Directeur du Département des droits de l’homme à la Ligue
des Etats arabes, Mahmoud Rached
Ghaleb évoque la création le mois prochain du premier
organe arabe pour la supervision de la situation des droits
de l’homme dans le monde arabe.
« Cette expérience est nouvelle dans le monde arabe et
toutes les facilités lui seront octroyées »
Al-ahram
hebdo : Un comité arabe des droits de l’homme sera élu le
mois prochain au sein de la Ligue arabe. Sa mission
est de superviser l’état des droits de l’homme dans ces
pays. Comment a été créé ce premier mécanisme chargé de la
mise en vigueur de la première charte arabe des droits de
l’homme ? Quelles sont ses prérogatives ?
Mahmoud Rached Ghaleb :
Ce mécanisme, appelé « le comité arabe des droits de l’homme
», a été prévu dans la charte arabe des droits de l’homme,
qui est le premier document régional pour les droits de
l’homme dans le monde arabe. En effet, l’unique
rassemblement au monde qui ne disposait pas d’un document
régional pour les droits de l’homme était le monde arabe.
Cette charte est entrée en vigueur en mars 2008. Il était
donc nécessaire d’élaborer un mécanisme permettant de
contrôler la mise en exécution de la charte. Actuellement,
nous effectuons les préparatifs finaux pour la formation du
comité par le biais d’un vote à huis clos en mars prochain.
Ce comité recevra des rapports de la part des Etats
signataires. Ceux-ci sont jusqu’à maintenant 9 Etats parmi
les 22 membres de la Ligue arabe et d’autres sont sur le
point de signer le document. Les Etats signataires sont
appelés les Etats membres. Les rapports portent sur
l’application de la charte arabe des droits de l’homme dans
chaque Etat membre et le comité est chargé d’étudier les
rapports et de les discuter en présence d’un représentant de
l’Etat concerné. Ensuite, à la lumière des rapports reçus,
le comité élabore ses propres rapports et enregistre ses
remarques et avis pour les soumettre au Conseil de la Ligue
arabe, composé des représentants permanents des Etats
membres. Le comité est également chargé de faire parvenir
aux Etats membres des rapports évaluant la mise en exécution
de la charte et le respect de ses dispositions par chaque
gouvernement. Le comité a en outre obtenu le droit de
présenter directement ses rapports au Conseil de la Ligue
arabe. Chose nouvelle dans l’action arabe commune, puisque
auparavant, aucune question n’était soumise au Conseil que
par l’intermédiaire du secrétaire général, d’un des Etats ou
d’organes attachés au Conseil comme les comités permanents.
— Comment sera formé le comité arabe des droits de l’homme ?
— Le comité est formé de sept experts dans le domaine des
droits de l’homme. Les Etats membres déposent les noms de
leurs candidats et sept parmi eux seront élus selon leurs
compétences personnelles. Ils exerceront leurs fonctions en
tant qu’experts en la matière et non en tant que
représentants de leurs Etats. Et pour garantir le maximum
d’indépendance aux membres du comité et leur permettre de
jouer un rôle actif, la charte stipule que ceux-ci
disposeront d’un budget indépendant et d’un organisme
administratif propre à eux. La charte a également donné au
comité la liberté de fixer son statut intérieur.
— Pour lui permettre de mener à bien sa mission, le comité
arabe des droits de l’homme jouira d’une immunité dans ses
activités. Que signifie concrètement cette immunité et
comment sera-t-elle appliquée dans les faits ?
— La charte a octroyé au comité une immunité lui permettant
d’annoncer et de publier des déclarations sur une large
étendue concernant ses remarques et points de vue. Il en est
de même pour les rapports élaborés par le comité concernant
la conformité des procédures entreprises dans chaque Etat
aux clauses de la charte. L’immunité ici signifie que les
membres ne pourront pas être jugés pour les déclarations
portant sur leur travail. Les membres ne peuvent être ni
arrêtés, ni interpellés, ni interdits de voyager s’ils font
des déclarations relatives à leur travail. Cette expérience
est donc nouvelle dans le monde arabe et toutes les
facilités lui seront octroyées de la part de la Ligue des
Etats arabes.
— Le comité a-t-il le droit d’élaborer des rapports sur la
situation des droits de l’homme dans les Etats non
signataires de la charte arabe des droits de l’homme ?
— Bien sûr que non. C’est un principe juridique universel
qui s’applique aussi bien à l’organisation des Nations-Unies
qu’aux traités internationaux : les dispositions de toute
charte ou convention ne sont appliquées que sur les Etats
qui l’ont signée. C’est pour cela que nous appelons Etats
membres ceux qui signent la charte arabe des droits de
l’homme.
— Quels liens le comité maintiendrait-il avec les
organisations arabes et internationales des droits de
l’homme qui rédigent des rapports réguliers sur le monde
arabe ?
— A ce jour, le comité n’est concerné que par les rapports
qui lui seront soumis par les Etats membres de la charte
arabe des droits de l’homme afin de déterminer leur
conformité à la charte. C’est ainsi que fonctionne le
mécanisme de la charte. En réalité, la création de ce comité
constitue un pas énorme et il est possible qu’à l’avenir,
ses prérogatives prennent plus d’ampleur en prenant en
compte par exemple des rapports élaborés par des
Organisations Non Gouvernementales (ONG) ou même par des
individus. Notre travail passe encore par sa première phase,
comme cela a été le cas pour toutes les organisations
internationales et régionales : des Etats signent une charte
et la mettent en application.
— La charte arabe des droits de l’homme a-t-elle prévu la
création d’organes d’aide au comité dans son travail, vu
l’étendue de sa mission qui couvre plusieurs pays ?
— Il se peut qu’à l’avenir, le comité estime qu’il a besoin
d’être soutenu par un organisme consultatif. C’est-à-dire
que le comité peut recourir à des experts dans son travail.
— Quelles sont les démarches entreprises par la Ligue arabe
pour faire juger les responsables israéliens accusés de
crimes de guerre contre la population palestinienne lors de
l’agression contre la bande de Gaza ?
— Il est évident qu’Israël a commis des crimes de guerre
contre les habitants de Gaza. Un groupe d’experts en droit
international et droit pénal international ainsi que des
activistes des droits de l’homme étudient au sein de la
Ligue arabe les moyens de faire juger les criminels de
guerre israéliens afin d’éviter qu’ils n’échappent aux
crimes qu’ils avaient commis. Cet examen bénéficie de
l’intérêt des plus hautes autorités de la Ligue qui
participent aux discussions, à leur tête le secrétaire
général Amr Moussa, les secrétaires généraux adjoints
chargés des affaires arabes et de la Palestine, Ahmed Ben
Helli et Mohamed Sobeih, ainsi que l’ancien et premier juge
arabe à la Cour Internationale de Justice (CIJ) à La Haye,
l’Egyptien Fouad Riyad.
Propos recueillis par Atef Sakr