Patrimoine.
Derrière la
restitution des antiquités égyptiennes se cache un homme,
Zahi Hawas, qui a fait du retour des œuvres sorties d’Egypte
son cheval de bataille. Il est le plus farouche opposant aux
législations actuellement en débat.
La
chasse aux antiquités
Pour
certains, il est un héros national ayant pour mission la
restitution des biens de l’Egypte. Pour d’autres, un Indiana
Jones oriental qui gêne, dérange et irrite. Une « star » qui
sait comment attirer des hordes de caméras et de
journalistes à coup de découvertes archéologiques ou
déclarations sulfureuses allant à l’encontre de hauts
responsables lui faisant obstacle. Toujours avec son chapeau
à l’américaine, il n’en demeure pas moins un Egyptien
jusqu’à la moelle, prêt à traquer les antiquités égyptiennes
dispersées dans le monde, jusqu’à ce que « succès »
s’ensuive.
Il s’agit bien là du Dr
Zahi Hawas, secrétaire général du Conseil Suprême des
Antiquités (CSA), celui qui s’oppose le plus aux nouvelles
législations proposées concernant les antiquités et œuvres
du patrimoine. L’homme supervisant le travail de 30 000
employés, le seul ayant le pouvoir de donner les
autorisations nécessaires aux fouilles archéologiques sur le
sol égyptien. Depuis sa venue à la tête du CSA en 2002, son
objectif est clair mais ambitieux : restituer à l’Egypte son
patrimoine, souvent pillé, volé, ou ayant fait l’objet de
trafics louches ou illégaux. L’égyptologie, longtemps
négligée par les Egyptiens mêmes, doit être reprise en mains
par les descendants des pharaons, logiquement mieux placés
que les « autres » pour l’étudier et l’exposer au monde. Du
moins, c’est ce qu’il pense et il agit en conséquence.
Pour arriver à ses fins,
les plus grands musées du monde sont visés et peu importe
s’il faudra parfois mêler la politique pour faire pression
sur les institutions en ligne de mire. C’est justement ce
qui s’est passé il y a quelques mois, lorsqu’il a menacé le
célèbre Musée du Louvre à Paris de suspendre toute relation
s’il ne cédait pas à sa demande de restituer au Caire cinq
fragments de fresques issus du tombeau d’un prince de la
XVIIIe dynastie (1550-1290 av. J.-C.), illégalement sortis
d’Egypte avant que le Louvre ne les achète, en 2000 et 2003.
Une démarche perçue comme un « véritable chantage » du côté
du ministère français de la Culture. Ce qui n’empêchera
pourtant pas le musée de livrer, le 14 décembre dernier, les
fragments tant désirés, dont l’un a été remis aux mains même
du président de la République, Hosni Moubarak, lors de sa
visite à Paris. Mais la bataille à laquelle Hawas s’est
livré ne fait que commencer. Cet homme qui se targue d’avoir
déjà rapatrié 5 000 antiquités égyptiennes, jusqu’alors
éparpillées aux quatre coins du monde, n’a pas fini de mener
sa campagne. Toujours avec cette fabuleuse énergie déployée,
il n’a pas froid aux yeux. Ainsi, il déclare qu’il va
officiellement réclamer six autres œuvres importantes à la
France, dont le fameux zodiaque de Dendérah, une œuvre
transportée à Paris en 1821 et considérée comme l’un des
plus célèbres monuments égyptiens conservés en France. Mais
ses espérances vont encore plus loin et ne semblent point
connaître de limites : il revendique le buste de Néfertiti,
conservé au Neues Museum de Berlin, chef-d’œuvre de l’art
pharaonique découvert en 1912 dans le sud de l’Egypte par
l’archéologue allemand Ludwig Borchardt et datant d’environ
3 400 ans. Une demande qui n’a pas été reçue favorablement
par les autorités culturelles allemandes qui répètent que
l’acquisition du buste était conforme au droit. Autre sujet
à polémique : la célèbre pierre de Rosette, stèle qui a
permis à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes, exposée
au British Museum depuis plus de 200 ans.
Au départ, le chef des
antiquités avait en vue de l’emprunter au Musée britannique
pour une exposition. Recevant un refus sous la forme d’une
lettre exigent d’abord des détails sur la sécurité du musée
qui va abriter la célèbre pierre, Hawas s’enflamme et décide
de demander sa restitution permanente. « Je n’ai pas aimé le
ton de la lettre, ils savent pourtant que ce musée sera le
plus grand musée au monde. La sécurité sera parfaite »,
commentera-t-il plus tard en faisant allusion au futur Grand
Musée égyptien, qui devrait être inauguré sur le plateau de
Guiza en 2011 ou 2012.
Si les avancées sont lentes,
l’imagination de Hawas, elle, ne traîne pas. Il projette
d’organiser en avril une conférence internationale au Caire
pour les pays réclamant la restitution de leurs antiquités
exposées dans des musées à travers le monde, afin de
discuter la restitution des antiquités volées et faire ainsi
pression sur les pays accusés. Trente pays, dont la Grèce,
le Mexique, le Pérou, l’Afghanistan, l’Iraq, le Cambodge et
la Chine, participeront à cette conférence qui s’étendra sur
trois jours.
Une conférence attendue par
beaucoup, même si certains y voient là un danger potentiel.
En effet, si ces démarches de restitution sont encouragées,
n’est-ce pas là une manière de vider les musées
internationaux de leurs œuvres d’art ? Des œuvres qui ont
souvent eu pour vocation de voyager et d’être les messagères
d’une civilisation lointaine ou différente.
Pacynthe
Sabri