Nag Hammadi.
La visite au Caire d’une délégation de la Commission
américaine des libertés religieuses, deux semaines après
l’attentat, a soulevé des réactions controversées. Perçue
par certains comme une ingérence étrangère.
Ingérence ou simple visite ?
Coopération
sur le dossier des droits de l’homme ou ingérence étrangère
? La délégation de la Commission américaine pour la liberté
religieuse dans le monde (USCIRF), arrivée vendredi dans la
capitale pour une visite d’une semaine, a tenu une réunion à
huis clos avec l’ambassadeur Waël Aboul-Magd, assistant
adjoint du ministre des Affaires étrangères. Ce n’est pas la
première du genre et elle s’inscrit dans le cadre d’une
tournée au Proche-Orient. Officiellement, il s’agit d’une
visite de routine. C’est ce qu’affirme l’ambassade des
Etats-Unis au Caire dans un communiqué : « La visite est
programmée depuis longtemps et n’est pas directement liée à
un événement précis ». Selon l’attachée de presse de
l’ambassade, Margaret White, la visite est effectuée
préalablement à la publication du rapport annuel de la
commission. « En Egypte, les membres de la délégation
s’entretiendront avec des responsables du gouvernement, des
dirigeants religieux et des représentants de la société
civile », indique encore l’ambassade.
Cependant, le contexte dans lequel intervient la visite deux
semaines seulement après l’attentat de Nag Hammadi, où 6
coptes et 1 musulman ont été tués le 6 janvier dans une
attaque armée contre l’église de la ville, a donné lieu à
des critiques.
L’Egypte
accueille des membres de l’USCIRF depuis 1998, or cette
année, leur visite intervient sur fond de critiques
internationales qui ont visé l’Egypte après l’attentat de
Nag Hammadi. Certains officiels et commentateurs dénoncent
une ingérence dans les affaires du pays. Dans les rangs des
coptes, on est divisé sur l’attitude à adopter. « Un grand
nombre de coptes refusent de telles interventions et les
considèrent comme une ingérence étrangère qui porte atteinte
à l’unité nationale », lance l’intellectuel copte Medhat
Béchaï. Mais cela ne signifie pas que tout va pour le
meilleur du monde en Egypte, ajoute-t-il. « Il y a des
problèmes mais nous devons les régler entre Egyptiens »,
rétorque-t-il. Cependant, certains ne sont pas d’accord avec
cet avis. Pour eux, tout moyen qui permet de faire bouger
les choses est le bienvenu. C’est notamment l’avis de Naguib
Gabriel, président de l’Union égyptienne des droits de
l’homme (ONG), qui refuse de considérer que ce genre de
visite représente une ingérence dans les affaires
intérieures de l’Egypte. « L’Egypte est un Etat membre des
Nations-Unies et est engagé à respecter les conventions et
les accords du droit international », estime Gabriel. Et
d’ajouter : « Si les pratiques discriminatoires contre les
coptes cessent, aucun pays étranger n’osera nous adresser
des accusations ».
Sur la
même longueur d’onde, Mohamad Mounir Mégahed, activiste de
l’ONG Egyptiens contre la discrimination religieuse,
souligne que les membres de ces délégations viennent en
Egypte avec l’approbation de l’Etat qui leur accorde des
visas d’entrée. « Cela n’a aucun sens de continuer à
dénoncer une ingérence, d’autant plus que la Convention
internationale relative aux droits civils et politiques
justifie cette ingérence dans les questions des droits de
l’homme », affirme Mégahed.
L’USCIRF
est une commission indépendante dont les membres (démocrates
et républicains) sont nommés par le président américain et
les dirigeants des deux partis. Outre la publication d’un
rapport annuel sur les violations des libertés religieuses
dans le monde, ils soumettent des recommandations au
président américain, au Département d’Etat et au Congrès.
Le
dernier rapport de l’USCIRF a jugé comme médiocre la
situation des droits de l’homme en Egypte et accusé le
gouvernement de pratiques opprimant les libertés
intellectuelles, religieuses et d’expression. Le prochain
rapport est attendu en avril.
Outre
les responsables au ministère des Affaires étrangères, les
membres de la délégation américaine se sont entretenus au
Caire avec des membres du Conseil national des droits de
l’homme. L’attaque de Nag Hammadi a été au centre des
discussions, mais aussi les droits des bahaïs et les
libertés religieuses en général.
« Ils
sont venus avec des préjugés et accusent le gouvernement
égyptien de vouloir atténuer les problèmes des coptes. Je
leur ai expliqué que ces idées sont incorrectes et que la
situation en Egypte est différente », déclare Ahmad Kamal
Aboul-Magd, président adjoint du Conseil national des droits
de l’homme (semi-officiel). Et d’expliquer que l’attentat de
Nag Hammadi s’est imposé sur l’agenda des discussions avec
les membres de la délégation américaine. Nabil Louqa Bébawi,
membre du Conseil consultatif, affirme que les coptes
d’Egypte ne sont pas opprimés et que la liberté du culte est
garantie. « La preuve en est que les auteurs de l’attentat
contre les coptes ont été arrêtés en moins de 48 heures ».
Fondateur et directeur de l’Initiative égyptienne pour les
droits de l’individu (EIPR), Hossam Bahgat, qui a été parmi
les militants qui se sont entretenus avec les membres de la
délégation américaine, résume son opinion en disant : «
Cette visite va déterminer si l’Egypte continuera à être
classée parmi les pays sous observation qui ont des
problèmes relatifs aux libertés religieuses, ou sera
considéré comme un pays à risque dans ce domaine ». Un
dossier épineux qui à chaque occasion soulève de multiples
controverses.
Chérif Albert