Iran.
L’Agence
internationale de l’énergie atomique a émis cette semaine
une résolution condamnant Téhéran pour avoir ignoré les
revendications internationales en matière nucléaire. Une
mesure qui ne dissuade pas la République islamique.
Nouvelle crispation
Punissant téhéran pour avoir caché l’existence d’un site
nucléaire sensible et pour avoir continué à enrichir de
l’uranium malgré les demandes répétées du Conseil de
sécurité des Nations-Unies, le Conseil des 35 gouverneurs de
l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), qui
tente depuis des années de s’assurer que le programme
nucléaire de l’Iran est à fin civile comme le répète Téhéran,
a adopté, vendredi dernier, une résolution condamnant le
programme nucléaire iranien suspecté d’être à des fins
militaires, lui enjoignant de « suspendre » la construction
du nouveau site. Sur les 35 pays membres du Conseil des
gouverneurs, 25 ont voté en faveur de cette résolution. Les
autres se sont abstenus. La résolution sera maintenant
présentée au Conseil de sécurité de l’Onu, qui pourrait se
prononcer sur une quatrième ronde de sanctions demandée par
les pays occidentaux.
« Je ne
pense pas que notre offre soit une option. Tout l’intérêt de
l’offre est de désamorcer la crise », a affirmé Mohamad Al-Baradeï,
directeur de l’AIEA, se référant à sa proposition de faire
enrichir à l’étranger de l’uranium iranien pour alimenter un
réacteur de recherche à Téhéran. M. Baradeï, qui doit
quitter l’AIEA à la fin du mois après avoir passé 12 ans à
sa tête, avait formulé cette offre de compromis fin octobre
pour débloquer le dossier du nucléaire iranien, dans
l’impasse depuis 2003. Tout au long de son mandat, il a
tenté d’obtenir des clarifications sur la véritable nature
du programme nucléaire iranien.
Selon
les experts, cette récente résolution a son poids pour trois
raisons. D’abord, elle prépare la voie à des sanctions que
la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a annoncées
comme « paralysantes », si l’administration du président
Barack Obama réalise, d’ici fin décembre, l’échec de sa
politique d’ouverture envers l’Iran. Ensuite, il s’agit de
la première à être adoptée à l’encontre de Téhéran depuis
février 2006. Enfin, la résolution a obtenu l’appui de la
Russie et de la Chine, les deux pays qui se sont opposés par
le passé à la volonté des pays occidentaux d’imposer des
sanctions au régime iranien. L’appui de Moscou et de Pékin à
une résolution onusienne en ce sens reste pourtant incertain
malgré leur appui à la résolution de l’AIEA, affirment les
analystes.
Comme
prévu, Téhéran a rejeté la résolution onusienne, la
qualifiant de « théâtrale et inutile ». Dimanche, l’Iran a
menacé de réduire sa coopération avec l’AIEA si les pays
occidentaux ne mettent pas fin à leurs pressions sur Téhéran,
a menacé le président du Parlement Ali Larijani. En effet,
le Parlement iranien peut obliger le gouvernement à modifier
ses rapports avec l’agence onusienne, comme cela avait été
le cas en 2006 lorsque l’AIEA avait décidé de transmettre au
Conseil de sécurité de l’Onu le dossier nucléaire iranien. «
Cette initiative du groupe 5+1 montre qu’ils ne recherchent
pas la négociation, mais à commettre une tricherie politique
», a dénoncé M. Larijani.
« Remise
en cause d’un processus constructif »
Toujours
réticent, l’ambassadeur iranien à l’AIEA, Ali Asghar
Soltanieh, a dénoncé samedi « une remise en cause d’un
processus constructif ». « La grande nation iranienne ne
cédera jamais ni aux pressions ni aux intimidations en ce
qui concerne son droit inaliénable aux usages pacifiques de
l’énergie nucléaire », a défié Soltanieh, rajoutant que
cette résolution affectera évidemment le climat de
coopération instauré avec l’AIEA. L’Iran a même assuré cette
semaine qu’il pourrait se procurer lui-même la production du
combustible nucléaire dont a besoin son réacteur de
recherche si la communauté internationale ne lui en procure
pas.
L’Iran
disposerait actuellement, selon l’AIEA, de près de 1 800
kilos d’uranium faiblement enrichi à 3,5 %. Cette quantité
est théoriquement suffisante pour produire ensuite la
quantité d’uranium enrichi à plus de 90 % nécessaire pour
fabriquer une bombe atomique. Pour les Occidentaux, le
transfert du combustible iranien vers l’étranger permettrait
d’apaiser les inquiétudes internationales en assurant un
plus grand contrôle des stocks enrichis par Téhéran. La
résolution de l’AIEA adoptée vendredi dernier a donc réclamé
le gel immédiat des travaux ainsi que des éclaircissements
sur les raisons d’être de cette installation et l’assurance
qu’aucun autre site nucléaire n’a été dissimulé. Elle a
aussi exhorté Téhéran à cesser toutes ses activités
d’enrichissement d’uranium et à autoriser, sans
restrictions, les inspections de l’Onu, conformément aux
résolutions adoptées depuis 2006 par le Conseil de sécurité.
Des revendications que Téhéran s’entête à rejeter dans leur
intégralité.
L’Occident se félicite
Suite à
l’annonce de cette résolution, la communauté internationale,
qui a toujours accusé l’AIEA de mollesse face au régime
iranien, s’est largement félicitée d’un pas « tant attendu
». Samedi, un haut responsable de la diplomatie américaine a
souligné l’importance de la résolution parce qu’elle avait
été approuvée par la Chine et la Russie, et qu’elle illustre
« l’unité et la résolution parmi les Six » (Allemagne,
Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie). « La
résolution envoie un signal fort à Téhéran et exprime la
grave inquiétude internationale. Le fait que 25 pays de
toutes les régions du monde ont voté ce texte montre
l’urgente nécessité pour l’Iran de répondre à un manque de
confiance international croissant quant à ses intentions »,
souligne Robert Gibbs, porte-parole du président américain.
A la
veille de cette résolution, la Maison Blanche avait lancé
une sévère mise en garde à l’Iran en le prévenant que la
patience des Etats-Unis avait « des limites » et que la
République islamique s’exposait aux conséquences de son
refus de coopération nucléaire. « Le temps presse. Si l’Iran
refuse d’honorer ses obligations, il sera responsable de son
isolement croissant et des conséquences qui suivront », a
dit Robert Gibbs, en allusion à de nouvelles sanctions. Si
M. Obama s’est dit prêt à rompre avec la politique de son
prédécesseur et à donner sa chance au dialogue avec l’Iran,
il s’est donné jusqu’à la fin de l’année pour juger du
sérieux iranien avant de durcir le ton et, éventuellement,
de pousser à de nouvelles sanctions internationales.
Plus
enthousiaste encore était le président français Nicolas
Sarkozy qui s’est largement félicité de la condamnation de
l’Iran par l’AIEA, notant avec satisfaction que la Chine et
la Russie avaient voté pour. « Ce qui est très important,
c’est que le conseil d’administration de l’AIEA ait voté une
résolution qu’elle va transmettre au Conseil de sécurité, ce
qui prépare les sanctions », a-t-il affirmé en marge du
sommet du Commonwealth. Même la Russie, alliée
traditionnelle de Téhéran, a de sa part pressé l’Iran de
prendre « très au sérieux » le signal lancé la veille par
l’AIEA et de coopérer avec elle au sujet de son programme
nucléaire controversé.
Maha
Al-Cherbini