Afghanistan.
Une conférence internationale est prévue à Londres le 28
janvier dans le but de promouvoir une réconciliation avec
les talibans. Une politique qui n’a trouvé encore aucun écho
chez les rebelles.
La main
tendue aux talibans
Réalisant
que la politique du bâton ne remportera aucun fruit avec des
talibans décidés à semer le trouble dans le pays, le
président afghan, Hamid Karzaï, a décidé cette semaine de
changer de politique vis-à-vis des rebelles. Renonçant au
langage des menaces, M. Karzaï a révélé, samedi, les grandes
lignes de son plan de réconciliation avec les insurgés,
proposant argent et travail à ceux qui abandonneront la
lutte armée afin de faciliter leur retour à la vie civile.
Il a même proposé des postes du gouvernement aux rebelles
qui déposent les armes. « Les militants les plus durs parmi
les talibans, membres d’Al-Qaëda ou d’autres groupes
extrémistes, ne seront pas acceptés », a néanmoins indiqué
le président.
Adoptant la même politique
de réconciliation vis-à-vis des rebelles, le gouvernement
pakistanais a également décidé de tendre la main aux
talibans afghans, y compris à leurs chefs, pour contribuer à
la réconciliation chez son voisin, a déclaré samedi le
ministère pakistanais des Affaires étrangères. « Nous
tentons de leur tendre la main, à tous les niveaux. Nous
voudrions tous voir nos efforts couronnés de succès mais
pour l’heure, c’est très difficile à dire », a dit le porte-parole
du ministère, Abdul-Basit.
A l’attente d’une lueur
d’espoir pour ce pays déchiré, la Commission électorale
afghane indépendante (IEC) a reporté, dimanche, les
législatives prévues le 22 mai prochain jusqu’au 18
septembre, en raison des problèmes de sécurité, des
incertitudes et du défi logistique, a déclaré Fazal Manawi,
un haut responsable de l’IEC.
Or, pour l’heure, aucune
lueur d’espoir ne paraît à l’horizon. Comme prévu, cette
politique de main tendue n’a remporté aucun fruit avec les
deux principaux groupes rebelles qui ont rejeté cette
semaine l’offre du président afghan et d’Islamabad à la fois.
Selon un porte-parole des rebelles, les talibans ne sont pas
à vendre. « Si nous étions tentés par l’argent, nous aurions
accepté ce que les Américains voulaient avant l’invasion et
nous serions aujourd’hui au pouvoir avec plein d’argent », a
affirmé le porte-parole. Parallèlement, un porte-parole de
Gulbuddin Hekmatyar, considéré comme l’un des plus
importants chefs de guerre conduisant l’insurrection en
Afghanistan, a déclaré que les conditions posées par M.
Hekmatyar restaient inchangées : retrait des troupes
étrangères du pays, cessez-le-feu, libération des
prisonniers et mise en place d’un gouvernement d’intérim.
Selon certains experts, les talibans rejettent les offres de
Karzaï car ils n’ont pas confiance en lui, ils pensent qu’il
les trahira et qu’il les livrera ensuite aux puissances
étrangères. « Le gouvernement afghan doit donc redoubler
d’efforts pour convaincre les talibans de renoncer au
terrorisme et de travailler avec Kaboul », affirment les
experts.
Les talibans plus forts
En effet, cette politique
de réconciliation intervient dans un moment critique où les
talibans sont devenus plus actifs que jamais dans le pays.
La semaine dernière, ces insurgés ont gravement frappé le
centre de Kaboul, le transformant en champ de bataille
pendant plusieurs heures quand un groupe d’au moins sept
talibans — et jusqu’à vingt selon leur porte-parole — a
attaqué le centre de la capitale, y semant la terreur.
L’opération commando menée par des personnes lourdement
armées et munies de ceintures d’explosifs visait le palais
présidentiel, des ministères et un centre commercial au cœur
de la capitale. Les rebelles ont ainsi adressé un message au
gouvernement afghan et aux forces internationales : nous
pouvons frapper où et quand nous le voulons. En attaquant le
centre de Kaboul — seul endroit d’Afghanistan où la sécurité
est sous le contrôle des forces afghanes et non des 113 000
soldats des forces internationales — les talibans ont mis en
lumière la fragilité de la police et de l’armée, estiment
les experts.
Le volet civil, première préoccupation américaine
A la veille de la
conférence de Londres où le président afghan, Hamid Karzaï,
a annoncé qu’il présenterait son nouveau programme de
réconciliation aux talibans, les puissances occidentales,
entre autres l’Allemagne, la Grande-Bretagne et à leur tête
les Etats-Unis, ont fait du volet civil et de la
réintégration des talibans dans la société leurs deux
priorités par excellence. N’oublions pas que déjà la
stabilisation de l’Afghanistan était en tête de l’agenda de
la politique étrangère du président Barack Obama depuis son
accession au pouvoir. Toutefois, ce pays reste jusqu’à
présent confronté à des difficultés en matière de sécurité
et sur le front social. « Les talibans font partie du
paysage politique en Afghanistan », a reconnu samedi le
secrétaire américain à la Défense Robert Gates, tout en
laissant entendre que leur réintégration n’était possible
que s’ils déposaient les armes et participaient à des
élections, entre autres. « La question est de savoir s’ils
sont prêts à jouer un rôle légitime dans le processus
politique en cours, à savoir participer aux élections,
cesser d’assassiner les responsables des autorités locales
et de tuer des famille », a dit M. Gates, en regrettant que
Washington ait, dans les années 1990, « abandonné »
l’Afghanistan et « rompu » avec le Pakistan. Selon lui,
cette « grave erreur » a conduit à la montée en puissance
des extrémistes dans la région. Saluant le nouveau plan de
Karzaï concernant la réintégration des talibans, M. Gates a
estimé qu’il lui semblait peu probable que les chefs
rebelles acceptent une réconciliation avec le gouvernement,
assurant toutefois que des talibans de rang inférieur
pourraient être ouverts à un processus de paix, car ces
derniers se battent pour de l’argent ou pour la protection
de leurs familles.
Reconnaissant que la
communauté internationale a contribué à l’épanouissement des
talibans, Richard Holbrooke, émissaire spécial du président
américain pour l’Afghanistan et le Pakistan, a constaté les
lacunes de la stratégie internationale déployée après le
renversement du régime taliban en 2001. Un exemple : « On
dépensait plus d’argent pour l’éradication du pavot que pour
le développement de l’agriculture afghane ». Un autre : « La
coordination de l’effort civil a été un manquement majeur »
de l’action internationale jusqu’à présent. Selon
l’émissaire américain, l’accent sera mis, lors de la
conférence internationale de Londres, sur le volet civil, la
nécessité de renforcer les institutions afghanes et la
consolidation du rôle de l’Onu.
Dans le cadre des efforts
internationaux visant la reconstruction et la stabilité de
l’Afghanistan, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary
Clinton, a dévoilé cette semaine une stratégie civile à long
terme pour l’Afghanistan et le Pakistan afin de rétablir la
stabilité dans la région. « L’engagement civil américain
dans ces deux pays continuera après le retrait de nos
troupes et les Etats-Unis se sont engagés à nouer des liens
durables avec ces deux pays », a affirmé Mme Clinton. La
stratégie comporte une augmentation importante du nombre
d’experts civils déployés dans les ministères du
gouvernement central afghan et dans les provinces du pays.
Elle propose également plusieurs nouveaux moyens pour lutter
contre le trafic de drogue — qui est devenu une source de
revenus fondamentale pour beaucoup de fermiers afghans, tels
que le développement de l’agriculture et le démantèlement
des réseaux de trafic de drogue. Selon la stratégie, le
gouvernement américain soutiendra également les efforts du
gouvernement afghan pour réintégrer les talibans qui ont
abandonné Al-Qaëda et ont cessé les violences.
Le président américain,
Barack Obama, a annoncé en décembre dernier que les
Etats-Unis enverraient 30 000 soldats supplémentaires en
Afghanistan et commenceraient à en retirer dès juillet 2011.
Les alliés des Américains ont également promis d’envoyer 6
800 soldats supplémentaires dans le pays.
Depuis trois ans, la
rébellion menée par les talibans a gagné du terrain en dépit
de l’augmentation régulière du nombre de soldats étrangers
en huit ans, qui atteint aujourd’hui 113 000, dont environ
71 000 Américains.
Maha Al-Cherbini