Guinée Equatoriale.
Au pouvoir depuis 30 ans, Teodoro Obiang Nguema devrait être
reconduit à la présidence à l’issue du scrutin de dimanche
dernier, dans ce petit pays qu’il désire ériger en émirat
pétrolier du golfe de Guinée.
La
continuité en marche
C’est
un scénario classique qu’a vécu cette semaine la Guinée
équatoriale où se tenait dimanche une élection
présidentielle dont les résultats, qui ne promettent aucune
surprise, sont attendus dans les jours à venir. Le président
Teodoro Obiang Nguema, au pouvoir depuis 1979, table sur une
victoire à la soviétique à la présidentielle de dimanche et
sur un nouveau mandat de sept ans pour diriger ce pays
pétrolier où l’opposition dénonçait fraudes et manque
d’alternance avant même la tenue du scrutin. « Je suis le
candidat du peuple et je ne vois personne qui puisse aller
contre la volonté du peuple. Nous allons gagner avec plus de
97 % de voix », a promis M. Obiang Nguema. Arrivé au pouvoir
par un coup d’Etat, M. Obiang s’est depuis donné une
légitimité : lors de l’élection présidentielle de 2002, il
avait remporté 97,1 % des voix, selon les résultats
officiels. Cette fois, trois autres candidats étaient en
lice dimanche dernier et 291 000 électeurs étaient appelés
aux urnes. Il s’agit de Placido Minko Abogo (Convergence
pour la démocratique sociale) et Bonaventura Monsuy Asumu (Parti
de la coalition sociale démocrate). Mais, de l’avis général,
un voire deux de ces candidats sont des « faire-valoir »
téléguidés par des proches d’Obiang. Un cinquième candidat
était en lice, mais il a annoncé samedi qu’il allait
boycotter le scrutin en raison du manque de transparence du
processus électoral. Il s’agit de Carmelo Mba Bacale,
candidat de l’Action Populaire de Guinée Equatoriale (APGE).
Selon lui, le Parti Démocratique de Guinée Equatoriale (PDGE,
au pouvoir) « a fait ses plans pour remporter de force
l’élection » en plaçant notamment « des membres du PDGE
comme présidents des bureaux de vote » tandis qu’un « membre
influent du parti est le président de la Commission
électorale ». Le parti au pouvoir « intimide » et « cherche
à obliger les gens à voter en faveur » de son candidat. En
outre, dans un communiqué publié quelques jours avant le
scrutin, l’opposition en exil réunie dans le Front commun (Frecom)
a déclaré refuser ces élections et ne pas « reconnaître le
résultat ». Le Frecom parle de « farce électorale » et
dénonce notamment « le recensement unilatéral » et «
l’affichage des listes à trois jours de l’échéance ». Severo
Moto Nsa, le leader du Parti du progrès, principale figure
de l’opposition en exil, a « invité les Guinéens à
abandonner leurs peurs et à ne pas aller aux élections au
lieu d’en appeler à la communauté internationale ».
Une
manne pétrolière très convoitée
Alors
qu’à ses débuts à la présidence, la Guinée était un pays
sans ressources ou presque, la découverte du pétrole a
changé la donne dans les années 1990 : ce petit pays produit
désormais plus de 400 000 barils/jour et est devenu le 3e
producteur subsaharien derrière l’Angola et le Nigeria, mais
devant son voisin gabonais. Pendant la campagne, Obiang
s’est présenté comme le représentant de la continuité,
rappelant les grands travaux réalisés ces dernières années
et se posant comme un bon gestionnaire de la manne
pétrolière. Très nationaliste, il a critiqué les
multinationales pétrolières accusées de ne pas assez
redistribuer les profits tirés de l’or noir. Il a promis de
sortir la Guinée équatoriale du sous-développement pour
atteindre le statut de pays émergent en 2020. Face à lui,
Placido Mico Abogo, candidat du principal parti d’opposition
de la Convergence Pour la Démocratique Sociale (CPDS), tente,
lui, d’occuper le terrain, même s’il juge que le régime a
effectué « un retour au système du parti unique ». Pendant
la campagne, il a dénoncé le recours « à l’emprisonnement,
la torture, le refus d’emploi et l’isolement social » des
opposants ainsi qu’à « une fraude systématique lors des
élections ». L’opposant estime que le « pétrole n’a servi
qu’à renforcer et enrichir illégalement ceux qui occupent le
pouvoir ».
Selon
certains analystes, depuis le pétrole, les velléités de
renverser le régime ont pris de l’ampleur. « Curieusement,
au temps de la dictature sanglante de Macias (Francisco,
dictateur, oncle de Teodoro Obiang qui l’a renversé), il n’y
a pas eu une seule attaque, ni campagne médiatique », assure
Miguel Oyono, un proche conseiller du président. « Personne
n’est venu libérer la Guinée. Quand la Guinée n’avait pas de
pétrole, elle n’intéressait personne. Aujourd’hui, on sait
qu’il y a des intérêts hégémoniques ou mafieux qui veulent
s’accaparer notre pétrole ».
Abir
Taleb