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 Semaine du 27 janvier au 2 février 2010, numéro 803

 

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Enquête

Patrimoine. Derrière la restitution des antiquités égyptiennes se cache un homme, Zahi Hawas, qui a fait du retour des œuvres sorties d’Egypte son cheval de bataille. Il est le plus farouche opposant aux législations actuellement en débat.

La chasse aux antiquités

Pour certains, il est un héros national ayant pour mission la restitution des biens de l’Egypte. Pour d’autres, un Indiana Jones oriental qui gêne, dérange et irrite. Une « star » qui sait comment attirer des hordes de caméras et de journalistes à coup de découvertes archéologiques ou déclarations sulfureuses allant à l’encontre de hauts responsables lui faisant obstacle. Toujours avec son chapeau à l’américaine, il n’en demeure pas moins un Egyptien jusqu’à la moelle, prêt à traquer les antiquités égyptiennes dispersées dans le monde, jusqu’à ce que « succès » s’ensuive.

Il s’agit bien là du Dr Zahi Hawas, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA), celui qui s’oppose le plus aux nouvelles législations proposées concernant les antiquités et œuvres du patrimoine. L’homme supervisant le travail de 30 000 employés, le seul ayant le pouvoir de donner les autorisations nécessaires aux fouilles archéologiques sur le sol égyptien. Depuis sa venue à la tête du CSA en 2002, son objectif est clair mais ambitieux : restituer à l’Egypte son patrimoine, souvent pillé, volé, ou ayant fait l’objet de trafics louches ou illégaux. L’égyptologie, longtemps négligée par les Egyptiens mêmes, doit être reprise en mains par les descendants des pharaons, logiquement mieux placés que les « autres » pour l’étudier et l’exposer au monde. Du moins, c’est ce qu’il pense et il agit en conséquence.

Pour arriver à ses fins, les plus grands musées du monde sont visés et peu importe s’il faudra parfois mêler la politique pour faire pression sur les institutions en ligne de mire. C’est justement ce qui s’est passé il y a quelques mois, lorsqu’il a menacé le célèbre Musée du Louvre à Paris de suspendre toute relation s’il ne cédait pas à sa demande de restituer au Caire cinq fragments de fresques issus du tombeau d’un prince de la XVIIIe dynastie (1550-1290 av. J.-C.), illégalement sortis d’Egypte avant que le Louvre ne les achète, en 2000 et 2003. Une démarche perçue comme un « véritable chantage » du côté du ministère français de la Culture. Ce qui n’empêchera pourtant pas le musée de livrer, le 14 décembre dernier, les fragments tant désirés, dont l’un a été remis aux mains même du président de la République, Hosni Moubarak, lors de sa visite à Paris. Mais la bataille à laquelle Hawas s’est livré ne fait que commencer. Cet homme qui se targue d’avoir déjà rapatrié 5 000 antiquités égyptiennes, jusqu’alors éparpillées aux quatre coins du monde, n’a pas fini de mener sa campagne. Toujours avec cette fabuleuse énergie déployée, il n’a pas froid aux yeux. Ainsi, il déclare qu’il va officiellement réclamer six autres œuvres importantes à la France, dont le fameux zodiaque de Dendérah, une œuvre transportée à Paris en 1821 et considérée comme l’un des plus célèbres monuments égyptiens conservés en France. Mais ses espérances vont encore plus loin et ne semblent point connaître de limites : il revendique le buste de Néfertiti, conservé au Neues Museum de Berlin, chef-d’œuvre de l’art pharaonique découvert en 1912 dans le sud de l’Egypte par l’archéologue allemand Ludwig Borchardt et datant d’environ 3 400 ans. Une demande qui n’a pas été reçue favorablement par les autorités culturelles allemandes qui répètent que l’acquisition du buste était conforme au droit. Autre sujet à polémique : la célèbre pierre de Rosette, stèle qui a permis à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes, exposée au British Museum depuis plus de 200 ans.

Au départ, le chef des antiquités avait en vue de l’emprunter au Musée britannique pour une exposition. Recevant un refus sous la forme d’une lettre exigent d’abord des détails sur la sécurité du musée qui va abriter la célèbre pierre, Hawas s’enflamme et décide de demander sa restitution permanente. « Je n’ai pas aimé le ton de la lettre, ils savent pourtant que ce musée sera le plus grand musée au monde. La sécurité sera parfaite », commentera-t-il plus tard en faisant allusion au futur Grand Musée égyptien, qui devrait être inauguré sur le plateau de Guiza en 2011 ou 2012.

Si les avancées sont lentes, l’imagination de Hawas, elle, ne traîne pas. Il projette d’organiser en avril une conférence internationale au Caire pour les pays réclamant la restitution de leurs antiquités exposées dans des musées à travers le monde, afin de discuter la restitution des antiquités volées et faire ainsi pression sur les pays accusés. Trente pays, dont la Grèce, le Mexique, le Pérou, l’Afghanistan, l’Iraq, le Cambodge et la Chine, participeront à cette conférence qui s’étendra sur trois jours.

Une conférence attendue par beaucoup, même si certains y voient là un danger potentiel. En effet, si ces démarches de restitution sont encouragées, n’est-ce pas là une manière de vider les musées internationaux de leurs œuvres d’art ? Des œuvres qui ont souvent eu pour vocation de voyager et d’être les messagères d’une civilisation lointaine ou différente.

Pacynthe Sabri

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