Al-Ahram Hebdo, Enquête | « La loi actuelle facilite la violation de différents sites »
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 27 janvier au 2 février 2010, numéro 803

 

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Enquête

Patrimoine. Achraf Al-Achmaoui, conseiller juridique du Conseil Suprême des Antiquités (CSA) et membre du comité préparant les nouvelles législations, explique les raisons d’un durcissement des lois sur les antiquités.

« La loi actuelle facilite la violation de différents sites »

Al-Ahram Hebdo : Pourquoi une nouvelle loi ou du moins des amendements aussi profonds maintenant ?

Achraf Al-Achmaoui : Il existe beaucoup de lacunes dans la loi actuellement appliquée. Il est en fait temps de promulguer une nouvelle législation. La première loi sur les monuments et les antiquités égyptiens remonte à 1835. Celle-ci a été amendée cinq fois, mais jamais de manière fondamentale, à part en 1912 et puis 1983 qui est actuellement appliquée. Si une nouvelle loi intervient quelques décennies en retard, cela ne nie pas son importance et la nécessité de son application. La loi actuelle facilite la violation de différents sites archéologiques et les peines appliquées ne dépassent pas le paiement d’une centaine de livres d’amende, ce qui encourage les agressions et pas le contraire. C’est en fait à partir de ce point qu’a surgi la base de la nouvelle loi qui consiste à combler les lacunes existantes dans cette loi actuelle, à aggraver les peines et à mettre le plus d’obstacles possibles devant tout violateur pour l’empêcher de nuire aux monuments et aux sites archéologiques. Mais les commissions du Parlement ont modifié quelques clauses et ont refusé de promulguer une nouvelle loi au vrai sens du terme se limitant à changer des clauses.

— Que pensez-vous des contrepropositions faites par certains députés ?

— Avant la discussion au Parlement, Ahmad Ezz a fait une déclaration signalant qu’il y a des points fondamentaux qui ne se trouvent pas dans la nouvelle loi proposée par le ministère de la Culture et qui ne vont pas de pair avec les lois internationales. Il a soumis une étude comparative des lois des antiquités dans quatre pays, la France, la Grèce, l’Italie et la Turquie. Ce qui a été présenté au président de l’Assemblée, Fathi Sorour, et aux vice-présidents Amal Osman et Moufid Chéhab. Ezz estime, pour sa part, que la définition proposée du « monument » est imprécise et qu’il faudrait, comme tous les autres pays, classer les monuments en catégories ; monument patrimonial, monument à valeur historique et monument à valeur culturelle. Il a, à cet égard, souligné la possibilité du commerce pour les monuments culturels. Pour ma part, j’estime que le patrimoine égyptien ne peut pas être divisé.

— Quels sont les changements fondamentaux dans la nouvelle législation ?

— Il a été décidé d’élargir le rôle du comité du CSA de sorte que celui-ci soit responsable des sites archéologiques de tous les points de vue. Le comité du CSA sera responsable de toute activité culturelle, touristique, sportive ou d’investissement qui se déroule sur n’importe quel site et cela pour diminuer le rôle des autres ministères et éviter leur intervention dans les sites et que le CSA ait le seul monopole sur ces lieux. Une fois la loi promulguée, tous les loyers des kiosques se trouvant dans des sites archéologiques ou des anciennes villas de valeur historique louées par des ministères, des écoles ou autres seront considérés comme périmés dans un an et cela dans le but de les restaurer et les réutiliser selon les besoins du CSA. Dorénavant, le ministre de la Culture aura plein droit d’arrêter directement toute violation sur n’importe quel site sans le besoin d’avoir recours au tribunal. Une telle clause est importante pour pouvoir arrêter les choses dès le début. Le fait d’intenter des procès prend beaucoup de temps et donne l’occasion au violateur de poursuivre ses actes et rend la tâche du CSA presque impossible.

— Qu’en est-il des collectionneurs et des missions étrangères ?

— Les collectionneurs privés peuvent toujours garder les pièces qu’ils possèdent tant que le CSA n’estime pas nécessaire de les récupérer. Le collectionneur a droit de vendre ce qu’il possède mais devrait prévenir le CSA puisque ce dernier a priorité d’achat. L’important pour le CSA est de pouvoir faire le suivi de la pièce et savoir où elle se trouve. Alors qu’en ce qui concerne les missions étrangères et leur droit de garder des pièces après leur découverte, cette clause a aussi été changée. Il serait interdit à toutes les missions étrangères opérant en Egypte de prendre n’importe quelle pièce découverte lors des fouilles. En fait, les missions avaient droit de prendre 10 % des pièces découvertes, à condition que celles-ci soient des doubles. Ce qui, en fait, ouvrait la porte au trafic des antiquités. Toutes les pièces découvertes seront dorénavant la possession de l’Etat égyptien. De la vigilance bien nécessaire pour un pays qui, par la richesse inouïe de son patrimoine, a fait parfois l’objet de pillage en règle.

— Et les marques commerciales ?

— En préparant la loi, on a découvert qu’en 1920, un tribunal égyptien a donné à un commerçant le droit d’utiliser la tête de Cléopâtre sur sa marchandise qui n’était qu’une marque de détergent. Une chaîne de télévision israélienne utilise comme logo les pyramides et un exportateur d’oranges met la photo de Néfertiti sur son produit. Tout cela nous a poussés à ajouter cette clause dans la loi. Il faut savoir exploiter nos monuments et ne pas nuire à l’image de notre civilisation. La clause 36 de la nouvelle loi porte sur la possibilité d’exploiter les photos et les répliques du patrimoine égyptien en tant que marques commerciales. Les députés ont accepté la clause dans le but de protéger l’utilisation du patrimoine égyptien dans des buts illégaux ou commerciaux sans aucun gain pour le pays. La nouvelle loi pour la préservation des monuments a prévu une clause basée sur des traités internationaux sur le droit de propriété intellectuelle, donnant uniquement au CSA l’exclusivité de la reproduction des pièces archéologiques avec la même échelle avec un sceau spécial du CSA. Une telle mesure va augmenter les revenus du Conseil, puisqu’il serait le seul point de distribution et de vente, mais aussi va aider à cerner le problème du trafic et des pièces dont l’authenticité est douteuse. Il faut bien exploiter nos richesses.

Propos recueillis par Hala Fares

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