Al-Ahram Hebdo, Economie | Le pire est encore à craindre
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 27 janvier au 2 février 2010, numéro 803

 

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Economie

Pays Arabes. A l’aune du taux de croissance, les économies arabes sont bien classées par rapport à d’autres régions du monde. Cependant, d’après les perspectives économiques de la Banque mondiale pour 2010, les risques sont énormes.

Le pire est encore à craindre

Des rayons de soleil qui traversent tant bien que mal un nuage épais. Et il y aurait de l’orage dans l’air et donc des turbulences. C’est grosso modo l’illustration de la couverture du dernier rapport de la Banque mondiale.

C’est dans ce climat que baignent les pays de la région arabe. Ce n’est pas encore l’après-crise, mais la Banque mondiale commence à prévenir que « le redressement économique mondial va ralentir cette année », lorsque l’effet des programmes de relance budgétaire commencera à se dissiper. Les marchés financiers sont encore déréglés et le chômage élevé.

Selon le rapport 2010 sur les perspectives économiques mondiales (Global Economic Prospects – GEP 2010) publié le jeudi 21, les retombées de la crise vont transformer le paysage financier et le profil de la croissance au cours des dix prochaines années. C’est ce qui est connu sous le terme : « Le nouveau mode normal (the new normal) ». Justin Lin, économiste en chef et premier vice-président de la Banque mondiale pour l’économie du développement, explique : « On ne peut malheureusement pas s’attendre à une reprise miraculeuse après une crise aussi grave, car il faudra des années pour reconstruire les économies et redresser la situation de l’emploi. Les pauvres seront durement touchés », a-t-il déclaré à l’occasion de la publication du rapport. Le rapport attire l’attention sur le fait que, malgré le retour à une croissance positive, il faudra des années pour résorber les pertes économiques.

Selon les estimations de la Banque mondiale, quelque 64 millions de personnes supplémentaires seront acculées à la misère (vivant avec moins de 1,25 dollar par jour) en 2010 à cause de la crise.  « Les pays les plus pauvres, qui sont tributaires des subventions et des financements bonifiés, pourraient avoir besoin de 35 à 50 milliards de dollars de ressources supplémentaires, rien que pour financer les programmes sociaux en place avant la crise », note Lin. Or, le manque de financement reste le talon d’Achille des pays en développement, dont les pays arabes. Ces derniers avaient, lors des dernières années de croissance, profité des Investissements Etrangers Directs (IED) des pays de la région, riches en pétrole. Ainsi que des termes faciles de l’emprunt. Ces temps sont révolus.

Le rapport parle d’emprunts plus chers, de resserrement du crédit et de réduction des apports de capitaux internationaux dans les pays en développement. En outre, au cours des 5 à 10 prochaines années, l’aversion accrue pour le risque et la nécessité d’adopter des pratiques de prêt moins libérales que pendant la période d’expansion qui a précédé la crise se traduiront probablement par une raréfaction, et donc un renchérissement des capitaux destinés aux pays en développement.

« Le resserrement de la conjoncture financière internationale va engendrer une augmentation du loyer de l’argent, une contraction du crédit et une réduction des apports de capitaux étrangers pour les entreprises des pays en développement. Au cours des 5, 6 ou 7 prochaines années, les taux de croissance observés dans ces pays risquent donc d’être inférieurs de 0,2 à 0,7 % à ce qu’ils seraient si l’argent était resté aussi abondant et bon marché qu’avant la crise », a déclaré Andrew Burns, auteur principal du rapport.

La région arabe ne fait pas exception. Il est vrai qu’elle a moins souffert de la crise que les autres régions, vu les taux de croissance positifs réalisés en 2009. Mais la croissance de son PIB a ralenti de 2,9 % en 2009. Globalement, le PIB de la région devrait progresser de 3,7 % en 2010 et de 4,4 % en 2011. Ce scénario de reprise présuppose d’ailleurs une reprise de la demande mondiale du pétrole, la stabilisation des cours du pétrole et le redressement des marchés d’exportation-clés. Des conditions que la Banque mondiale ne peut guère confirmer.

Le risque d’une récession prolongée

Le rapport cite en revanche la probabilité d’une seconde plongée dans la récession sur le plan mondial, un avertissement cité à 6 reprises dans le premier chapitre, sous le terme anglais « Double-Dip », à savoir une rechute. Il est question de 3 scénarios tous probables : une reprise au rythme actuel, une reprise à grande échelle et une nouvelle plongée dans la récession.

Pour le Moyen-Orient, les perspectives de croissance relativement favorables en 2010-2011 restent en fait, en raison de la probabilité de la prolongation de la récession mondiale, « sujettes à des risques à la baisse », selon le rapport. Les tensions politiques de la région ne feront que restreindre les flux des capitaux internationaux. Bref, si la croissance tient relativement bon, ce sera grâce à la continuation des plans de stimulation gouvernementaux. Les indices de pauvreté et de chômage, déjà pas reluisants, resteront en hausse comme témoins du grand défit de la croissance. Que dire alors en cas de récession ?

L’effet Dubaï World

Le rapport souligne les difficultés financières de Dubaï World holding et aussi de deux grandes maisons financières saoudiennes pour dire que les institutions financières de la région ne sont pas aussi immunisées que l’on pense contre la crise mondiale. Ce qui pousse la Banque mondiale à prévoir que la région connaîtra « davantage de pertes financières à grande échelle », notamment en raison de niveaux très élevés d’investissements immobiliers lors des dernières années, et donc une hausse des prix, « comme en Egypte et au Maroc où les prix des propriétés ont particulièrement augmenté », précise le rapport.

La crise de Dubaï a touché également le flux des investissements étrangers, notamment ceux qui avaient pour destination les économies plus diversifiées de la région (dont l’Egypte fait partie). En 2009, le Maroc et la Tunisie ont connu une baisse de 35 %, la Jordanie de 80 %. Ce déclin a reflété le début du déclenchement de la crise de Dubaï, d’après le rapport, ce qui a entraîné une détérioration des conditions du marché. Ainsi, les pays du Golfe ont mis en suspens les plans des IED qu’ils voulaient injecter dans la région. Les pays du Mashreq (Jordanie, Liban et Syrie) ont été particulièrement touchés par la crise de Dubaï en raison des fortes relations économiques avec les pays du Golfe. Cela sera désormais traduit par moins d’offres d’emploi aux travailleurs de la région vers ces pays, moins de transfert d’argent et donc moins de consommation dans leurs patries. C’est la seconde phase des impacts de la crise mondiale qui frapperait le monde arabe, d’après la Banque mondiale.

Salma Hussein  

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