une grande neutralité. La
politique du Byzantin Siros est venue empirer la situation,
car il a voulu anéantir la liberté religieuse et politique
des habitants d’Egypte. Les Arabes ont libéré les coptes du
joug byzantin et leur attitude à leur égard était généreuse
et tolérante. D’ailleurs, le « testament Amri » a procuré
aux coptes une liberté religieuse qu’ils n’ont jamais connue
sous les Byzantins. Amr Ibn Al-Ass n’avait pas acquiescé la
demande de Siros de lui donner l’occasion de présider
l’Eglise égyptienne. A cette époque le patriarche Benyamin,
qui s’est réfugié dans le désert pendant 10 ans, a été
accueilli avec grand respect par le dirigeant Amr Ibn Al-Ass
qui lui a restitué son poste à Alexandrie afin de parrainer
les affaires de l’Eglise.
Une fois que la gouvernance
arabe s’est stabilisée en Egypte, le patriarche Benyamin a
promulgué une décision d’amnistie à l’égard d’une tranche de
coptes qui avaient été contraints à se convertir à « la
volonté unique ». Il a restauré un nombre d’églises et de
couvents, à tel point que l’époque de Benyamin et des
patriarches qui l’ont suivi à l’ombre de la conquête
islamique ont connu une renaissance sans précédent
accompagné d’un sentiment religieux national et d’un
épanouissement des arts et des lettres dans un climat de
liberté totale. Les Arabes (ou les musulmans) ont manifesté
une grande tolérance vis-à-vis de toutes les factions
chrétiennes, toutes tendances confondues. Ils les ont
nommées aux postes gouvernementaux qu’occupaient les
Byzantins.
Les postes dans
l’administration locale devinrent alors l’apanage des coptes.
Il y a avait les notaires, les collecteurs d’impôts et les
juges. La langue copte est venue remplacer le grec dans les
affaires quotidiennes. L’arabe est venu côtoyer le copte
dans l’écriture. Les coptes ont alors appris l’arabe et ont
préservé leurs postes dans l’administration. C’est à ce
moment-là que la langue copte a connu une régression, même
si elle était toujours employée dans les rites de l’église.
Le sentiment général copte
à l’issue de la conquête arabo-islamique reflétait un
certain confort. D’autant plus que ce sont les Arabes qui
ont éliminé le cauchemar byzantin, les libérant de
l’intransigeance et de la persécution religieuse. Après le
renversement des Byzantins des postes religieux et
militaires, les coptes ont pu avoir leur mainmise sur la
terre, les couvents religieux et les églises vidées par les
Byzantins. Les dirigeants arabes et leurs voisins musulmans
leur portaient un regard de respect et d’estime. Ainsi les
coptes, sous la gouvernance arabe, ont préservé le
patrimoine de leurs aïeux et se sont intégrés comme un
élément positif et efficace dans le corps de la nation
arabo-musulmane sans pour autant perdre leur identité et
leur patrimoine ancien. A l’âge d’or de la civilisation
arabo-musulmane, à l’ère du calife abbasside, les coptes ont
contribué au climat culturel resplendissant en langue arabe.
En effet, l’évêque Ethanios, originaire de la ville Qoss de
la région Thèbes, avait créé le premier lexique de la langue
copte dans ses deux dialectes de Haute et de Basse-Egypte en
arabe, afin de préserver le patrimoine de la langue copte de
l’oubli.