Akhénaton.
La réforme qu’il a menée, dite atonienne, est le thème d’une
exposition qui se déroule à Turin et organisée par
l’institution culturelle Palazzo Bricherasio. Elle devra
durer jusqu’à la mi-juin.
L’âge
atonien : une interprétation politique
Le
pharaon dit premier monothéiste par les uns et hérétique par
les autres a le rang de star actuellement à Turin. Stèles,
statues, statuettes, amulettes et monuments de différentes
tailles, couleurs et matières composent l’exposition «
Akhénaton, le pharaon du soleil ». Cette exposition a été
inaugurée récemment à la salle de l’institution italienne
Palazzo Bricherasio, à Turin en Italie. « J’ai organisé
cette exposition au Palazzo Bricherasio, qui se trouve à 500
mètres seulement du Musée égyptien de Turin, qui est en
phase de rénovation, car cette institution a reçu plus de
trente expositions au cours des dernières années », explique
l’égyptologue italien Francesco Tiradritti, l’organisateur
de l’exposition. Pour lui, cette exposition met en exergue
et focalise la dernière partie du règne de la XVIIIe
dynastie, notamment celui d’Akhénaton. Cette période a
fasciné, voire subjugué, beaucoup d’égyptologues, les
poussant à l’étudier. La présentation actuelle vise à «
réinsérer le règne d’Akhénaton dans le contexte social qui
caractérise le Nouvel Empire. Cette vision s’oppose à
l’interprétation la plus courante qui considère les années
du règne d’Akhénaton comme un épisode indépendant, qui n’a
rien à voir avec ce qui vient avant et après », renchérit
Tiradritti.
Disque
solaire, le Maître
A
travers 200 pièces sélectionnées des plus célèbres
collections égyptiennes d’Europe et d’Amérique, Francesco
Tiradritti, en coopération avec les Suisses Marie
Vandenbeusch et Jean-Luc Chappaz, tente d’affirmer que le
règne d’Akhénaton n’est pas un épisode sporadique dans
l’histoire égyptienne. Ainsi, l’exposition commence avec une
salle dédiée à la première partie de la XVIIIe dynastie. Les
principales figures qui caractérisent le règne d’Akhénaton
sont présentées. Une salle est dévouée aux premières années
du jeune pharaon Amenhotep IV qui, après être monté sur le
trône de l’Empire égyptien, avait promulgué une réforme
religieuse centrée sur la déification du disque solaire :
Aton. A la cinquième année de sa souveraineté, le pharaon
Amenhotep IV avait changé son nom en Akhénaton et avait
transféré la capitale royale à Tell Al-Amarna, une localité
de la Moyenne Egypte. Plusieurs salles de l’exposition sont
consacrées aux objets retrouvés parmi les ruines de cette
ville qu’Akhénaton avait nommée Akhet-Aton « l’horizon
d’Aton ».
Le règne
d’Akhénaton avait duré 17 ans dont la fin était marquée par
la venue de Toutankhamon au trône. L’exposition se termine
avec une représentation des objets datant de la fin de la
XVIIIe dynastie. Ainsi, lors d’une visite virtuelle, on
constate que l’exposition s’ouvre sur la période qui précède
l’âge amarnien ou atonien avec une tête de la statue
d’Amenhotep III, père d’Amenhotep IV, le futur Akhénaton. «
Cette tête vient de Cleveland et peut être considérée comme
l’un des plus beaux portraits du roi. C’est l’un d’environ
trente chefs-d’œuvre que représente l’exposition. Mais on a
surtout songé à choisir des objets qui viennent des réserves
des musées pour les montrer pour la première fois au public
», commente Tiradritti. Les salles Palazzo Bricherasio
présentent ainsi de petites statuettes qui proviennent de
Tell Al-Amarna, la capitale atonienne.
Puissance du clergé
D’ailleurs, le visiteur peut admirer les caractéristiques
des premières années du règne du pharaon du soleil. On y
rencontre la tête d’Akhénaton de Turin. Toutes ces pièces
reflètent le réalisme connu dans l’art amarnien par
excellence. Mais la réalisation la plus importante du début
du règne d’Amenhotep IV est sûrement la construction du
Gem-Pa-Aton. Il s’agit d’un temple dédié à Aton.
A cette
époque, le grand prêtre d’Amon-Rê avait acquis un pouvoir
tel d’arriver à être en contradiction avec la royauté
pharaonique. Cette montée d’influence avait eu lieu grâce
aux immenses revenus qui parvenaient grâce aux conquêtes
militaires des premiers souverains de la XVIIIe dynastie au
Proche-Orient. Ainsi, pendant les débuts du règne
d’Akhénaton, la puissance du clergé thébain était-elle
comparable à celle du roi lui-même. A une telle compétition,
voire concurrence et défi, est dédié un espace considérable
dans l’exposition. Le visiteur y trouve plusieurs salles qui
sont dédiées au déménagement de Thèbes à Tell Al-Amarna et à
la nouvelle capitale du royaume, Akhetaton. Parmi les objets
de la vie commune, on trouve aussi des chefs-d’œuvre de
l’art amarnien, comme les morceaux de statues inachevées qui
viennent des ateliers des sculpteurs ou la plaque qui
représente le roi Akhénaton ou son épouse Néfertiti, qui a
été utilisée comme logo pour l’exposition.
Pourtant,
l’exposition n’a pas nié la position fondamentale
d’Akhénaton au Proche-Orient et ses liens avec les pays
voisins. Elle comprend en fait une lettre du roi de Babylone,
Bourna-Bouriash, destinée au pharaon du soleil, Akhénaton.
Dans cette lettre, le roi de Babylone se plaint de ne pas
avoir reçu l’or que le souverain égyptien lui avait promis.
Persistance de l’art amarnien
Tous ces
objets représentent en fait la deuxième partie de
l’exposition, voire sa colonne vertébrale. Quant à la
dernière section de l’exposition, elle traite de l’influence
de l’art et de la culture amarniens sur les œuvres
artistiques qui ont été produites pendant les règnes des
successeurs d’Akhénaton. Dans cette section, on peut admirer
des stèles et des statues qui représentent les
fonctionnaires de l’Etat égyptien. Certes, c’est un retour à
la tradition égyptienne, avant l’avènement d’Akhénaton, mais
il n’a pas pu effacer les « doux traits et les formes
exemplaires de l’art amarnien », renchérit Tiradritti. Selon
lui, ces traces sont demeurées jusqu’au règne de Ramsès II.
Le règne
d’Akhénaton et l’art amarnien sont-ils une réforme
religieuse et artistique ? Ou bien s’agissait-il plutôt
d’une question politique ? L’exposition met en évidence la
position du roi et son défi qu’il avait pris en charge afin
de limiter le pouvoir des prêtres thébains. Une vision ou
plutôt une interprétation nouvelle du règne d’Akhénaton.
Mais sûrement, elle ne sera pas l’ultime.
Doaa
Elhami