Al-Ahram Hebdo, Livres | La francophonie contrainte de s'eclipser
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 27 janvier au 2 février 2010, numéro 803

 

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Livres

Salon du Livre du Caire. La 42e édition (28 janvier -13 février) choisit la Russie comme invitée d’honneur. Pour la deuxième année consécutive, la France est absente. L’événement a créé de sérieux remous dans le microcosme francophone égyptien.

La francophonie contrainte
 de s'eclipser

L’année dernière, c’était la première fois depuis 11 ans que le Centre Français de Culture et de Coopération (CFCC) n’organisait pas de « pavillon français » dans le cadre du Salon international du livre du Caire. Les libraires francophones du Caire étaient furieux. Mais aussi les lecteurs et public francophones. Pour la 42e édition du Salon, il n’y aura pas non plus de pavillon dédié au livre francophone ni de manifestations culturelles qui en découlent. Pourquoi alors, brutalement, les ouvrages francophones ont-ils quasiment disparu du Salon du livre ? D’après quelques librairies francophones du Caire, la raison en serait financière et concernait les montants investis pour la réalisation et la maintenance d’un stand regroupant une petite dizaine de libraires francophones. Cela s’explique surtout par la baisse généralisée d’environ 30 % des financements alloués aux Centres culturels français à l’étranger.

Toutes les maisons d’édition et libraires proposant des ouvrages en français seront donc absents. Aucune d’elles n’y participera, même au milieu des pavillons internationaux du Salon. « En effet, en deux ans, les tarifs pour que les libraires francophones exposent au Salon ont quasiment doublé. Cela ajoute un frein supplémentaire à notre participation. Proposer des livres de qualité, malheureusement chers, qu’une toute petite minorité de visiteurs peut comprendre, tout en payant un prix au m2 très élevé, ce n’est pas une situation économiquement viable. Etre un petit libraire francophone au beau milieu d’un pavillon arabophone n’a pas de sens et serait commercialement improductif. Le livre francophone ne peut avoir de visibilité au Salon que si tous les libraires et éditeurs francophones sont regroupés dans un même espace, comme jadis dans le pavillon français », explique Agnès Debiage, directrice de deux librairies francophones Eldorado et Oum Al-Dounia.

Grande déception donc pour les lecteurs francophones. Selon les chiffres de la Centrale de l’édition basée à Paris, l’Egypte est au 43e rang des pays importateurs de livres français. « Le Salon du livre est une occasion, pour nous les francophones du Caire et aimant lire toute la littérature paraissant en français, ce qui nous permet de connaître les dernières parutions. Nous attendons cette grande fête avec impatience. Elle est aussi l’occasion de rencontrer des gens de différentes nationalités. Malheureusement, le pavillon français sera vide pour la deuxième année consécutive. Que ce soit pour des raisons financières ou autre, nous espérons que cet état des choses ne perdurera pas et les contraintes seront levées l’année prochaine », estime Horreya, habituée du Salon du livre du Caire.

Alors que l’anglais s’impose de plus en plus, dans les médias, à l’école et dans le champ économique, le français apparaît en perte. La francophonie perdra-t-elle du terrain sur les bords du Nil ? Pour de nombreux francophones, l’événement montre que la francophonie est en train de disparaître purement et simplement du paysage égyptien. « Oui, nous perdons des clients mais surtout les libraires francophones perdent en visibilité et en notoriété. Nous sommes avant tout sur un marché de l’offre et s’il n’y a plus d’offre, la demande se restreindra d’année en année. Participer collectivement au Salon du livre sous l’égide d’un pavillon français était avant tout un acte d’affirmation et de soutien à la francophonie en Egypte. La suppression de ce pavillon est suicidaire pour le livre français en Egypte. C’est aussi dramatique pour les librairies francophones du Caire », estime Agnès Debiage.

Néanmoins, les libraires francophones n’ont jamais été réunis collectivement au CFCC depuis le dernier pavillon français il y a deux ans. « Nous avons toujours répondu présent aux invitations du CFCC, jadis au minimum trois fois par an, puis Lire en fête a été supprimé par le ministère de la Culture et le CFCC a décidé de ne plus nous accueillir pour la vente promotionnelle annuelle de livres à -50 %, donc en 2009, seule la Fête de la Francophonie au CFCC a offert un espace de visibilité aux livres français. C’est peu ! », indique Debiage.

Les libraires francophones travaillent effectivement sur la préparation d’un grand événement mettant le livre francophone à l’honneur. « Nous espérons organiser un événement sous une forme novatrice, avec un contenu culturel, dans un lieu original, ce n’est pas encore décidé. J’espère sincèrement qu’un tel événement verra le jour. Le livre francophone en a bien besoin ! », espère Agnès Debiage.

Amira Samir

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A ne pas louper !

La promotion du livre du chercheur et journaliste, Amr Al-Shobaki, spécialiste des mouvements islamistes et de l’islam politique au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, est assurée par l’écrivain ce soir à la librairie Diwan à Zamalek à 19h. Le livre, qui est écrit en français, puisque l’auteur est également professeur à la Sorbonne Paris I, grâce à la thèse représentée dans ce livre, qui est intitulé Les Frères musulmans, des origines à nos jours, est édité chez Karthala. L’auteur publie sa thèse soutenue en 2000, accompagnée par toutes les mises à jour et les analyses qui couvrent une période plus récente, notamment les succès du mouvement des Frères musulmans en dépit des contraintes du gouvernement égyptien et la dissolution officielle du mouvement à devenir la force d’opposition numéro un sous les toits du Parlement égyptien. Aujourd’hui, cette question sur le sort et le destin de ce groupe influe au sein des mouvances islamiques et est toujours d’actualité, d’autant plus avec l’élection d’un nouveau guide suprême pour ce groupe officiellement interdit, puisqu’il relie la citoyenneté à la question d’appartenance religieuse, comme il s’appuie sur la religion comme base de l’action politique, question qui reste ligne rouge et inacceptable par la majorité du peuple égyptien. Pour approfondir la réflexion sur la question, Amr Al-Shobaki propose de partager sa thèse, ses idées et son expérience.

Amr Zoheiri

 

Une édition nostalgique

Avec 800 éditeurs et 31 pays participants, le Salon du livre du Caire, qui est à sa 42e édition, ouvrira ses portes demain, puis au grand public du 29 janvier au 13 février. Une croissance du nombre des pays étrangers, dit-on à la conférence de presse qui précède l’inauguration, avec 3 pays participants pour la 1re fois : la Pologne, le Danemark et le Kazakhstan. La nostalgie, mais aussi la curiosité, sont les mots-clés de cette 42e édition qui reçoit comme invitée d’honneur la Russie. Ce pays lié d’amitié historique avec l’Egypte et dont le 50e anniversaire du Haut-Barrage en est la preuve. Car si on passe en revue les précédents hôtes d’honneur, on remarquera que les Emirats arabes unis se sont imposés par leur présence économique pesante, l’Italie, par son image européenne diversifiée et culturelle.

L’Allemagne, c’est le modèle, la perfection comme l’est le Salon du livre de Francfort dans les  yeux des éditeurs arabes en général. La Russie, quant à elle, c’est la nostalgie du bon vieux temps révolu de l’ex-Union soviétique. Aux débuts du Salon du livre du Caire en 1969, le pavillon russe était La Mecque du grand public qui allait à la recherche non seulement de ce modèle socialiste qui nous a tant inspirés, mais surtout de la plupart des œuvres de la grande littérature traduite en arabe, les livres attrayants pour enfants à des prix exemplaires puisque subventionnés par l’Union. Ces fortes liaisons dépassent l’espace du Salon du livre du Caire et remontent à des générations d’écrivains et intellectuels égyptiens qui ont grandi sur le modèle russe, qui ont lu Tchekhov ou Dostoïevski, comme ils ont lu Tawfiq Al-Hakim ou Taha Hussein et Yéhia Haqqi. Et qui n’ont pas loupé les grands ballets classiques montés par des compagnies soviétiques, ou les soirées poético-musicales animées au Centre culturel russe.

La curiosité est de retrouver aujourd’hui l’ancien ami sous un nouveau jour, l’URSS est aujourd’hui la Russie, le socialisme n’est plus de mise et les générations mêmes se sont transfigurées. Au-delà des œuvres littéraires, de la science-fiction et des livres pour enfants, le programme russe offre des débats entre écrivains russes et égyptiens, discute de l’orientalisme russe, de la traduction et expose les photos rares de la construction du Haut-Barrage.

Le programme annuel chargé de conférences de tous bords sera plus ou moins le même, c’est-à-dire la série de rencontres avec les grands écrivains, comme celle avec Bahaa Taher le 29 janvier à 18h00, les discussions autour d’un livre comme l’ouvrage sur des dialogues avec Abdel-Wahab Al-Messeiri le 1er février à midi. Les « seuls » absents cette année seront le livre français et l’Algérie. Pour la 2e année, le pavillon consacré au livre francophone ne figurera plus (voir l’article ci-contre). Même si on réussit à inviter le Nobel français J-M Le Clézio (le 30 janvier à 17h) ou Jean-Louis Fournier (le 7 février à 17h). Et l’absence de l’Algérie, dans une ambiance nostalgique qui remonte au nationalisme arabe, reste une grande perte. Que ce soit à cause d’un boycott algérien ou d’une passivité égyptienne. La culture marque une perte parce qu’elle n’a pas pu transgresser le politique.

Dina Kabil

 

 




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