Pays Arabes.
A l’aune
du taux de croissance, les économies arabes sont bien
classées par rapport à d’autres régions du monde. Cependant,
d’après les perspectives économiques de la Banque mondiale
pour 2010, les risques sont énormes.
Le
pire est encore à craindre
Des
rayons de soleil qui traversent tant bien que mal un nuage
épais. Et il y aurait de l’orage dans l’air et donc des
turbulences. C’est grosso modo l’illustration de la
couverture du dernier rapport de la Banque mondiale.
C’est
dans ce climat que baignent les pays de la région arabe. Ce
n’est pas encore l’après-crise, mais la Banque mondiale
commence à prévenir que « le redressement économique mondial
va ralentir cette année », lorsque l’effet des programmes de
relance budgétaire commencera à se dissiper. Les marchés
financiers sont encore déréglés et le chômage élevé.
Selon le
rapport 2010 sur les perspectives économiques mondiales
(Global Economic Prospects – GEP 2010) publié le jeudi 21,
les retombées de la crise vont transformer le paysage
financier et le profil de la croissance au cours des dix
prochaines années. C’est ce qui est connu sous le terme : «
Le nouveau mode normal (the new normal) ». Justin Lin,
économiste en chef et premier vice-président de la Banque
mondiale pour l’économie du développement, explique : « On
ne peut malheureusement pas s’attendre à une reprise
miraculeuse après une crise aussi grave, car il faudra des
années pour reconstruire les économies et redresser la
situation de l’emploi. Les pauvres seront durement touchés
», a-t-il déclaré à l’occasion de la publication du rapport.
Le rapport attire l’attention sur le fait que, malgré le
retour à une croissance positive, il faudra des années pour
résorber les pertes économiques.
Selon
les estimations de la Banque mondiale, quelque 64 millions
de personnes supplémentaires seront acculées à la misère
(vivant avec moins de 1,25 dollar par jour) en 2010 à cause
de la crise. « Les pays les plus pauvres, qui sont
tributaires des subventions et des financements bonifiés,
pourraient avoir besoin de 35 à 50 milliards de dollars de
ressources supplémentaires, rien que pour financer les
programmes sociaux en place avant la crise », note Lin. Or,
le manque de financement reste le talon d’Achille des pays
en développement, dont les pays arabes. Ces derniers avaient,
lors des dernières années de croissance, profité des
Investissements Etrangers Directs (IED) des pays de la
région, riches en pétrole. Ainsi que des termes faciles de
l’emprunt. Ces temps sont révolus.
Le
rapport parle d’emprunts plus chers, de resserrement du
crédit et de réduction des apports de capitaux
internationaux dans les pays en développement. En outre, au
cours des 5 à 10 prochaines années, l’aversion accrue pour
le risque et la nécessité d’adopter des pratiques de prêt
moins libérales que pendant la période d’expansion qui a
précédé la crise se traduiront probablement par une
raréfaction, et donc un renchérissement des capitaux
destinés aux pays en développement.
« Le
resserrement de la conjoncture financière internationale va
engendrer une augmentation du loyer de l’argent, une
contraction du crédit et une réduction des apports de
capitaux étrangers pour les entreprises des pays en
développement. Au cours des 5, 6 ou 7 prochaines années, les
taux de croissance observés dans ces pays risquent donc
d’être inférieurs de 0,2 à 0,7 % à ce qu’ils seraient si
l’argent était resté aussi abondant et bon marché qu’avant
la crise », a déclaré Andrew Burns, auteur principal du
rapport.
La
région arabe ne fait pas exception. Il est vrai qu’elle a
moins souffert de la crise que les autres régions, vu les
taux de croissance positifs réalisés en 2009. Mais la
croissance de son PIB a ralenti de 2,9 % en 2009.
Globalement, le PIB de la région devrait progresser de 3,7 %
en 2010 et de 4,4 % en 2011. Ce scénario de reprise
présuppose d’ailleurs une reprise de la demande mondiale du
pétrole, la stabilisation des cours du pétrole et le
redressement des marchés d’exportation-clés. Des conditions
que la Banque mondiale ne peut guère confirmer.
Le
risque d’une récession prolongée
Le
rapport cite en revanche la probabilité d’une seconde
plongée dans la récession sur le plan mondial, un
avertissement cité à 6 reprises dans le premier chapitre,
sous le terme anglais « Double-Dip », à savoir une rechute.
Il est question de 3 scénarios tous probables : une reprise
au rythme actuel, une reprise à grande échelle et une
nouvelle plongée dans la récession.
Pour le
Moyen-Orient, les perspectives de croissance relativement
favorables en 2010-2011 restent en fait, en raison de la
probabilité de la prolongation de la récession mondiale, «
sujettes à des risques à la baisse », selon le rapport. Les
tensions politiques de la région ne feront que restreindre
les flux des capitaux internationaux. Bref, si la croissance
tient relativement bon, ce sera grâce à la continuation des
plans de stimulation gouvernementaux. Les indices de
pauvreté et de chômage, déjà pas reluisants, resteront en
hausse comme témoins du grand défit de la croissance. Que
dire alors en cas de récession ?
L’effet
Dubaï World
Le
rapport souligne les difficultés financières de Dubaï World
holding et aussi de deux grandes maisons financières
saoudiennes pour dire que les institutions financières de la
région ne sont pas aussi immunisées que l’on pense contre la
crise mondiale. Ce qui pousse la Banque mondiale à prévoir
que la région connaîtra « davantage de pertes financières à
grande échelle », notamment en raison de niveaux très élevés
d’investissements immobiliers lors des dernières années, et
donc une hausse des prix, « comme en Egypte et au Maroc où
les prix des propriétés ont particulièrement augmenté »,
précise le rapport.
La crise
de Dubaï a touché également le flux des investissements
étrangers, notamment ceux qui avaient pour destination les
économies plus diversifiées de la région (dont l’Egypte fait
partie). En 2009, le Maroc et la Tunisie ont connu une
baisse de 35 %, la Jordanie de 80 %. Ce déclin a reflété le
début du déclenchement de la crise de Dubaï, d’après le
rapport, ce qui a entraîné une détérioration des conditions
du marché. Ainsi, les pays du Golfe ont mis en suspens les
plans des IED qu’ils voulaient injecter dans la région. Les
pays du Mashreq (Jordanie, Liban et Syrie) ont été
particulièrement touchés par la crise de Dubaï en raison des
fortes relations économiques avec les pays du Golfe. Cela
sera désormais traduit par moins d’offres d’emploi aux
travailleurs de la région vers ces pays, moins de transfert
d’argent et donc moins de consommation dans leurs patries.
C’est la seconde phase des impacts de la crise mondiale qui
frapperait le monde arabe, d’après la Banque mondiale.
Salma
Hussein