Inquiétudes et avertissement
L’intervention de l’Arabie saoudite contre les rebelles
au nord du Yémen est un avertissement à l’Iran pour le
dissuader de s’immiscer dans la région, comme il reflète
l’inquiétude du royaume face à l’affaiblissement du
pouvoir à Sanaa.
L’Arabie saoudite mène, depuis le 3 novembre, des raids
aériens sur les zones frontalières tenues par les
rebelles houthistes, après la mort d’un garde-frontière
saoudien tué par des tirs de rebelles qui s’étaient
infiltrés dans le royaume. Jusqu’à récemment, Riyad
s’était gardée d’intervenir dans cette guerre qui se
déroule à ses frontières entre les rebelles issus d’une
branche du chiisme et l’armée yéménite.
Cette intervention directe traduit l’inquiétude
croissante de Riyad face à l’affaiblissement du régime
du président Ali Abdallah Saleh au Yémen. Il craint que
cet affaiblissement ne soit exploité par les ennemis de
Sanaa, les sécessionnistes dans le sud du pays et la
branche locale d’Al-Qaëda. Selon des experts de la
sécurité, le royaume a discrètement aidé les forces
yéménites dans leur opération contre les rebelles lancée
le 11 août. Selon le magazine spécialisé Gulf States
Newsletter, Riyad a contribué à hauteur de 1,2 million
de dollars par mois à l’offensive gouvernementale
baptisée « Terre brûlée », tout comme elle a apporté une
aide en matière de renseignements sur le terrain.
La
frontière longue et poreuse entre les deux pays a
toujours été un casse-tête pour le royaume wahabite. Les
autorités annoncent régulièrement avoir saisi de la
drogue, de l’alcool et des armes introduits en
contrebande. Le 13 octobre, les services de sécurité
saoudiens avaient abattu deux membres présumés
d’Al-Qaëda et arrêté un troisième dans la province de
Jizane, frontalière du Yémen.
L’intervention militaire de l’Arabie saoudite est aussi
un signal à l’Iran. Les Saoudiens estiment que la
rébellion chiite au Yémen s’inscrit dans le cadre des
tentatives de Téhéran d’étendre son influence dans le
monde arabe. Riyad voit d’un mauvais œil l’extension de
l’influence iranienne en Iraq, au Liban et en Palestine.
Sanaa a accusé des « parties iraniennes » de soutenir
les rebelles et a annoncé, le 28 octobre, l’arrestation
de cinq Iraniens à bord d’un bateau iranien chargé
d’armes au large du nord du Yémen, fief de la rébellion
zaïdite. Les médias saoudiens proches du gouvernement
ont également multiplié les mises en garde contre
l’interventionnisme de l’Iran et ses tentatives de
déstabilisation dans le monde arabe à travers les
communautés chiites.