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Salon du Livre du Caire. La 42e édition (28 janvier -13 février) choisit la Russie comme invitée
d’honneur. Pour la deuxième année consécutive, la France est
absente. L’événement a créé de sérieux remous dans le microcosme
francophone égyptien.
La
francophonie contrainte
de s'eclipser |
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L’année dernière, c’était
la première fois depuis 11 ans que le Centre Français de
Culture et de Coopération (CFCC) n’organisait pas de «
pavillon français » dans le cadre du Salon international du
livre du Caire. Les libraires francophones du Caire étaient
furieux. Mais aussi les lecteurs et public francophones.
Pour la 42e édition du Salon, il n’y aura pas non plus de
pavillon dédié au livre francophone ni de manifestations
culturelles qui en découlent. Pourquoi alors, brutalement,
les ouvrages francophones ont-ils quasiment disparu du Salon
du livre ? D’après quelques librairies francophones du Caire,
la raison en serait financière et concernait les montants
investis pour la réalisation et la maintenance d’un stand
regroupant une petite dizaine de libraires francophones.
Cela s’explique surtout par la baisse généralisée d’environ
30 % des financements alloués aux Centres culturels français
à l’étranger.
Toutes les maisons
d’édition et libraires proposant des ouvrages en français
seront donc absents. Aucune d’elles n’y participera, même au
milieu des pavillons internationaux du Salon. « En effet, en
deux ans, les tarifs pour que les libraires francophones
exposent au Salon ont quasiment doublé. Cela ajoute un frein
supplémentaire à notre participation. Proposer des livres de
qualité, malheureusement chers, qu’une toute petite minorité
de visiteurs peut comprendre, tout en payant un prix au m2
très élevé, ce n’est pas une situation économiquement
viable. Etre un petit libraire francophone au beau milieu
d’un pavillon arabophone n’a pas de sens et serait
commercialement improductif. Le livre francophone ne peut
avoir de visibilité au Salon que si tous les libraires et
éditeurs francophones sont regroupés dans un même espace,
comme jadis dans le pavillon français », explique Agnès
Debiage, directrice de deux librairies francophones Eldorado
et Oum Al-Dounia.
Grande déception donc pour
les lecteurs francophones. Selon les chiffres de la Centrale
de l’édition basée à Paris, l’Egypte est au 43e rang des
pays importateurs de livres français. « Le Salon du livre
est une occasion, pour nous les francophones du Caire et
aimant lire toute la littérature paraissant en français, ce
qui nous permet de connaître les dernières parutions. Nous
attendons cette grande fête avec impatience. Elle est aussi
l’occasion de rencontrer des gens de différentes
nationalités. Malheureusement, le pavillon français sera
vide pour la deuxième année consécutive. Que ce soit pour
des raisons financières ou autre, nous espérons que cet état
des choses ne perdurera pas et les contraintes seront levées
l’année prochaine », estime Horreya, habituée du Salon du
livre du Caire.
Alors que l’anglais
s’impose de plus en plus, dans les médias, à l’école et dans
le champ économique, le français apparaît en perte. La
francophonie perdra-t-elle du terrain sur les bords du Nil ?
Pour de nombreux francophones, l’événement montre que la
francophonie est en train de disparaître purement et
simplement du paysage égyptien. « Oui, nous perdons des
clients mais surtout les libraires francophones perdent en
visibilité et en notoriété. Nous sommes avant tout sur un
marché de l’offre et s’il n’y a plus d’offre, la demande se
restreindra d’année en année. Participer collectivement au
Salon du livre sous l’égide d’un pavillon français était
avant tout un acte d’affirmation et de soutien à la
francophonie en Egypte. La suppression de ce pavillon est
suicidaire pour le livre français en Egypte. C’est aussi
dramatique pour les librairies francophones du Caire »,
estime Agnès Debiage.
Néanmoins, les libraires
francophones n’ont jamais été réunis collectivement au CFCC
depuis le dernier pavillon français il y a deux ans. « Nous
avons toujours répondu présent aux invitations du CFCC,
jadis au minimum trois fois par an, puis Lire en fête a été
supprimé par le ministère de la Culture et le CFCC a décidé
de ne plus nous accueillir pour la vente promotionnelle
annuelle de livres à -50 %, donc en 2009, seule la Fête de
la Francophonie au CFCC a offert un espace de visibilité aux
livres français. C’est peu ! », indique Debiage.
Les libraires francophones
travaillent effectivement sur la préparation d’un grand
événement mettant le livre francophone à l’honneur. « Nous
espérons organiser un événement sous une forme novatrice,
avec un contenu culturel, dans un lieu original, ce n’est
pas encore décidé. J’espère sincèrement qu’un tel événement
verra le jour. Le livre francophone en a bien besoin ! »,
espère Agnès Debiage.
Amira
Samir
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A ne pas louper !
La promotion du livre du
chercheur et journaliste, Amr Al-Shobaki, spécialiste des
mouvements islamistes et de l’islam politique au Centre des
Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, est
assurée par l’écrivain ce soir à la librairie Diwan à
Zamalek à 19h. Le livre, qui est écrit en français, puisque
l’auteur est également professeur à la Sorbonne Paris I,
grâce à la thèse représentée dans ce livre, qui est intitulé
Les Frères musulmans, des origines à nos jours, est édité
chez Karthala. L’auteur publie sa thèse soutenue en 2000,
accompagnée par toutes les mises à jour et les analyses qui
couvrent une période plus récente, notamment les succès du
mouvement des Frères musulmans en dépit des contraintes du
gouvernement égyptien et la dissolution officielle du
mouvement à devenir la force d’opposition numéro un sous les
toits du Parlement égyptien. Aujourd’hui, cette question sur
le sort et le destin de ce groupe influe au sein des
mouvances islamiques et est toujours d’actualité, d’autant
plus avec l’élection d’un nouveau guide suprême pour ce
groupe officiellement interdit, puisqu’il relie la
citoyenneté à la question d’appartenance religieuse, comme
il s’appuie sur la religion comme base de l’action politique,
question qui reste ligne rouge et inacceptable par la
majorité du peuple égyptien. Pour approfondir la réflexion
sur la question, Amr Al-Shobaki propose de partager sa thèse,
ses idées et son expérience.
Amr Zoheiri
Une édition nostalgique
Avec 800 éditeurs et 31
pays participants, le Salon du livre du Caire, qui est à sa
42e édition, ouvrira ses portes demain, puis au grand public
du 29 janvier au 13 février. Une croissance du nombre des
pays étrangers, dit-on à la conférence de presse qui précède
l’inauguration, avec 3 pays participants pour la 1re fois :
la Pologne, le Danemark et le Kazakhstan. La nostalgie, mais
aussi la curiosité, sont les mots-clés de cette 42e édition
qui reçoit comme invitée d’honneur la Russie. Ce pays lié
d’amitié historique avec l’Egypte et dont le 50e
anniversaire du Haut-Barrage en est la preuve. Car si on
passe en revue les précédents hôtes d’honneur, on remarquera
que les Emirats arabes unis se sont imposés par leur
présence économique pesante, l’Italie, par son image
européenne diversifiée et culturelle.
L’Allemagne, c’est le
modèle, la perfection comme l’est le Salon du livre de
Francfort dans les yeux des éditeurs arabes en
général. La Russie, quant à elle, c’est la nostalgie du bon
vieux temps révolu de l’ex-Union soviétique. Aux débuts du
Salon du livre du Caire en 1969, le pavillon russe était La
Mecque du grand public qui allait à la recherche non
seulement de ce modèle socialiste qui nous a tant inspirés,
mais surtout de la plupart des œuvres de la grande
littérature traduite en arabe, les livres attrayants pour
enfants à des prix exemplaires puisque subventionnés par
l’Union. Ces fortes liaisons dépassent l’espace du Salon du
livre du Caire et remontent à des générations d’écrivains et
intellectuels égyptiens qui ont grandi sur le modèle russe,
qui ont lu Tchekhov ou Dostoïevski, comme ils ont lu Tawfiq
Al-Hakim ou Taha Hussein et Yéhia Haqqi. Et qui n’ont pas
loupé les grands ballets classiques montés par des
compagnies soviétiques, ou les soirées poético-musicales
animées au Centre culturel russe.
La curiosité est de
retrouver aujourd’hui l’ancien ami sous un nouveau jour,
l’URSS est aujourd’hui la Russie, le socialisme n’est plus
de mise et les générations mêmes se sont transfigurées.
Au-delà des œuvres littéraires, de la science-fiction et des
livres pour enfants, le programme russe offre des débats
entre écrivains russes et égyptiens, discute de
l’orientalisme russe, de la traduction et expose les photos
rares de la construction du Haut-Barrage.
Le programme annuel chargé
de conférences de tous bords sera plus ou moins le même,
c’est-à-dire la série de rencontres avec les grands
écrivains, comme celle avec Bahaa Taher le 29 janvier à
18h00, les discussions autour d’un livre comme l’ouvrage sur
des dialogues avec Abdel-Wahab Al-Messeiri le 1er février à
midi. Les « seuls » absents cette année seront le livre
français et l’Algérie. Pour la 2e année, le pavillon
consacré au livre francophone ne figurera plus (voir
l’article ci-contre). Même si on réussit à inviter le Nobel
français J-M Le Clézio (le 30 janvier à 17h) ou Jean-Louis
Fournier (le 7 février à 17h). Et l’absence de l’Algérie,
dans une ambiance nostalgique qui remonte au nationalisme
arabe, reste une grande perte. Que ce soit à cause d’un
boycott algérien ou d’une passivité égyptienne. La culture
marque une perte parce qu’elle n’a pas pu transgresser le
politique.
Dina Kabil
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