La main tendue aux
talibans
Réalisant que la politique
du bâton ne remportera aucun fruit avec des talibans décidés à semer le trouble
dans le pays, le président afghan, Hamid Karzaï, a décidé cette semaine de
changer de politique vis-à-vis des rebelles. Renonçant au langage des menaces,
M. Karzaï a révélé, samedi, les grandes lignes de son plan de réconciliation
avec les insurgés, proposant argent et travail à ceux qui abandonneront la
lutte armée afin de faciliter leur retour à la vie civile. Il a même proposé
des postes du gouvernement aux rebelles qui déposent les armes. « Les militants
les plus durs parmi les talibans, membres d’Al-Qaëda ou d’autres groupes
extrémistes, ne seront pas acceptés », a néanmoins indiqué le président.
Adoptant la même politique
de réconciliation vis-à-vis des rebelles, le gouvernement pakistanais a
également décidé de tendre la main aux talibans afghans, y compris à leurs
chefs, pour contribuer à la réconciliation chez son voisin, a déclaré samedi le
ministère pakistanais des Affaires étrangères. « Nous tentons de leur tendre la
main, à tous les niveaux. Nous voudrions tous voir nos efforts couronnés de
succès mais pour l’heure, c’est très difficile à dire », a dit le porte-parole
du ministère, Abdul-Basit.
A l’attente d’une lueur
d’espoir pour ce pays déchiré, la Commission électorale afghane indépendante
(IEC) a reporté, dimanche, les législatives prévues le 22 mai prochain jusqu’au
18 septembre, en raison des problèmes de sécurité, des incertitudes et du défi
logistique, a déclaré Fazal Manawi, un haut responsable de l’IEC.
Or, pour l’heure, aucune
lueur d’espoir ne paraît à l’horizon. Comme prévu, cette politique de main
tendue n’a remporté aucun fruit avec les deux principaux groupes rebelles qui
ont rejeté cette semaine l’offre du président afghan et d’Islamabad à la fois.
Selon un porte-parole des rebelles, les talibans ne sont pas à vendre. « Si
nous étions tentés par l’argent, nous aurions accepté ce que les Américains
voulaient avant l’invasion et nous serions aujourd’hui au pouvoir avec plein
d’argent », a affirmé le porte-parole. Parallèlement, un porte-parole de
Gulbuddin Hekmatyar, considéré comme l’un des plus importants chefs de guerre
conduisant l’insurrection en Afghanistan, a déclaré que les conditions posées
par M. Hekmatyar restaient inchangées : retrait des troupes étrangères du pays,
cessez-le-feu, libération des prisonniers et mise en place d’un gouvernement
d’intérim. Selon certains experts, les talibans rejettent les offres de Karzaï
car ils n’ont pas confiance en lui, ils pensent qu’il les trahira et qu’il les
livrera ensuite aux puissances étrangères. « Le gouvernement afghan doit donc
redoubler d’efforts pour convaincre les talibans de renoncer au terrorisme et
de travailler avec Kaboul », affirment les experts.
Les talibans plus forts
En effet, cette politique
de réconciliation intervient dans un moment critique où les talibans sont
devenus plus actifs que jamais dans le pays. La semaine dernière, ces insurgés
ont gravement frappé le centre de Kaboul, le transformant en champ de bataille
pendant plusieurs heures quand un groupe d’au moins sept talibans — et jusqu’à
vingt selon leur porte-parole — a attaqué le centre de la capitale, y semant la
terreur. L’opération commando menée par des personnes lourdement armées et
munies de ceintures d’explosifs visait le palais présidentiel, des ministères
et un centre commercial au cœur de la capitale. Les rebelles ont ainsi adressé
un message au gouvernement afghan et aux forces internationales : nous pouvons
frapper où et quand nous le voulons. En attaquant le centre de Kaboul — seul
endroit d’Afghanistan où la sécurité est sous le contrôle des forces afghanes
et non des 113 000 soldats des forces internationales — les talibans ont mis en
lumière la fragilité de la police et de l’armée, estiment les experts.
Le volet civil, première préoccupation américaine
A la veille de la
conférence de Londres où le président afghan, Hamid Karzaï, a annoncé qu’il
présenterait son nouveau programme de réconciliation aux talibans, les
puissances occidentales, entre autres l’Allemagne, la Grande-Bretagne et à leur
tête les Etats-Unis, ont fait du volet civil et de la réintégration des
talibans dans la société leurs deux priorités par excellence. N’oublions pas
que déjà la stabilisation de l’Afghanistan était en tête de l’agenda de la
politique étrangère du président Barack Obama depuis son accession au pouvoir.
Toutefois, ce pays reste jusqu’à présent confronté à des difficultés en matière
de sécurité et sur le front social. « Les talibans font partie du paysage
politique en
Reconnaissant que la
communauté internationale a contribué à l’épanouissement des talibans, Richard
Holbrooke, émissaire spécial du président américain pour l’Afghanistan et le
Pakistan, a constaté les lacunes de la stratégie internationale déployée après
le renversement du régime taliban en 2001. Un exemple : « On dépensait plus
d’argent pour l’éradication du pavot que pour le développement de l’agriculture
afghane ». Un autre : « La coordination de l’effort civil a été un manquement
majeur » de l’action internationale jusqu’à présent. Selon l’émissaire
américain, l’accent sera mis, lors de la conférence internationale de Londres,
sur le volet civil, la nécessité de renforcer les institutions afghanes et la consolidation
du rôle de l’Onu.
Dans le cadre des efforts
internationaux visant la reconstruction et la stabilité de l’Afghanistan, la
secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a dévoilé cette semaine une
stratégie civile à long terme pour l’Afghanistan et le Pakistan afin de
rétablir la stabilité dans la région. « L’engagement civil américain dans ces
deux pays continuera après le retrait de nos troupes et les Etats-Unis se sont
engagés à nouer des liens durables avec ces deux pays », a affirmé Mme Clinton.
La stratégie comporte une augmentation importante du nombre d’experts civils
déployés dans les ministères du gouvernement central afghan et dans les
provinces du pays. Elle propose également plusieurs nouveaux moyens pour lutter
contre le trafic de drogue — qui est devenu une source de revenus fondamentale
pour beaucoup de fermiers afghans, tels que le développement de l’agriculture
et le démantèlement des réseaux de trafic de drogue. Selon la stratégie, le
gouvernement américain soutiendra également les efforts du gouvernement afghan
pour réintégrer les talibans qui ont abandonné Al-Qaëda et ont cessé les
violences.
Le président américain,
Barack Obama, a annoncé en décembre dernier que les Etats-Unis enverraient 30
000 soldats supplémentaires en
Depuis trois ans, la
rébellion menée par les talibans a gagné du terrain en dépit de l’augmentation
régulière du nombre de soldats étrangers en huit ans, qui atteint aujourd’hui
113 000, dont environ 71 000 Américains.
Maha Al-Cherbini