Al-Ahram Hebdo,Monde Arabe | Le retour d’Al-Qaëda
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 Semaine du 2 au 8 septembre 2009, numéro 782

 

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Arabie Saoudite . L’attentat suicide qui a visé le responsable de la lutte antiterroriste et membre de la famille royale met à jour le danger que représente Al-Qaëda dans la péninsule arabique.

Le retour d’Al-Qaëda

Les autorités saoudiennes sont en effervescence. Et pour cause : l’attentat qui a visé le 27 août un membre de la famille royale, le prince Mohamad bin Nayef bin Abdel-Aziz, responsable de la lutte antiterroriste et fils du ministre de l’Intérieur, remet sur le tapis la présence dans le royaume de l’organisation terroriste d’Al-Qaëda, qui a revendiqué l’attentat suicide. L’inquiétude est renforcée par le fait que celui-ci est le premier à viser un responsable de ce rang et un membre de la famille royale depuis 2003.

L’attaque s’est produite à Djeddah (ouest), au moment où le prince recevait des convives pour le féliciter pour le mois sacré musulman du Ramadan. L’assaillant, un « terroriste recherché », avait exprimé son intention de se rendre au prince, qui avait accepté cette proposition. C’est alors que le terroriste a fait exploser une bombe dissimulée dans son corps lors des opérations de contrôle.

Le prince Mohamad bin Nayef est à l’origine de la création, il y a trois ans, d’un centre de réhabilitation pour remettre dans le droit chemin les activistes saoudiens libérés de la prison américaine de Guantanamo et certains islamistes radicaux arrêtés dans le pays. L’établissement créé par le prince constitue l’un des principaux éléments de la politique saoudienne pour empêcher une reprise des attentats d’Al-Qaëda dans le pays, secoué par une vague d’attaques entre 2003 et 2006 contre des installations pétrolières et des cibles étrangères. Celles-ci ont coûté la vie à plus de 100 Saoudiens et étrangers.

Al-Qaëda dans la Péninsule Arabique (AQPA), réseau né du ralliement de la branche saoudienne d’Al-Qaëda à celle du Yémen, a revendiqué l’attentat dans un communiqué rapporté par le Centre américain de surveillance des sites islamistes (SITE). Durant et après la vague d’attentats, des centaines de suspects ont été arrêtés dans le royaume et des dizaines tués. Le 19 août, dans le cadre de la poursuite de lutte antiterroriste, le ministère de l’Intérieur avait annoncé l’arrestation de 44 personnes présentées comme les membres d’une cellule de recrutement et de soutien à Al-Qaëda. Et le 8 juin dernier, la justice avait rendu son verdict dans les procès de 330 membres présumés d’Al-Qaëda, comportant au moins une condamnation à mort.

A la suite de l’attentat, le roi Abdallah a évoqué des « manquements à la sécurité ». En effet, le kamikaze, qui a tenté d’assassiner le vice-ministre de l’Intérieur, Abdallah Hassan Taleh Assiri, alias Aboul-Kheir, était entré en Arabie saoudite depuis le Yémen en disant vouloir se rendre aux autorités, puis a rallié Djeddah en provenance de Najrane, près de la frontière. Il a pu ainsi passer les contrôles de deux aéroports saoudiens, ceux de Najrane (sud) et de Djeddah (ouest), sans que l’on détecte les explosifs qu’il portait. Il figurait sur une liste saoudienne de 85 personnes les plus recherchées d’Al-Qaëda. Les observateurs estiment que beaucoup d’entre eux, dont d’anciens détenus de Guantanamo, se trouvent au Yémen voisin. « Il s’agit d’un Saoudien membre d’un groupe d’éléments terroristes saoudiens qui se trouvaient au Yémen et qui étaient pourchassés par les services de sécurité », a précisé le ministre yéménite des Affaires étrangères, Abou Bakr Al-Qourbi. « Tout le monde sait que les éléments terroristes se déplacent entre l’Iraq et les pays voisins et entre le Yémen et l’Arabie saoudite », a-t-il expliqué.

Le Yémen, base arrière

La tentative d’assassinat du prince Mohamad bin Nayef laisse penser que le réseau d’Al-Qaëda souhaite faire du Yémen sa nouvelle base arrière dans la région. AQPA s’est installé au Yémen après avoir été chassé par la lutte antiterroriste du gouvernement saoudien.

La discrétion d’Al-Qaëda dans la région depuis le début de l’année était en fait consacrée à sa consolidation et à la préparation d’attaques et AQPA, en s’attaquant directement à la famille royale de l’Arabie saoudite, a voulu montrer de quoi il était capable, estiment les analystes. « Si elle avait réussi, cela aurait été une victoire incroyablement significative dans la propagande d’Al-Qaëda dans la péninsule arabique », dit Christopher Boucek, associé du programme Carnegie pour le Moyen-Orient.

AQPA est dirigé par un Yéménite, Nasser Al-Wabash, mais a nommé comme commandants deux Saoudiens libérés du camp de détention américain de Guantanamo et passés par le programme de réhabilitation des anciens islamistes en Arabie saoudite. Même si l’un d’entre eux s’est rendu ensuite aux autorités, cela a constitué un revers considérable pour ce programme souvent cité en exemple et dont la monarchie saoudienne dit que les succès sont plus nombreux que les échecs. Ce programme n’aurait servi à rien sans la chasse intensive de rebelles islamistes à mettre au crédit de l’Arabie saoudite. « Toutes ces mesures souples de l’antiterrorisme n’ont été possibles que parce qu’il y a eu des victoires sur le plan sécuritaire auparavant. Cet (attentat) ne va que revigorer ceux qui mènent cette lutte sécuritaire », estime Boucek.

Riyad craint que la nébuleuse d’Al-Qaëda, considérablement fragilisée sur son territoire, n’ait trouvé refuge dans les régions recluses du Yémen, dont les forces de sécurité sont déjà mobilisées par les révoltes tribales au nord et les violences séparatistes au sud. « On ne peut pas dire avec certitude s’il y a un lien direct entre le Yémen et l’attaque contre le prince Mohamad, mais les problèmes de sécurité au Yémen vont affecter la région », dit Boucek.

Les inquiétudes saoudiennes sont largement partagées par les Etats-Unis, qui doutent de la capacité de Sanaa à gérer le retour des prisonniers de Guantanamo. « Nous craignons que le Yémen ne devienne un abri sûr pour Al-Qaëda », a dit la conseillère antiterroriste du secrétariat d’Etat américain, Shari Villarosa, en juillet dernier. « Le Yémen collabore vraiment avec les Etats-Unis à améliorer son arsenal juridique antiterroriste, mais il y a encore beaucoup de progrès à faire », a-t-elle ajouté. La Maison Blanche s’attache à empêcher que le Yémen ne devienne un « nouvel Afghanistan », selon Shari Villarosa, qui constate que l’instabilité au Yémen nourrit le chaos en Somalie. « Juste derrière le duo Afghanistan-Pakistan, la Somalie et le Yémen sont nos deux objets d’inquiétude majeurs en ce qui concerne l’antiterrorisme », a-t-elle dit.

Sanaa s’est engagée dans la lutte antiterroriste aux côtés des Etats-Unis après le 11 septembre 2001, mais a été embarrassée lorsque le Pentagone a révélé qu’une attaque de drone avait tué le chef local d’Al-Qaëda sur son territoire en 2002. Le chef de la diplomatie yéménite a dit, au début du mois, que ses ressources pour combattre Al-Qaëda étaient limitées et a prié les Etats-Unis de partager davantage de renseignements.

La pauvreté et la corruption font du Yémen un paradis pour les recruteurs d’Al-Qaëda. La terre natale du père d’Ossama bin Laden compte 23 millions d’habitants dont deux-tiers de moins de 24 ans. Bien que le message idéologique d’Al-Qaëda trouve peu d’écho au Yémen, les jeunes y sont très sensibles lorsqu’on fait appel à leur sens de l’injustice.

Hicham Mourad

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