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Salon du Livre
du Caire.
Des centaines
d’éditeurs sont
présents au Salon
du livre. Al-Ahram Hebdo a
choisi de
présenter à
ses
lecteurs une
sélection
d’ouvrages publiés par des
maisons
d’édition égyptiennes et
composés
majoritairement de romans.
Un
œil pour voir,
l’autre
pour penser
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L’Homme
et la
philosophie, le chaos et la clairvoyance collective
sont les
thèmes que
nous
présentent les dernières
traductions
d’AUC Press, où
viennent se
mêler débauche et
grandeur dans un style de
revendications
sociales aux contours
obscurs. Sans
prendre de
risque, les presses de
l’Université américaine
ont choisi
trois
auteurs confirmés
dans leur
style légèrement
décalé
hésitant entre
humour
acide et
dénonciation plaintive.
Doit-on
rire face à
l’élite
décadente iraqienne aux
interprétations
erronées de Jean-Paul Sartre —
mais non
dénuées de sens — de la
nouvelle de Ali Bader ?
Cet enfant des rues,
ce
Moustapha inconnu que
dépeint
Mekkawi Saïd,
est-il beau
dans sa
misère,
immonde dans
sa
beauté
? Et Hamdi
Abou-Golayel,
toujours
fidèle à
sa prose
insolente et jouissive
dans la
veine savoureuse de
Cossery et de Ahmad
Rassim, se
complaît-il dans
ce monde de
fous et de
lumière ?
Ces
trois
auteurs ne
sont pas
une découverte,
mais une
confirmation de certains talents
appelés à
s’épanouir et
à
s’affirmer, à se
détacher du
questionnement
parfois
répétitif sur la place de
l’écrivain. Un
questionnement
tant de
fois exploré
que les
voies deviennent
étroites pour
éviter les
pièges
: un de ceux-là
est la
dénonciation de la misère,
l’appel au
pathétisme, à la
pitié et au
gouvernement pour faire changer les
choses. Si
l’écrivain
juge et
dénonce, il
tombe dans
le roman social. S’il
est
indifférent, son regard n’a
pas de poids
: il
n’y a pas d’écrivain
aveugle,
comme l’a
prouvé Taha
Hussein.
Le
fils de bédouin,
l’auteur de
Petits voleurs
à la
retraite, a fait son
choix
: Abou-Golayel sera
itinérant,
jamais le même,
toujours
lucide et piquant, une
plume qui gratte le
papier sans
l’abîmer. La réalité
est
là pour confirmer
l’assiduité de son regard, la
justesse de son
écriture. Plus noir,
moins piquant
mais plus
acide, Mekkawi
Saïd offre
un second roman
plongé dans
un quotidien
agressif où
un héros
perdu déambule avec
dégoût et
répulsion. Habile portraitiste
du monde
qu’il côtoie,
Mekkawi,
romancier de son temps,
rassemble la foule de la
rue dans un
livre
concis aux forts accents critiques
où le
malheur semble (trop)
lié aux conditions
terrestres.
Un cri de
détresse sensible et
immédiat, loin des
réflexions
sereines et comiques de
Ali Bader sur le milieu
intellectuel
iraqien des
années soixante. Papa
Sartre, dixième nouvelle de Ali
Bader, écrivain au style
fluide et
léger, est
teintée de
réflexions communes sur
le sens de la
philosophie,
d’humour,
d’ironie et d’irraison :
un roman sans complexe.
Si les
romans diffèrent,
une question
demeure
centrale
: celle de la place de
l’écrivain
dans son temps, de son attitude face
à ce
qu’il
déplore, de son regard face à
ce qu’il
perçoit.
Alban de
Ménonville
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Hamdi
Abou-Golayel,
A Dog with No Tail (un
chien sans queue);
Ali Bade, Papa Sartre;
Mekkawi
Saïd, Cairo Swan Song
(Le chant
du signe),
AUC Press.
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