Miguel Angel Moratinos,
ministre espagnol des Affaires étrangères, était en visite
en Egypte, la semaine dernière, en compagnie de son chef de
gouvernement, José Luis Zapatero. Il évoque les rapports
entre l’Egypte et l’Espagne, le conflit israélo-palestinien
et le projet de l’Union pour la Méditerranée.
«
Nous sommes déterminés à transformer la Méditerranée en un
espace de paix et de prospérité »
Al-ahram
hebdo : Le chef du gouvernement espagnol effectue sa
première visite officielle en Egypte. Pourquoi a-t-il tardé
et comment évaluez-vous l’état des relations entre l’Egypte
et l’Espagne ?
Miguel
Angel Moratinos :
Le
premier ministre a déjà visité l’Egypte. Il a participé en
janvier au sommet de Charm Al-Cheikh pour soutenir la
médiation égyptienne, qui tentait de parvenir à un accord de
cessez-le-feu dans la bande de Gaza et de mettre fin à la
crise entre Israël et le Hamas. Il s’agit maintenant de la
célébration de la première réunion de haut niveau entre
l’Egypte et l’Espagne à la suite de la signature du Traité
d’amitié et de coopération entre nos deux pays, conclu à
l’occasion de la visite de Leurs Majestés le roi et la reine
d’Espagne en février 2008. Les relations bilatérales entre
l’Espagne et l’Egypte sont vraiment excellentes et avec
l’application de ce traité, elles sont arrivées à un niveau
indubitablement stratégique.
—
L’Espagne est fortement impliquée dans l’initiative de
l’Union Pour la Méditerranée (UPM) qui se trouve immobilisée
en raison du conflit palestino-israélien. Comment surmonter
cette situation ?
— La
situation du Moyen-Orient et, certainement, la crise dans la
bande de Gaza ont eu des répercussions négatives sur l’UPM.
Néanmoins, nous avons pu avancer récemment dans la mise en
marche du secrétariat et des institutions de la nouvelle UPM
et nous préparons aussi de grands projets de développement
dans le bassin méditerranéen. Nous espérons que la reprise
des négociations de paix le plus tôt possible permettra une
amélioration des conditions pour travailler et nous
organisons un sommet de l’UPM au printemps prochain.
— Le
processus de paix israélo-palestinien est bloqué à cause du
refus du gouvernement israélien de cesser la colonisation.
Pourquoi est-ce-que l’Europe ne prend pas de mesures
juridiques ou commerciales contre Israël, comme par exemple
le boycott des produits venant des colonies illégales ?
—
L’Espagne est gravement préoccupée par les dernières
annonces de nouvelles constructions dans les colonies de
Cisjordanie. Je dois vous rappeler que l’Espagne et l’Union
Européenne (UE) ont clairement dit que les colonies sont
illégales. Nous sommes cohérents dans nos pratiques avec ce
principe.
—
L’Espagne assume la présidence de l’UE à partir du 1er
janvier 2010. Croyez-vous que la présidence espagnole pourra
réactiver les principaux dossiers liés à la transformation
de la Méditerranée en un espace de paix et prospérité ?
—
L’Espagne souhaite agir sur les principaux dossiers
régionaux d’une manière engagée et constructive. Nous avons
de bonnes relations avec tous les pays de la région.
L’Espagne est déterminée à poursuivre cet objectif de
transformer la Méditerranée en un espace de paix et de
prospérité. Il faut compter sur tous les Etats de la région
pour trouver les solutions justes et durables aux problèmes
régionaux. La construction d’une grande coalition pour la
paix est l’un des objectifs prioritaires de l’Espagne, qui
occupera une bonne position parmi nos priorités pendant
notre présidence de l’UE.
— Le
président palestinien, Mahmoud Abbass, a menacé de ne pas se
représenter à sa propre réélection l’an prochain en raison
du blocage du processus de paix. Comment voyez-vous la
situation ?
— Je
vois en Mahmoud Abbass un homme politique extraordinaire,
qui a une vision juste et positive pour son peuple, et sa
présence est vraiment la meilleure garantie pour parvenir à
un accord de paix qui consolide définitivement la solution
de deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte, à
l’intérieur de frontières sûres et reconnues. Les
Palestiniens revendiquent leur droit à un Etat sur les
territoires occupés en juin 1967, avec Jérusalem-Est pour
capitale, aux côtés de l’Etat d’Israël. L’Espagne partage
cette vision. Nous avons déjà accordé notre soutien au Plan
Fayyad (premier ministre palestinien), visant à établir un
Etat palestinien viable dans les deux prochaines années. Il
y a déjà une déclaration d’indépendance de la Palestine à
Alger en 1988. Maintenant, il faut travailler pour le
développement des institutions palestiniennes et pour un
consensus international qui permettra l’établissement et la
reconnaissance internationale de l’Etat palestinien.
— Le
refus américain du rapport Goldstone sur les crimes de
guerre israéliens à Gaza a suscité une indignation
internationale, car cela veut dire qu’Israël est au-dessus
de la loi. Quelle est la position de l’Espagne quant à ce
rapport ?
—
L’Espagne a compris l’importance du rapport Goldstone sur le
conflit de l’hiver dernier à Gaza et nous avons demandé des
investigations complètes, indépendantes et impartiales pour
étudier les éventuelles violations des droits de l’homme.
L’Espagne reste gravement préoccupée par la situation
humanitaire dans la bande de Gaza et continue d’insister
pour que des mesures concrètes soient prises rapidement pour
trouver une solution à cette crise humanitaire. Mais nous
devons regarder vers le futur et pas vers le passé pour
éviter de nouvelles crises. Nous lançons un nouvel appel en
faveur des négociations directes entre Israël et l’Autorité
palestinienne pour parvenir à une paix globale, juste et
durable au conflit.
— La
Turquie prend un rôle de plus en plus important dans les
questions régionales. Comment évaluez-vous son action dans
le conflit du Proche-Orient et comment l’Espagne se
positionne-t-elle vis-à-vis de son entrée dans l’UE ?
—
L’Espagne a donné son plein soutien aux négociations visant
à l’adhésion de la Turquie à l’UE. Le ministre turc des
Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a visité l’Espagne la
deuxième semaine de novembre et il m’a expliqué la volonté
turque de faire une contribution positive à la stabilité de
la région du Moyen-Orient. Nous croyons que ces idées sont
très positives.
Propos recueillis par Randa Achmawy