Al-Ahram Hebdo, Monde | Dissensions transatlantiques
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 Semaine du 11 au 17 février 2009, numéro 753

 

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Afghanistan. Devant la dégradation de la situation sécuritaire et la montée des Talibans, Washington et Londres appellent à une mobilisation croissante de l’Otan. Mais la France et l’Allemagne font la sourde oreille.

Dissensions transatlantiques

Prenant la mesure du défi en Afghanistan, Américains et Britanniques ont battu dimanche le rappel de leurs alliés pour l’emporter dans ce pays qui s’enfonce dans les combats entre Talibans et forces internationales. Jugeant compliquée la situation en Afghanistan, le général David Petraeus, chef des opérations américaines en Afghanistan et en Iraq, a exhorté les pays de l’Otan à augmenter leur effort. « Il nous faut plus de soutien pour atteindre nos objectifs », a-t-il dit, reconnaissant que « la situation sécuritaire s’était détériorée ces deux dernières années » en Afghanistan. Outre des renforts, le général Petraeus a égrené la longue liste des moyens manquants ou insuffisants, selon lui : dispositifs de reconnaissance, police militaire, hélicoptères, instructeurs pour l’armée et la police afghane. « Enrayer l’insécurité en Afghanistan ne sera pas simple et bon marché, ce sera une lutte difficile et longue », a-t-il prévenu, à l’unisson de propos alarmistes de Richard Holbrooke. A en croire l’émissaire américain pour l’Afghanistan et le Pakistan, le conflit en Afghanistan sera « beaucoup plus dur » qu’en Iraq. « Je n’ai jamais rien vu qui ressemble au désordre dont nous avons hérité », a assuré ce diplomate chevronné, artisan de l’accord de paix de Dayton, qui avait mis fin en 1995 à la guerre dans l’ex-Yougoslavie.

Le Pentagone, qui compte déjà 36 000 soldats en Afghanistan — sur les 70 000 que comptent au total la force internationale sous commandement Otan et la coalition sous direction américaine —, entend en déployer jusqu’à 30 000 autres dans les 12 à 18 prochains mois. « Des unités combattantes, c’est la plus précieuse contribution que nous puissions avoir à l’heure actuelle », a approuvé le ministre britannique de la Défense, John Hutton, dont le pays est le deuxième contributeur de l’Otan en Afghanistan avec 8 300 soldats. Les alliés se « leurrent » s’ils « imaginent que d’autres contributions ont la même importance » que de fournir des troupes, a souligné M. Hutton. L’appel américain et britannique se heurte cependant à de fortes réticences. La France a répété, ces dernières semaines, qu’il n’était « pas question » qu’elle renforce les 2 800 soldats présents sur le terrain. « Il faut dire que, du point de vue militaire, cette mission est suffisante, c’est la reconstruction civile qui est importante en Afghanistan », a renchéri le ministre allemand de la Défense, Franz-Josef Jung. Berlin s’est fixé un plafond de 4 500 soldats.

L’appel de Washington et Londres pour des renforts militaires était relayé par celui du secrétaire général de l’Otan, Jaap de Hoop Scheffer, qui a mis les pays européens, France et Allemagne en tête, au défi de donner, en envoyant des renforts en Afghanistan, un contenu concret au rééquilibrage qu’ils prônent avec les Etats-Unis au sein de l’alliance. « Nous devons trouver un nouvel équilibre dans le partage des tâches. Pour les charges, ça doit aller dans le même sens », a lancé M. de Hoop Scheffer. Mais, a-t-il ajouté, « Je suis inquiet quand les Etats-Unis veulent augmenter leur contribution en Afghanistan et d’autres partenaires l’exclure ». Le secrétaire général de l’Otan s’est livré à une attaque en règle contre l’insuffisance, selon lui, des efforts de l’Union européenne en Afghanistan et la difficulté de coordonner l’action des deux organisations dans ce pays. « En Afghanistan, les murs entre les deux organisations sont un réel handicap (...) C’est du gâchis », a-t-il affirmé sans aller dans le détail. L’UE entretient une mission de police en Afghanistan d’environ 200 instructeurs chargés de former les policiers afghans. Mais elle a du mal à trouver les 400 policiers européens qu’elle projette de déployer d’ici à avril. Et son action dans les provinces afghanes pose des problèmes de sécurité.

 

Privilégier la diplomatie

Ces données posent de réels problèmes au président américain, Barack Obama, qui a esquissé la semaine dernière les grandes lignes de la manière dont il envisageait l’action des Etats-Unis dans la région du conflit afghan : nouer des relations plus solides avec les gouvernements de la région, poursuivre la coopération avec les alliés de l’Otan, approfondir l’engagement envers les peuples afghan et pakistanais et mettre en œuvre une stratégie pour combattre le « terrorisme et l’extrémisme ».

Les priorités de l’action américaine ainsi formulées semblent privilégier une approche diplomatique régionale, plutôt qu’une simple option militaire, pour empêcher l’Afghanistan et le Pakistan de devenir un nouveau refuge pour les terroristes. Malgré le projet annoncé d’envoyer des dizaines de milliers de soldats supplémentaires en Afghanistan, M. Obama semble sensible aux arguments des experts qui lui disent que les Afghans sont en train de se détourner des forces de l’Otan et que des renforts militaires ne stabiliseront le pays qu’à court terme, si l’on en croit les récents propos de sa secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, qui s’est abstenue de mentionner une victoire militaire en Afghanistan parmi les objectifs de la nouvelle Administration américaine. Elle a préféré évoquer « tous les éléments de notre pouvoir — la diplomatie, l’aide au développement et la force militaire — pour coopérer avec les Afghans et les Pakistanais qui veulent éradiquer Al-Qaëda, les Talibans et les autres extrémistes violents ». Le général Petraeus s’est prononcé récemment en faveur d’une solution impliquant les gouvernements de la région. Washington semble aujourd’hui privilégier une stratégie régionale comprenant le Pakistan, l’Inde, les Etats d’Asie centrale, même la Chine et la Russie, et aussi, peut-être, à un moment donné, l’Iran. Selon Francesc Vendrell, ancien représentant de l’Union européenne pour l’Afghanistan, une solution militaire n’était pas possible dans ce pays, où les soldats étrangers sont mal acceptés. « L’accueil favorable qu’ont initialement reçu les forces étrangères est en train de se transformer en impatience, quand ce n’est pas en une franche hostilité », a récemment déclaré cet expert.

 

Importance du Pakistan

La mission du nouveau locataire de la Maison Blanche s’annonce donc dure dans un pays difficile à contrôler, éclaté en une multitude de tribus et fragilisé par le jeu trouble du Pakistan voisin. Début 2006, l’Afghanistan était vantée comme le « succès » militaire américain, par rapport à un Iraq en flammes. Les rôles sont aujourd’hui inversés : 2008 a été l’année la plus sanglante pour les Américains en Afghanistan, depuis leur arrivée en 2001, et la moins meurtrière en Iraq depuis l’invasion de 2003. Washington a amélioré la situation en Iraq en envoyant des renforts, en intensifiant les combats et en ralliant des rebelles, regroupés en milices. L’Administration Bush a semblé aller dans le même sens, en annonçant fin décembre l’envoi de 20 000 à 30 000 soldats supplémentaires en 2009, ce qui doublerait quasiment le nombre de GI’s sur place.

Quel que soit le plan de Barack Obama, il devra prendre en compte les très compliquées réalités afghanes. « On ne peut pas juste prendre les tactiques (...) qui ont marché en Iraq et les employer comme telles en Afghanistan », a prévenu le général Petraeus. Les différences sont notables, à commencer par des niveaux de culture et de développement afghan bien inférieurs à ceux de l’Iraq. Le manque de routes a ainsi contribué à faire de l’Afghanistan le « cimetière des empires », des Britanniques du XIXe siècle aux Soviétiques (plus de 100 000 soldats) des années 1980. Au-delà des combats, le principal défi semble de tenir la situation assez longtemps pour que le pays puisse compter sur ses propres forces de sécurité. En Iraq, l’armée américaine a déjà transféré le pouvoir aux autorités locales dans 13 des 18 provinces, avec 560 000 policiers et 260 000 soldats pour 437 000 km2, surtout de villes et désert, et 28 millions d’habitants. L’Afghanistan, avec ses 30 millions d’habitants pour 652 000 km2 largement montagneux, en est loin, ses 80 000 soldats et 70 000 policiers n’étant pas assez pour être à même de contrer l’avancée des Talibans dans les villages. Pour y remédier, les Américains évoquent la création de milices locales comme en Iraq. Mais « l’Afghanistan n’est pas l’Iraq. Ici, le peuple est bien plus divisé, et toutes ces milices vont finir par s’affronter », estime Hamidullah Tarzi, ancien ministre des années 1990. « Il vaut mieux renforcer la police et l’armée », estime Nader Nadery, de la commission afghane indépendante des droits de l’homme.

L’autre élément déterminant et qui complique singulièrement les choses est l’importance du Pakistan voisin et de ses zones tribales frontalières de l’Afghanistan. « Personne ne peut relever les défis qui se posent à l’Afghanistan sans ajouter le Pakistan à l’équation », admet le général Petraeus. L’arrivée au pouvoir d’Asif Ali Zardari à Islamabad soulève des espoirs. Mais des interrogations subsistent sur ses capacités à peser sur ses puissants services secrets (ISI), que Kaboul considère comme les parrains des Talibans. Donnés pour morts à la fin 2001, ces derniers se sont reconstitués pour revenir sur le devant de la scène, portés par des réseaux étrangers comme Al-Qaëda et une nouvelle génération de combattants mobilisés contre les « envahisseurs » occidentaux. Le gros des renforts américains devrait être envoyé dans le sud et l’est, près de la frontière pakistanaise, où la bataille s’annonce acharnée et longue pour les Etats-Unis, surtout si ses alliés de l’Otan venaient à se retirer.

Hicham Mourad

 




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