Education.
Nommé la semaine dernière à la tête du ministère, Ahmad Zaki
Badr doit poursuivre la réforme du système engagé par ses
prédécesseurs. Trois grands dossiers sont à l’étude.
La
réforme a la peau dure
« Je ne
suis pas satisfait du niveau de l’enseignement en Egypte »,
a déclaré le nouveau ministre de l’Education, Ahmad Zaki
Badr, après sa nomination la semaine dernière. Du pain sur
la table, il en aura. « Le secteur de l’enseignement souffre
de problèmes chroniques et d’une incohérence dans les
politiques. Ainsi on a supprimé et rétabli à plusieurs
reprises la sixième année primaire et l’enseignement
secondaire est devenu lui aussi un champ d’expérimentation
», explique Hamed Ammar, pédagogue. Et d’ajouter que dans de
telles conditions, il est impossible d’amorcer une réforme
efficace de l’enseignement. En l’espace de cinq ans, trois
ministres se sont succédé au ministère de l’Education, mais
il n’y a eu aucune amélioration réelle dans ce secteur.
Selon Hamed Ammar, trois grands défis attendent désormais le
nouveau ministre, à savoir la réforme des méthodes
d’enseignement, l’insuffisance des infrastructures et la
formation des professeurs. D’abord, les cursus scolaires. Le
ministère de l’Education a créé, il y a 4 ans, un nouveau
système baptisé « l’évaluation globale ». Ce système
implique une augmentation de l’espace consacré aux activités
et une diminution des matières. Objectif : lutter contre le
parcœurisme, développer les diverses facultés des élèves et
les aider à développer leur propre créativité. Or selon
Hamed Ammar, ce système qui a déjà fait ses preuves dans de
nombreux pays, n’a pas bien fonctionné jusqu’à présent en
Egypte. Pourquoi ?
Enseignants non formés
«
Essentiellement parce que les enseignants n’ont pas été
préparés à ce système de manière adéquate. Et aussi parce
que les anciennes méthodes étaient très ancrées au point
qu’il n’était pas facile de les changer. Beaucoup
d’enseignants sont restés confinés dans l’ancien système
basé sur l’apprentissage par cœur. Simplement, ils ne
savaient pas comment apprendre aux élèves à être créatifs »,
affirme Hamed Ammar. Et d’expliquer que le système éducatif
égyptien fonctionne d’une manière comparable à celle d’une
banque. « L’enseignant a un capital d’informations qu’il
transmet aux élèves un peu comme se transmet l’argent au
comptoir d’une banque. Et au moment de l’examen, les élèves
doivent réciter ce capital d’informations pour être admis »,
affirme le pédagogue. Résultat : la qualité de
l’enseignement en Egypte ne répond toujours pas aux normes
mondiales. L’Egypte figure en mauvaise place dans les
rapports de la Banque mondiale sur la qualité du système
éducatif dans le monde, loin derrière les pays du Golfe.
Hamed Ammar souligne que les manuels scolaires renferment
toujours énormément de bourrage. « Ces manuels doivent être
changés. C’est une nécessité. Il faut former un comité pour
mettre à jour les manuels scolaires au moins une fois tous
les trois ans », propose Ammar.
Durant
des années, le système éducatif égyptien a souffert d’une
grande négligence. Ce n’est qu’au début des années 90 qu’une
attention a été accordée à ce secteur, lorsque le
gouvernement a pris conscience qu’une modernisation de
l’enseignement était impérative pour développer l’économie.
Collaboration
Cependant, les tentatives sont restées isolées et manquaient
d’une vision globale. Ce n’est qu’en 2002-2003 qu’une vision
globale a été élaborée en collaboration avec des
organisations internationales, comme l’Unesco et la Banque
mondiale, et une coopération bilatérale avec certains pays
dont les Etats-Unis, la France, l’Allemagne et le Canada.
Objectif : améliorer la qualité de l’enseignement afin
d’être au niveau des normes mondiales.
Si le
changement des méthodes d’enseignement paraît la voie vers
une réforme réussie du secteur, la formation des enseignants
semble être l’autre pilier de cette réforme. « Durant des
années, les enseignants n’ont bénéficié d’aucune formation
continue en Egypte. Résultat : leur niveau est loin de
répondre aux critères de qualité internationaux », constate
Rachad Abdel-Latif, vice-directeur du Centre des recherches
éducatives. C’est l’autre grand problème auquel le nouveau
ministre sera confronté. Le ministère de l’Education avait
créé, il y a deux ans, une académie professionnelle pour
former les 1,25 million d’enseignants que compte l’Egypte
dans les différents cycles scolaires. Les enseignants sont
appelés à passer les examens élaborés par l’académie afin
d’obtenir des permis d’enseignement de cinq niveaux
différents déterminés par le ministère. Tout enseignant qui
remplit ces critères obtient une augmentation de salaire de
50 à 150 %. Mais cette formation ne sera pas efficace, selon
certains, si elle est formelle et manque de fonds. « Les
enseignants vont apprendre des méthodes pédagogiques
difficiles à appliquer sous les conditions lamentables dont
souffrent les écoles publiques, surtout celles qui sont dans
les provinces », souligne Mohamad Abdel-Zaher, un autre
pédagogue.
Manque
d’infrastructures
Le
troisième grand dossier est celui des infrastructures
scolaires. Le nombre d’écoles ne suffit pas pour absorber la
croissance démographique. C’est ce qu’affirme Moustapha
Abdel-Samie, ancien ministre adjoint. Et d’expliquer que
toute réforme de l’enseignement pourrait s’avérer vaine si
ce problème n’est pas résolu. « Dans la plupart des écoles,
la densité dans les classes se situe entre 50 et 70 élèves
», indique Abdel-Samie. Le gouvernement a annoncé un plan
visant à construire 3 500 écoles en 6 ans et à ouvrir 8 000
nouvelles classes tous les ans pour diminuer la densité dans
les classes et pour combler le manque dans certaines régions.
Mais le gouvernement a besoin de fonds s’il veut augmenter
le nombre d’écoles. Une des solutions consiste à engager
davantage le secteur privé dans la construction des écoles.
Selon Hamed Ammar, il est impératif que le gouvernement
mette plus de fonds dans le processus éducatif notamment
pour la construction des écoles. « La hausse dans le budget
de l’éducation doit être orientée vers la construction
d’écoles équipées de terrains de jeu et de laboratoires. 7 %
seulement du budget de l’enseignement en Egypte sont
destinés aux infrastructures scolaires », explique Ammar.
Lors
d’un discours devant le Parlement, Ahmad Zaki Badr a affirmé
être conscient des problèmes. « Certains problèmes se
trouvent en dehors du ministère de l’Education, comme
l’augmentation du nombre d’élèves du fait de la croissance
démographique et notre potentiel limité en tant que pays en
développement. Mais nous ferons le maximum pour résoudre ces
problèmes », a-t-il déclaré. Il a souligné qu’une attention
particulière serait accordée au problème des cours
particuliers et de la négligence dans les établissements
scolaires. D’autre part, la priorité du ministère irait à
l’enseignement technique au cours de la prochaine phase, car
il est, selon lui, la pierre angulaire du développement
industriel. Pourtant, Badr n’a fixé aucun calendrier. Les
choses s’éclairciront plus avec le temps.
Ola
Hamdi