Palestine.
Le Fatah et le Hamas se sont lancés dans des critiques et
des accusations mutuelles qui éloignent l’espoir d’une
réconciliation prochaine, malgré l’offensive israélienne sur
Gaza.
L’union introuvable
L’on
s’attendait, peut-être avec un peu trop d’optimisme, à ce
que l’offensive meurtrière sur le peuple palestinien de Gaza
unisse, ou du moins rapproche, les vues politiques. Loin de
là, hélas. Les dirigeants palestiniens semblent plus divisés
que jamais. Tel est le plus triste des constats à la suite
de l’offensive israélienne, qui a fait plus de 1 300 morts
et causé d’énormes destructions dans un territoire pauvre et
asphyxié par des mois de blocus.
Deux semaines en effet après la fin de l’opération
militaire, et au moment où les termes de la trêve sont
encore en discussion, le ton est gravement monté entre le
Hamas et le Fatah. Lundi, le Hamas a réclamé « une
restructuration immédiate » de l’Organisation de Libération
de la Palestine (OLP), cette organisation historique qui a
lancé la lutte palestinienne. C’est
Oussama Hamdane,
représentant du Hamas à Beyrouth, qui l’a déclaré à l’AFP,
appelant à une intégration à l’OLP du Hamas et du Djihad
islamique et accusant le président palestinien, Mahmoud
Abbas, d’entraver un accord de 2005 qui aurait permis
l’intégration des islamistes au sein de l’OLP. Selon
Hamdane, cet accord « prévoyait
la mise en place d’un comité sous la présidence de (Mahmoud)
Abbas pour décider de la restructuration de l’OLP, mais il a
refusé de convoquer une seule réunion de ce comité et c’est
lui qui a entravé » le processus.
Une déclaration qui intervient au lendemain d’une menace
lancée par le président palestinien à partir du Caire, où il
a affirmé qu’aucun dialogue sur la réconciliation
inter-palestinienne n’aurait
lieu « avec ceux qui ne reconnaissent pas l’OLP ». « Ils
doivent reconnaître (...) que l’organisation est le seul
représentant légitime du peuple palestinien et après cela,
(il pourra y avoir) dialogue ».
Mahmoud Abbas faisait allusion à l’appel lancé, la semaine
passée, par le chef du bureau politique en exil du Hamas,
Khaled Mechaal, en faveur d’une
nouvelle structure représentant « le peuple palestinien à
l’intérieur et dans la diaspora ».
Mechaal avait fait part de son intention de mettre en
place avec d’autres factions radicales une nouvelle
structure représentant les Palestiniens à la place de l’OLP.
Cette centrale, dirigée par le président Abbas, également
chef du Fatah, le rival du Hamas, regroupe les principaux
mouvements nationalistes palestiniens et chapeaute
l’Autorité palestinienne, mais le Hamas n’en fait pas
partie. « Le Hamas doit revenir sur cette déclaration faite
par Khaled Mechaal », a aussi insisté M. Abbas. Réponse du
Hamas : « Cela signifie qu’il ne veut pas que ce dialogue
réussisse », a dit Oussama Hamdane. M. Abbas a également
affirmé que l’ouverture permanente du terminal de Rafah
devait intervenir après une réconciliation entre
Palestiniens et aux termes de l’accord de 2005, selon lequel
des représentants de l’Autorité et des observateurs
européens doivent être présents à ce point de passage entre
l’Egypte et la bande de Gaza. Le Hamas, lui, veut un accord
de trêve, la levée du blocus israélien imposé à Gaza et la
réouverture des points de passage avant d’entamer un
processus de réconciliation.
Rivalité entre deux axes régionaux
Mahmoud Abbas s’en est ainsi violemment pris au Hamas,
l’accusant, sans le nommer, d’avoir joué avec la vie et
l’avenir des Palestiniens et d’avoir servi des intérêts
étrangers. « Ces gens ont risqué la vie du peuple (...), le
sang du peuple, la destinée du peuple, le rêve et l’espoir
du peuple d’établir un Etat palestinien indépendant », a
martelé M. Abbas qui, bien qu’il ne contrôle plus que la
Cisjordanie, demeure le principal interlocuteur de la
communauté internationale. « Et pourquoi ? En toute
franchise, à cause d’agendas qui ne sont pas palestiniens ».
Le mot a été donc lancé. Le président palestinien fait ainsi
du différend interne une question régionale.
Certains experts en effet estiment qu’une réconciliation
entre Mahmoud Abbas et le Hamas se heurte à la rivalité,
attisée par la récente guerre à Gaza, entre deux axes
régionaux : Iran-Syrie d’un côté, Arabie saoudite et Egypte
de l’autre. Après l’offensive israélienne, le Hamas a
proclamé une « victoire » qu’il entend mettre à profit pour
obtenir une légitimité de son pouvoir dans le territoire,
acquis après en avoir délogé le Fatah de M. Abbas lors d’un
coup de force en 2007. Le Hamas, majoritaire au Parlement,
est soutenu par la Syrie, siège du bureau politique du
mouvement, et l’Iran, deux bêtes noires de Washington. M.
Abbas bénéficie, lui, de l’appui de l’Egypte et de l’Arabie
saoudite, les puissances régionales alliées des Etats-Unis.
Quant au Qatar, qui abrite une base militaire américaine et
un bureau d’intérêt israélien, il s’est paradoxalement rangé
du côté de l’axe Téhéran-Damas. « La région est devenue
tellement polarisée et cela rend toute réconciliation (interpalestinienne)
extrêmement difficile à réaliser », souligne Nicolas Pelham,
analyste à l’International Crisis Group, cité par l’AFP. «
Toutes les parties se sont emparées de la question de Gaza,
devenue un point focal accentuant la polarisation. Un énorme
jeu se déroule dans la région » et entrave toute entente
palestinienne, ajoute-t-il.
A la veille de sa diatribe contre l’OLP en effet, M. Mechaal
et d’autres chefs de factions palestiniennes ont été reçus
par le président syrien Bachar Al-Assad, qui les a exhortés
à « exploiter politiquement la victoire de Gaza ». Le
porte-parole du Fatah, Ahmad Abdelrahmane, a immédiatement
réagi, dénonçant, sans citer la Syrie nommément, une « basse
interférence dans les affaires nationales palestiniennes »
et appelé « ceux qui complotent contre nous dans telle ou
telle capitale à retrousser les manches et à résister pour
libérer leur terre », une allusion au plateau du Golan
conquis par Israël à la Syrie.
Des jeux internes et régionaux complexes, des divisions
dangereuses qui font finalement le jeu d’Israël. L’absence
d’une direction palestinienne unifiée lui donne un prétexte
pour ne rien céder dans les négociations de paix et durcir
sa position de plus en plus, au moment où la droite
s’apprête à revenir au pouvoir en Israël.
Abir
Taleb