Elle
dérange parfois. Elle ne baisse pas les bras, car c’est son
rôle dans la vie. C’est la comédienne
Ghada Abdel-Razeq, avec
des films-chocs visant à briser les tabous.
Une
battante malgré tout
Cela
fait des mois qu’elle est enfermée dans les studios pour
participer à plusieurs feuilletons, dont Al-Batnéya et
Qanoune Al-Maraghi (la loi d’Al-Maraghi) prévus pour le
prochain Ramadan. « Jouer simultanément dans deux
feuilletons est épuisant, d’autant plus que ces rôles
représentent un nouveau pari », lance la comédienne Ghada
Abdel-Razeq qui tourne également un nouveau film Kallemni
choukrane (merci de m’appeler), toujours avec le réalisateur
Khaled Youssef. Le même duo a actuellement un film en salles,
à savoir Dokkane Chéhata (l’échoppe de Chéhata) avec la
pin-up libanaise Haïfa Wahbi. « Dans Kallemni choukrane,
j’incarne le rôle d’Achgane, une jeune fille sympathique
connue par son audace et ses critiques assez acerbes pour
tous ceux qui l’entourent, au point qu’elle participe, sans
le vouloir, à changer la vie des autres ». Une fois de plus,
elle campe un rôle qui brise les carcans ... Elle, qui s’est
attirée beaucoup de critiques en incarnant le rôle d’une
lesbienne dans un autre film signé Khaled Youssef.
Ghada
Abdel-Razeq ressemble, en fait, aux personnages qu’elle
incarne sur écran. Inébranlable, confiante, parfois même
vaniteuse, les yeux brillants, les phrases souvent concises
mais avec un sens sous-entendu ou caché.
Elle ne
nie pas que la chance a joué pour beaucoup dans sa vie. A
quatre ans, elle se met d’abord à la danse. A l’époque,
encore loin de son 1,80 m, elle peut se hisser sur les
pointes. Et pour combattre sa timidité, la petite Didi se
met aussi au théâtre. « Dès mon plus jeune âge, je me
sentais éprise par les différents arts : musique, danse,
chant et comédie. Je passais des heures à danser et à
chanter avant de découvrir en moi, quelques années après,
mon talent d’actrice. C’était une vocation innée qui s’est
imposée progressivement jusqu’à en faire ma carrière ».
Par
ailleurs, à 14 ans, elle a tenté une carrière de sportive,
en alternant natation et basket-ball. Mais le destin va en
décider autrement. Très vite, elle devient l’une des
actrices les plus prometteuses, grâce à un petit rôle dans
le film Lamada devant Chérihane. S’en suivra un rôle de
jeune juive dans le feuilleton Wadi Firane (la vallée Firane).
La
première fois devant les caméras : le coup de foudre. Tout
l’attirait vers ce monde étincelant, mais elle ne pensait
quand même pas à devenir une star.
Après un
BTS de secrétariat et d’informatique à l’Académie
britannique, la jeune Ghada ne s’est pas retrouvée dans ce
domaine. « J’aime le secrétariat et le domaine de
l’informatique, mais l’art c’est autre chose : les
projecteurs, la célébrité, l’expression et la créativité ».
Au bout
de quelques années, ce fut le succès foudroyant avec le rôle
de Neamattalah, une des quatre femmes d’un polygame dans le
feuilleton Aëlat al-hag Metwalli (la famille d’al-hadj
Métwalli). Une femme du peuple qui soutient son mari contre
tout. Un premier boom. Elle partage la vedette avec Nour Al-Chérif.
Elle confirme ses preuves sur le petit écran.
Progressivement, le hobby devient passion, voire une
carrière. Le hasard a bien fait les choses. « Le réalisateur
Khaled Youssef m’a contactée pour l’un des rôles de son film
Hina maysara (lorsque ça conviendra). J’ai joué quatre
scènes seulement dans le film, mais c’était le vrai début de
mon aventure cinématographique ».
Des
scènes parmi les plus controversées de sa carrière, puisque
la comédienne y a joué le rôle d’une lesbienne, rare dans le
cinéma arabe. « J’avoue avoir été prise de panique, mais le
réalisateur a réussi à me rassurer. Et il avait raison ».
Avec un
regard parfois sensuel et un rire toujours éclatant, Ghada
Abdel-Razeq essaye de garder tout le temps son allure de
star ou plutôt de femme attirante. De plus, elle sait mettre
en avant ses atouts. « Je sens parfois que je suis un
cocktail de femmes et de caractères féminins en même temps.
Je suis partagée par des sentiments différents et
contradictoires ».
Elle ose
également confier ses secrets de beauté, ajoutant qu’elle
cherche la perfection physique sans complexe : « Oui, j’ai
subi une chirurgie plastique pour refaire le nez et les
lèvres. J’ai trouvé que je serai plus belle ainsi, c’est mon
droit ». Certains déplorent néanmoins un visage de plus en
plus lisse, des pommettes un peu trop saillantes, des
sourcils qui remontent et des lèvres bougeant d’une manière
artificielle.
« La
beauté c’est être soi-même, tout simplement, embellir et
respecter soi-même. Quand tu t’assumes et que tu te plais,
les autres ne peuvent que te trouver sublime. La beauté,
c’est alors, et avant tout, un état d’âme ». Réponse
évidente pour celle que l’on reconnaît comme l’une des
actrices les plus coquettes et les plus sexy.
Mais
comme beaucoup de stars, elle est poursuivie par la presse
people qui traque le moindre de ses faits et gestes, une
médiatisation difficile à porter. Déjà en mai dernier, elle
déclarait dans les journaux : « Laissez-moi vivre ma vie en
paix ! ».
Ses
rapports avec la presse se sont progressivement détériorés.
D’aucuns rapportaient même que l’actrice avait dressé une
liste noire des critiques à qui elle refusait l’accès aux
avant-premières. Le pourquoi de ce refus ? Ils avaient dit
du mal d’un de ses précédents films. D’habitude célébrée
pour ses talents de comédienne, Ghada Abdel-Razeq a
dernièrement été la cible de critiques plutôt virulentes.
Trop de scènes osées dans ses dernières œuvres, secondées
certes par des tenues souvent légères.
Par
exemple, la comédienne a fait beaucoup parler d’elle pour
les nombreuses scènes où elle fumait le narguilé comme dans
le feuilleton Qanoune Al-Maraghi (la loi d’Al-Maraghi). Et à
elle de se justifier. « Le rôle exige que je paraisse ainsi.
C’est vraiment bizarre et décevant que le public confonde
encore entre le comportement des comédiens et leurs rôles à
l’écran ».
D’un
tempérament parfois volcanique, Ghada Abdel-Razeq n’a pas sa
langue dans sa poche ! Interrogée sur la concurrence avec
certaines comédiennes, elle rétorque : « Loin d’être en
concurrence avec les autres car je suis assez différente !
». Et d’ajouter : « L’herbe est toujours plus verdoyante
dans le jardin des voisins ». On sentait pointer une
certaine jalousie vis-à-vis de celles qui lui ont
anciennement ravi la vedette. « J’avoue avoir regretté ne
pas accepter de participer au feuilleton Hadis al-sabah
wal-massaa (discours du jour et de la nuit), mais j’étais
encore jeune, ce qui ne m’a pas aidée à prendre la bonne
décision ».
Une
femme déterminée, à la forte personnalité, un peu difficile
dit-on. Pendant la promotion d’Al-Rayes Omar Harb (le chef
Omar Harb), elle a quitté précipitamment le plateau de l’une
des chaînes satellites car elle ne voulait pas se retrouver
avec une collègue ! Femme hypothéquée, et parfois
intransigeante, Ghada Abdel-Razeq sait jouer à la dame de
fer quand elle le juge bon.
C’est
aussi parce que les moments difficiles n’ont pas manqué dans
sa vie. Derrière son image de star aristocrate, se cache une
femme qui a été endurcie par les épreuves. « Des problèmes,
j’en ai plein, mais aucun problème ne m’a volé la joie de
vivre. Je prétends avoir l’art de savoir vivre ou plutôt
survivre, le courage de vaincre mes maux et mes faiblesses !
».
Après
plusieurs années de mariage, elle s’est séparée de son
premier mari, le père de sa fille unique, Rotana. « Nous
menions une vie calme et stable dont le fruit est ma très
chère Rotana, mais nous avons décidé de divorcer pour une
incompréhension chronique », explique-t-elle. Une déception
qu’elle a vécue avec son deuxième mariage qui n’a duré que
quelques mois. Et ce ne sont pas les seules crises de sa
vie. Après 6 ans de vie commune et quelques films dont les
plus célèbres sont 45 jours, 90 minutes et Azmet charaf (problème
d’honneur), son troisième mariage avec le producteur Walid
Al-Tabëi se solde par un divorce. Une séparation qui,
avoue-t-elle, l’a frappée et l’a obligée à passer des
semaines « isolée » chez elle. Mais, Ghada est un roc et
veut prouver à la planète entière qu’elle est une actrice
convaincante et pas seulement l’ex-« femme de ». Et on ne
peut que lui donner raison. Depuis, elle multiplie ses
accords pour de nouveaux rôles. Toutefois, son rôle de mère
passe avant tout. Elle a une relation fusionnelle avec sa
fille Rotana. « Elle a aujourd’hui 19 ans, notre relation
est celle de deux amies, c’est une perle rare comme le
signifie son prénom : un genre raffiné de dattes, de
l’Arabie saoudite ».
Pour
tous ceux qui la connaissent, Ghada Abdel-Razeq n’en fait
qu’à sa tête. « Je n’aime pas les eaux stagnantes et je suis
fascinée par les flots. Etant donné que nous sommes arrivés
sur terre, il ne faut pas rester les bras croisés et
attendre qu’un changement tombe du ciel », martèle la
comédienne, fière d’avoir fait tomber certains tabous à
l’écran. « Mon ambition n’a pas de limites. Je rêve de
pouvoir un jour concurrencer au Festival de Cannes avec un
film en compétition et non pas en marge comme c’était le cas
des deux dernières années ! Je veux laisser une trace, créer
et changer, dans l’ultime but de présenter un art riche et
différent ».
Yasser Moheb